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Concepteur du très passé inaperçu et pourtant fort original Drawn To Life, 5th Cell s'apparente de plus en plus comme un studio de créatifs soucieux de remuer un tant soit peu le monde du jeu vidéo en général et sur DS en particulier. Ils prennent un vrai envol avec ce Lock's Quest que l'on sent réalisé avec peu de moyens mais avec une ingéniosité impressionnante. Attachant, relativement joli, scénarisé assez classiquement mais bien rythmé, il pêche uniquement par des soucis d'ordre technique qui pourront, on l'espère, être réglés dans une possible suite. A l'image d'un mur de vieilles pierre rénové, Lock's Quest est aussi charmeur, qu'à la fois solide et friable.
- Une tension de tous les instants
- Un plaisir de jeu à la fois brut et réfléchi
- Le mode multi réellement réussi
- Parfait équilibre attaque-défense
- Système de construction passionnant
- Une 3D isométrique nostalgique et réussie
- Une bande-son de qualité
- Précision du stylet discutable
- Pathfinding assez aléatoire
- Manque de profondeur du background
- Chara-design relativement faible
Alors que le RPG japonais semble parfois se scléroser ces derniers temps dans certains schémas visiblement intouchables, certains studios américains tentent de redonner quelques couleurs au genre, non sur la forme, mais sur le fond. En effet nous voilà ici dans un monde tout de 2D vêtu, avec son grand méchant, son gentil niais et sa guerre pour la survie de l'humanité. Bref, du classique mais dans un emballage tout sauf fragile et convenu. Ici, vos seuls talents de combattant ne suffiront pas, vos compétences d'ingénieur devront aussi être aiguisées. Les héros de RPG devront-ils maintenant suivre des formations longues ?
Désireux d'adresser un immense clin d'œil nostalgique aux grands pontes du RPG 16-bit, le titre de 5th Cell se pare des plus beaux atours de l'époque, à savoir une fort jolie 3D isométrique et une galerie de personnages typiques, allant du jeune adolescent débrouillard au vieux sage mystique en passant par l'ami du héros taciturne et fier. C'est de ce vieux moule, aux effluves de Secret of Mana ou de Robotrek (dont le héros a sans doute inspiré celui de Lock's Quest) que parvient pourtant à s'extraire un composé savant, fait d'un soupçon de RPG et de larges parties d'un Sim City guerrier. Car dans un monde gouverné par des hordes d'automates furieux, seules des murailles peuvent conserver l'humanité à l'abri de cette violence. C'est donc en tant que téméraire combattant mais également en tant qu'architecte que vous allez devoir exercer votre talent. Se scindant en deux phases distinctes, le jeu peut en un sens se rapprocher d'un Age of Empire-like, vous demandant en effet de réfléchir avant d'agir, de fonder une réserve de puissance, ici défensive, afin de vous en servir au bon moment. A vous donc de définir votre stratégie en fonction du terrain, de vos ressources et surtout des prévisions d'attaques ennemies.
Le mur de la fierté
Faisant partie de la caste des Archi-Tech, que l'on pourrait rapprocher d'une sorte d'ingénierie, aussi importante pour le royaume que les nobles et puissants chevaliers, Lock's Quest a donc des compétences particulières en constructions de bâtiments en général et de murailles défensives en particuliers. En effet, devant faire face à des vagues de dizaines, voire de vingtaines d'ennemis simultanés, les hameaux, villages et cités que le jeune garçon doit protéger n'ont d'autre solution que de se retrancher derrière de hauts remparts, élevés à base d'Essence, une sorte de ressource naturelle de ce monde imaginaire. C'est donc cette dernière qui va rapidement devenir la source de toutes vos réflexions. Souvent située après l'une des rares mais complètes parties scénarisées du titre, la première phase, celle de construction, vous demande donc d'ériger des protections en un temps donné et ce dans les limites de votre stock d'essence de départ. Bien entendu, plus vos murs s'avèrent larges et plus vos tourelles de défense apparaissent perfectionnées et plus leur coût creuse de larges gouffres dans votre stock d'énergie. Particulièrement intéressantes en raison de leur aspect empirique, ces phases sont également agréablement stressantes, vous obligeant à concevoir vite et plus ou moins bien la meilleure ligne de défense possible, bouchant chaque espace et utilisant le moindre chaos du décor pour économiser une muraille et donc de l'essence. Bien évidemment, vos matériaux de base évolueront au fil de l'aventure, ainsi que vos armes défensives, qu'il vous faudra d'ailleurs monter par vous-même dans une sorte de mini-jeu d'assemblage assez bien pensé.
De même, si vous dirigez une tourelle, vous serez confronté à un passage très court en 2D de tir à vue, durant lequel vous devrez indiquer avec le stylet où les boulets de canon que vous projetez doivent s'écraser, tout en décidant, chaque jour de bataille, quels bonus vous désirez ajouter à votre profit (un gardien qui empêche l'ennemi d'avancer, des points de "santé" supplémentaires pour votre tour, etc.). Un interlude très sympathique, qui met pourtant en exergue l'un des problèmes majeurs du soft à savoir la gestion des commandes au stylet, que ce soit dans les modes construction ou attaque. Il n'est pas rare de devoir s'y reprendre à deux ou trois fois avant de réussir à placer correctement un mur et Lock's Quest parvient encore à nous surprendre après de longues heures de jeu en refusant certains ordres, la faute également à un pathfinding imprécis, ou en ne parvenant pas à attaquer un ennemi directement à cause d'un défaut de pointage. Un problème dommageable qui n'handicape pas réellement le jeu mais qui fait écho aux problèmes récurrents de la DS à ce niveau. D'autant que les phases d'action sont suffisamment rythmées et intenses pour faire quasiment taire ces lacunes dans un flot de bonnes idées.
La meilleure défense est l'attaque
Une fois vos murailles érigées, les choses sérieuses commencent avec l'arrivée ininterrompue de groupes soudés d'automates de combat. Le jeu prend, durant ces phases, de faux-airs de Survival-RPG, vous demandant de soutenir ce siège violent pendant plus ou moins trois ou quatre minutes. Si ce laps de temps peut sembler très court sur le papier, il paraît durer une éternité tant la tension s'avère présente et haletante. Car vous devrez non seulement réparer en temps réel vos murs et vos tourelles de défense, mais également fondre sur l'ennemi afin d'entamer des duels dans un style A-RPG agrémenté d'ingénieuses capacités d'assaut, comme des enchaînements nécessitant de presser divers chiffres affichés sous le héros dans l'ordre, une roue à tourner plusieurs fois dans un sens défini afin d'empoisonner les robots adverses en passant par un déluge d'éclair une fois que sa jauge d'essence est à moitié pleine. Bref, un embarras du choix surprenant dans un soft que l'on prend en premier lieu comme une simple simulation de défense de place-forte. Comme vous vous en doutez, cette action est à réaliser en ultime recours, seulement si vos fortifications ne parviennent pas à retenir suffisamment longtemps les troupes ennemies. L'intérêt étant ici justement cette pression constante que le joueur ressent, courant de murs en murs tout en scrutant la mini-carte afin de se déplacer en fonction des divers assauts parfois symétriques. C'est dans l'urgence que le plus grand plaisir et la plus grande imagination se déploient, à l'image des antiques jeux Game & Watch dans lesquels l'excitation devenait palpable une fois l'écran LCD remplit à ras-bord de sprites demandant de l'aide.
Néanmoins, certaines missions vous demanderont tout de même de partir en éclaireur dans le but de diminuer préalablement les forces adverses, de libérer des otages ou d'empêcher la fuite de généraux ennemis. La stratégie est ici plus rudimentaire mais nécessite tout de même de bien connaître son environnement afin de contourner les lignes ennemies et de savoir se replier le temps que ses points de vie remontent d'eux-mêmes. Malgré ses défauts de jouabilité, son chara-design peu avenant et son scénario convenu - bien qu'agréable à suivre -, Lock's Quest offre une variété rare dans le monde du RPG et parvient à rapidement charmer. Il fait partie de ces jeux imparfaits mais profondément attachants grâce à leurs risques pris et leur honnêteté globale, à l'image du récent Infinite Undiscovery, mal réalisé mais remplit de bonnes idées. L'avantage de Lock's Quest est de pousser au bout ses trouvailles en les inscrivant de plein pied dans son contexte, certes très pauvres mais originales, tout en affichant une réalisation old-school de bon aloi, soulignée de thèmes musicaux de bonne tenue, malgré une certaine redondance. Un mariage réussi entre classicisme sur la forme et originalité très convaincante sur le fond. De fait, et si le plaisir de jeu n'empêche pas des défauts objectifs, le titre de 5th Cell provoque ce sourire de contentement, résidu d'une expérience vidéoludique neuve et pour une fois à vocation plus défensive qu'offensive.
Entre 4 murs
La dernière surprise de ce Lock's Quest décidément atypique est un mode multijoueur tout sauf gadget, reprenant le concept de base du jeu tout en l'adaptant aux besoins du jeu à plusieurs. Si l'on garde donc le principe de construction et de phases bien découpées, il est également ici nécessaire d'enrôler des troupes et de définir leur trajet sur la carte de la manière la plus fourbe évidemment, dans le but avoué de percer les défenses de votre opposant/ami. Même si malheureusement il est obligatoire de posséder une cartouche chacun, ce mode est jouable jusqu'à quatre et s'avère aussi jouissif et aussi prenant que la partie solo. C'est dans cette situation que l'on se rend le mieux compte du potentiel profond du concept de base du jeu et de sa stabilité. C'est également au sein de ces moments que l'on regrette des défauts qui auraient sans doute pu être corrigés avec davantage de temps de développement, ce qui aurait permis à Lock's Quest de se faire une place inattendue dans le trio de tête des meilleurs RPG sur DS.