Test Les Fourmis : Microids tient-il son premier chef d'oeuvre ? sur PC
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Avec Les Fourmis, Microids tient là son premier grand jeu, capable de tenir la dragée haute aux grosses productions de cette fin d'année 2024. La phrase peut paraître surréaliste pour certains, compte-tenu du passif peu glorieux de l'entreprise de Rosa Parks (même si elle dispose de titres très corrects et très plaisants dans son catalogue, ne l'oublions pas), mais l'effort est bien réel. En misant sur les développeurs de Tower Five, l'éditeur français a visé juste, car non seulement le studio rochelais prouve qu'il maîtrise à la perfection l'utilisation de l'Unreal Engine 5, faisant de leur titre l'un des jeux les plus beaux de cette année, mais en plus, ils ont trouvé la formule parfaite pour adapter le RTS sur consoles, avec contrôles à la manette. La souris est en effet remplacée par notre fourmi qui va gérer toutes les actions à entreprendre sur le champ de bataille, le tout avec une grande efficacité et toujours au coeur de l'action. De fait, le joueur n'est jamais passif et doit constamment jongler entre les différents nids qu'il faut faire prospérer. Mais que les allergiques du RTS se rassurent, Les Fourmis, c'est aussi un jeu d'aventure, d'exploration et de contemplation, avec des niveaux magnifiques à découvrir, le tout à travers les yeux d'une petite fourmi dans un monde qui paraît subitement gigantesque. On l'a déjà dit, mais on va encore le répéter, le titre de Microids est une claque visuelle et se balader dans ce microcosme est une expérience rafraîchissante, loin de ce que nous propose le jeu vidéo de manière générale. On sort de notre zone de confort certes, et on découvre un monde nouveau, bien pensé et bien troussé, au contenu riche et challengeant. Il se dit qu'en ligne droite, la campagne se finit en 20h, on avoisine plutôt les 40 heures de jeu, tandis que le mode multi va permettre de prolonger le plaisir. Et cerise sur le cake, le jeu est vendu 39,99€. À ce prix-là, c'est presque un cadeau.
- Visuellement, c'est une claque !
- Techniquement archi solide aussi
- Un jeu qui invite à la contemplation
- Un jeu qui fourmille de détails, partout, tout le temps
- Un gameplay RTS intelligemment pensé pour les consoles
- Joli travail de level design
- Une belle variété dans les missions
- Du bon challenge à revendre
- Un tutoriel très bien pensé
- La musique qui accompagne parfaitement
- Les sons de la nature comme si on se baladait en forêt
- Très belle durée de vie (j'ai mis 38h pour le finir)
- Vendu moins de 40€
- Il y a même un mode multi
- Nature un peu trop figée
- Les contrôles qui s'inversent quand on a la tête en bas
- Histoire pas assez poussée
- Menus un brin austères et intrusifs par défaut (ça se règle dans les options cela dit)
Avant de vous expliquer comment Microids est enfin parvenu à avoir son petit chef d'oeuvre après 40 ans de jeux céréales (il était temps !), j'aimerais ouvrir une parenthèse sur l'oeuvre des Fourmis en elle-même. Elle est née de l'imagination de l'écrivain Bernard Werber en 1991 et fait partie des plus grandes oeuvres littéraires de ce monde. Visez un peu : 35 millions d'exemplaires vendus worldwide et un bouquin traduit en plus de 35 langues, Bernard Werber est tout simplement l'un des auteurs français contemporains les plus lus à travers le monde. Mais Bernard Werber, c'est auss un écrivain frustré. Frustré d'avoir été victime d'une arnaque en bande organisée par deux grandes sociétés américaines, et pas n'importe lesquelles : Disney et Dreamworks. Parce que oui, quand le livre Les Fourmis sort en 1991, c'est un événement dans le monde de la littérature, au point où le cinéma avait des envies d'adaptation. Medialab, une entreprise spécialisée dans les images de synthèse et faisant partie des pionniers en la matière, rachète les droits du livre Les Fourmis pour en faire un film d'animation. Le projet avance : des storyboards sont réalisés, les fourmis sont modélisées et quelques séquences sont même fabriquées. Sauf que le destin en a voulu autrement, puisqu'en 1992, Alain Guiot, le patron de Medialab meurt dans un accident de la route et va entraîner la revente de sa société à Canal+. Il est alors décidé de proposer le projet à Disney qui est conquis par la proposition, mais décide de ne pas racheter les droits, mais de faire son film de son côté. La suite, on la connaît : 1001 Pattes de Pixar sort au cinéma en 1998. Je me rappelle des bonus DVD où l'on voyait John Lasseter se vanter d'avoir eu l'idée de ce monde microscopique. Beau mytho.
'1001 PATTES' & 'FOURMIZ' PEUVENT DIRE MERCI
Mais en 1998, rappelez-vous, un autre film d'animation sur des fourmis qui parlent sort aussi au cinéma. Il répond au nom de Fourmiz, avec un Z à la fin, et c'est la société Dreamworks qui en est le "créateur", les guillemets sont importants. Dreamworks et Disney Pixar à l'époque, c'était les frères ennemis et la concurrence était féroce, à tel point que les deux géants de l'animation sortaient le même film au même moment. Coïncidence ? Bien sûr que non. Parce que si FourmiZ existe également, c'est bien parce que le co-fondateur de Dreamworks n'est autre Jeffrey Katzenberg, un ancien de chez Disney, tandis que son associé n'est autre que Steven Spielberg. Sauf que Jeffrey Katzenberg en quittant Disney s'est dit que le projet des Fourmis en CGI, c'est un trésor sur lequel il ne faut pas manquer et l'idée d'en faire un autre film. Certes, Fourmiz est radicalement différent de 1001 Pattes qui a une vibe "kids", tandis que FourmiZ a une approche plus adulte et plus proche du film de Bernard Werber d'ailleurs. C'est celui qui s'en inspire le plus. Mais Bernard Werber ne touchera rien sur ce film d'animation, juste une lettre d'excuses de la part de Steven Spielberg. Le culot.
Cette anecdote signée Bernard Werber en personne, elle est sortie dans un article de Melinda Davan-Soulas de BFM TV que vous pouvez retrouver ici en ligne, et dans ce même papier, on apprend que Bernard Werber aurait pu intenter un procès, qu'il aurait sans doute gagné, mais que la mise de départ était de 1 million de dollars et qu'il fallait être prêt à se battre pendant au moins 10 ans. Tout ça me rappelle l'histoire du Roi Lion que Disney a pillé auprès du Roi Leo de Tezuka Osamu et qui n'a jamais reconnu le plagiat, alors que c'est d'une évidence implacable. Le Roi Lion, cette franchise qui brasse des milliards depuis sa création en 1994...
BEAUTÉ INSOLENTE
Bref, tout ça pour vous dire qu'aujourd'hui, Bernard Werber a sa revanche, car je ne vais pas y aller par 4 chemins, mais le jeu vidéo Les Fourmis par Tower Five et Microids, c'est définitivement l'un des jeux les plus surprenants et rafraîchissants de cette fin d'année. Le jeu a d'inombrables qualités, je vais les décortiquer mais la première, elle est visuelle. Juste matez-moi ces images que je vous ai capturées en 4K, c'est tout simplement splendide ! On savait déjà que le jeu allait briller par sa plastique depuis les présentations et les vidéos de gameplay publiées par Microids, mais à la maison sur mon téléviseur 8K de 75 pouces que Samsung m'a prêté, la gifle est juste monumentale. Combien de fois je me suis arrêté pour juste contempler ce microcosme qui s'anime sous mes yeux, c'est de la folie. Que ce soit mon épouse, mes enfants, ou les copains de passage à la maison, tout le monde a été bluffé par la technique du jeu. Il faut dire que rien n'a été laissé au hasard, qu'il s'agisse de la richesse des textures, la modélisation de chacun des insectes et des animaux qu'on va croiser sur son chemin, leurs animations également, l'éclairage global qui est parfaitement maîtrisé et le différentiel des surfaces et autres matériaux, on a vraiment l'impression d'avoir les vrais objets sous les yeux, non vraiment, c'est une vraie gifle qu'on se prend en pleine figure. Pour atteindre un tel rendu, le studio Tower Five a décidé d'utiliser l'Unreal Engine 5, un moteur capable de faire de vrais miracles quand on sait l'utiliser, mais il faut aussi savoir adapter cet outil à ses besoins. Là aussi le travail de Tower Five a été exemplaire, puisque techniquement, le jeu Les Fourmis est archi solide, bien fignolé et sans l'ombre d'un seul bug. Difficile d'y croire quand on évoque le nom de Microids et pourtant, c'est bien vrai. Et c'est d'autant plus surprenant que voir un monde à travers les yeux d'une fourmi, c'est super rare dans le jeu vidéo. Alors oui les joueurs Xbox me citeront le jeu Grounded, très sympa au demeurant dans son approche, mais visuellement, les deux épisodes ne font clairement pas rêver...
Mais il n'y a pas que le rendu visuel qui est à féliciter dans le jeu, il y a aussi le level design qui a bénéficié d'un soin tout particulier. Parce que si le microcosme des Fourmis prend aussi vie, c'est grâce à la manière dont sont créés les niveaux. Là aussi, rien n'est laissé au hasard, avec une vraie réflexion sur la façon dont on va disposer les éléments naturels pour que notre fourmi puisse se frayer un chemin à travers tous ces obsctales. Branches, plantes, fleurs, feuilles mortes, cailloux, fruit qui pourrit au sol, pomme de pin qui flottent, cours d'eau, c'est un véritable d'orfèvre qui a été réalisé ici. Le seul reproche qu'on puisse faire, c'est l'absence de vent qui aurait contribué à donner encore plus vie à cet écosystème riquiqui. On aurait amé voir le feuillage bouger au loin, la végétation bouger quand notre fourmi s'enfonce dans la mousse, ou voir les cours d'eau ne pas rester inertes pour que le rendu soit encore plus organique. C'est un menu détail certes, mais à l'heure où certaines productions en open world ont intégré ce genre d'éléments météo, il est dommage que dans un titre comme celui-ci, on ne puisse pas en profiter. Et pour permettre de bien profiter de tous ces paysages champêtres et bucoliques, les développeurs de Tower Five ont prévu 3 champs de vision différents : vue standard, plan serré et vision plus large, le tout avec une caméra entièrement libre et manuelle, ce qui permet d'avoir un spectre global sur le champ de bataille. Parce que oui, Les Fourmis propose peut-être beaucoup de moments de balade et de contemplation bienvenues, c'est avant tout un jeu de stratégie en temps, un RTS pour les spécialistes du genre, et là encore, Tower Five a réussit un tour de force incroyable : celui de rendre les RTS jouable et jouissif sur consoles et donc à la manette. Bougez pas, je vous explique.
FORMULE MAGIQUE
Le jeu de stratégie en temps réel, ou RTS, est un genre qui appartient avant tout au monde du PC. Il faut dire que le gameplay, les systèmes de jeu ultra rapides et le nombre d'action par minute (les fameux APM) ne peuvent que s'exercer au duo clavier-souris, et c'est la raison pour laquelle, il n'y a pas d'équivalence sur consoles avec une manette. Et pour Tower Five, c'était justement l'un des objectifs à atteindre, faire de ce jeu Les Fourmis, un jeu de stratégie accessibles pour les joueurs consoles. Parce que même si le jeu sort sur PC, c'est avant tout pour le marché PS5 et Xbox Series que le jeu a été pensé, avec une approche grand public. Et pour ce faire, les développeurs rochelais ont eu une idée de génie : au lieu de diriger une flèche qu'on va bouger péniblement avec le stick analogique pour déclencher les actions à faire, on va la remplacer par la fourmi n°103 683 que l’on incarne, celle-là même qui est le personnage central du libre de Bernard Werber, celle qui va mener les troupes vers la victoire et permettre à la colonie de survivre. Parce que la fourmi n°103 683 est la plus intelligente du groupe, c'est elle qui va mener les actions à entreprendre, elle qui va demander aux fourmis d'aller récupérer les ressources nécessaires à la construction des autres éléments qui vont permettre de partir en guerre contre les autres insectes, sachant que ce sont avant tout les termites les ennemis numéro 1 à abattre.
Pour ce faire, il va falloir apprendre à gérer ses nids, qui servent de base de construction pour avancer dans la conquête des territoires. En fonction du bois et de la nourriture en stock, vous allez pouvoir donner naissance à trois types de légions : des ouvrières qui récoltent les ressources et se battent au corps-à-corps, des artilleuses qui sont efficaces dans le tir à distance et enfin les guerrières qui se battent avec une telle férocité qu'elles peuvent ralentir les troupes ennemis. On peut aussi faire monter leur rang et donc leur puissance, ce qui est chaudement recommandé. Bien sûr, on peut aussi créer toutes sortes de défense pour protéger ses différents QG, mais aussi octroyer quelques pouvoirs sympathiques comme un mode Rage qui permet de faire plus de dégâts, un mode Bouclier qui permet de mieux résister aux attaques, un mode Peur pour faire panier l'ennemi, ou des kits de soin pour faire remonter la barre de vie de nos troupes. Ces pouvoirs qui sont régis par un cooldown se déclenche à proximité de son armée avec les touches directionnelles. Mais ce qu'il faut retenir avant tout avant d'envoyer ses troupes sur le front, c'est que les combats dépendent aussi d'un système de prédation. En fait, chaque unité, que ce soit les nôtres ou celles des ennemis possèdent leurs forces et leurs faiblesses, sachant que certains types d'insectes ont naturellement l'ascendant sur l'autre et ont aussi leur prédateur. Les Guerrières sont plus fortes que les Artilleuses, les Artilleuses prennent le dessus sur les Ouvrières, et les Ouvrières sont au-dessus des Guerrières. Sachant que chaque unité est représenté par une couleur différentes, on se repère assez facilement au bout d'un moment : le vert bat le orange, le orange bat le bleu, tandis que le bleu bat le vert. Et à ce joyeux bordel viennent s'ajouter les Super Prédateurs qui débloquent plus tard dans l'aventure, tout comme les membres Soutien comme les Escargot et les Mantes-Religieuses qui servent d'appât pour que maintenir l'ennemi hors de portée. Plutôt pratique.
SUPÉRIEUR / INFÉRIEUR
Alors évidemment, dit comme ça, tout semble bien complexe, mais le studio Tower Five a fait les choses bien, de manière progressive, avec un très long tutoriel qui permet d'amener petit à petit chaque élément de gameplay et nous permettre de bien les comprendre et par la suite les maîtriser. C'est très important de ne pas se lancer tête baissée sous prétexte qu'on a compris comment gérer ses nids, car le challenge monte crescendo et certaines missions se révèlent particulièrement balèzes, notamment quand le chrono rentre aussi en ligne de compte. D'ailleurs, sur ce point-là, le studio rochelais a encore bien travaillé, avec une belle variété dans les missions, qui varie entre exploration, aventure, stratégie, infiltration et même un peu de narration, histoire de ne pas lasser le joueur en maximisant la diversité. Sans équité ni inclusivité.
Ce qui est en revanche regrettable, c'est que le jeu Les Fourmis ne va pas assez loin dans sa narration et surtout survole trop légèrement le roman de Bernard Werber. Bien sûr, on retrouve les mêmes personnages, les lieux également et dans les grandes lignes, il s'agit de l'oeuvre de Werber, mais on déplore un manque de narration qui aurait pu apporter plus d'impact à cette aventure pourtant esquise à parcourir. De même, les échanges verbaux entre les fourmis avec lesquelles on peut interagir se limitent à des lignes de textes sans aucun son, ce qui est dommage quand on voit le potentiel sous les yeux. En parlant des textes dans le HUD, je vous invite à aller dans les options pour réduire leur taille, car ils sont non seulement intrusifs au possible par défaut, mais en plus, ils ne disparaissent jamais de l'écran, ce qui a tendance à nuire à l'immersion. Et d'ailleurs, puisqu'on en est aux reproches, il va falloir aussi s'habituer à la maniabilité de notre fourmi, notamment dans les passages avec la tête à l'envers où les contrôles s'inversent. J'imagine que les développeurs ont tenté de trouver le meilleur compromis, mais dans les passages circulaires, ou même certains obstacles comme un petit morceau de bois, on peut se retrouver bloqué dans une boucle de direction. C'est un coup de main à prendre, tout comme l'inertie de notre fourmi quand elle se met à taper un sprint, puisqu'elle ne colle plus aux surfaces et donc peut décoller et perdre contrôles facilement. C'est un coup de main à prendre, mais une fois qu'on a compris les commandes, on finit par tout maîtriser.
MICROIDS BOMBE LE TORSE
Avec Les Fourmis, Microids tient là son premier grand jeu, capable de tenir la dragée haute aux grosses production de cette fin d'année 2024. La phrase peut paraître surréaliste pour certains, compte-tenu du passif peu glorieux de l'entreprise de Rosa Parks (même si elle dispose de titres très corrects et très plaisants dans son catalogue, ne l'oublions pas), mais l'effort est bien réel. En misant sur les développeurs de Tower Five, l'éditeur français a visé juste, car non seulement le studio rochelais prouve qu'il maîtrise à la perfection l'utilisation de l'Unreal Engine 5, faisant de leur titre l'un des jeux les plus beaux de cette année, mais en plus, ils ont trouvé la formule parfaite pour adapter le RTS sur consoles, avec contrôles à la manette. La souris est en effet remplacée par notre fourmi qui va gérer toutes les actions à entreprendre sur le champ de bataille, le tout avec une grande efficacité et toujours au coeur de l'action. De fait, le joueur n'est jamais passif et doit constamment jongler entre les différents nids qu'il faut faire prospérer. Mais que les allergiques du RTS se rassurent, Les Fourmis, c'est aussi un jeu d'aventure, d'exploration et de contemplation, avec des niveaux magnifiques à découvrir, le tout à travers les yeux d'une petite fourmi dans un monde qui paraît subitement gigantesque. On l'a déjà dit, mais on va encore le répéter, le titre de Microids est une claque visuelle et se balader dans ce microcosme est une expérience rafraîchissante, loin de ce que nous propose le jeu vidéo de manière générale. On sort de notre zone de confort certes, et on découvre un monde nouveau, bien pensé et bien troussé, au contenu riche et challengeant. Il se dit qu'en ligne droite, la campagne se finit en 20h, on avoisine plutôt les 40 heures de jeu, tandis que le mode multi (du 1v1 uniquement par contre) va permettre de prolonger le plaisir. Et cerise sur le cake, le jeu est vendu 39,99€. À ce prix-là, c'est presque un cadeau.