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- Les partis pris de gameplay
- Un jeu cohérent de bout en bout
- Des émotions dans un jeu à licence
- De nombreuses séquences inoubliables
- L'incroyable ambiance sonore
- Quelques soucis de frame rate
- Le système de visée un peu lent
- La fin un peu abrupte
Dans le catalogue des idées reçues à destination de la profession de journaliste, celle décrétant que l’adaptation de grosses licences de films en jeux vidéo aboutit à un résultat raté tient une bien belle place. Mais voilà, quand c’est Michel Ancel qui collabore avec Peter Jackson, on ne peut qu’être enthousiaste.
Médiatisé à l’extrême depuis sa prime annonce, la collaboration entre Peter Jackson et Michel Ancel pour l’adaptation du nouveau film de l’un par les équipes de l’autre nous a permis de découvrir que si le fabuleux Beyond Good & Evil n’avait pas été un succès commercial, son aura avait dépassé le simple cadre des passionnés de jeu vidéo. Comme nous l’a appris la désormais célèbre anecdote, c’est en effet après avoir joué aux aventures de Jade que Peter Jackson a voulu confier à son créateur l’adaptation de son King Kong, rêve de remake rendu possible par le triomphe de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Revers de la médaille, la rumeur veut que cela soit aussi le point de départ des vues hostiles d’Electronic Arts sur Ubisoft, le géant de l’édition ayant très mal pris le fait de s’être fait souffler une licence aussi prestigieuse (et aussi potentiellement juteuse). King Kong marque donc le point de rencontre de deux véritables auteurs, le croisement entre deux univers à l’identité très marquée. C’est d’ailleurs tout le jeu qui va se placer sur le thème de la dualité avec deux personnages principaux, deux gameplays et deux univers, tous étant radicalement différents l’un de l’autre. Toutefois, et ce n’est pas là la moindre des qualités du jeu d’Ubisoft, le tout reste d’une cohésion incroyable du début à la fin.
Bien évidemment, étant donné les partis pris de gameplay se pose alors la question de la précision de la visée. En pratique, cela fonctionne parfaitement puisqu’il est possible de contourner les problèmes éventuels en pointant son arme et de se servir du repère constitué par votre seconde main pour ajuster votre tir. Au cœur de l’action, par contre, vous n’avez pas le temps d’utiliser ce procédé mais le tir "à la volée" reste tellement intuitif que cela fonctionne également parfaitement. En toute honnêteté, j’ignore si un joueur peu rompu aux FPS aura la même précision que celles que vous et moi pouvons avoir mais là n’est pas l’essentiel, le jeu semblant assez tolérant de ce point de vue là. De plus, ne croyez pas que le fait de jouer Jack est comparable à un Turok, par exemple. Dans King Kong, on ne tue pas des centaines de dinosaures en avançant dans un espace ouvert, on vit une aventure ponctuée de rencontres dangereuses avec lesquelles vous allez devoir composer. Certes, votre chemin sera entièrement tracé mais l’immersion est telle que cela n’est pas gênant dans la mesure où vous vous laissez prendre au jeu. Comme je le disais donc un phrase plus tôt, face aux dinosaures, la seule force ne suffira pas, vous aurez beau vider un chargeur sur un T-Rex, cela ne l’empêchera pas de vous croquer, les différentes morsures déformant vos sens et accélérant votre rythme cardiaque. Il va donc falloir bien souvent ruser et utiliser à bon escient votre environnement. Cela passera, par exemple, par l’utilisation du feu ou des petits animaux (insectes, vers, poissons) que vous pouvez croiser. Je vous laisse découvrir cela afin de ne pas vous gâcher le plaisir mais sachez qu’il existe bien souvent plusieurs façons de faire face. D’autre part, King Kong fait partie de ces rares jeux où le joueur est amené à fuir. Là où le héros de jeu vidéo, reclus dans son archétype, brave tous les dangers au péril d’une de ses infinies vies, celui conçu par Michel Ancel n’hésite pas à s’échapper face à une menace insurmontable, tout en couvrant sa fuite, bien évidemment. Tout cela offre bon nombre de phases de jeux mémorables mais, encore une fois, je vous laisse les découvrir et les vivre par vous-même. Cela est d’ailleurs l’occasion d’une transition évidente vers la deuxième personnalité du jeu, dont l’apparition est l’occasion d’une fabuleuse scène qui se permet de jouer sur la lenteur, le véritable roi de Skull Island : Kong.
Alors, certes le jeu est parfois extrêmement linéaire et dirigiste mais c’est indéniablement le prix à payer pour qu’il reste aussi prenant. Il est à regretter cependant que c’est pendant certaines phases de déplacement avec Kong que le frame-rate subisse un sérieux coup de fatigue, ralentissant l’animation aux limites du tolérable. C’est d’ailleurs là un des rares critiques d’ordre technique qu’il est possible d’adresser au jeu qui, même sans être particulièrement bluffant, assure correctement sa contribution au spectacle. King Kong a peut-être les épaules un peu trop carrées mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui importe davantage est l’évolution de notre rapport au grand singe, car même si l’empathie est, par nature, différente de celle que l’on éprouve pour Jack, peu à peu, son amour pour la belle Anne va poindre et nous rapprocher de lui. Sans céder à l’anthropomorphisme ni le romantisme rose bonbon, Michel Ancel arrive, par petites touches, à faire évoluer nos rapports au personnage, évident pendant animal de Jack. C’est là d’ailleurs une des grandes forces de King Kong : imprimer de l’émotion, qui plus est dans un jeu à licence. On passe par des phases d’émerveillement (une traversée de dinosaures devrait vous marquer) à la crainte jusqu’à la tristesse, elle-même générée par l’affection pour les protagonistes. Que cela se fasse dans un jeu destiné, a priori, à un public très large, est d’autant plus remarquable.
Le pari est donc réussi pour Michel Ancel et ses équipes. S’il n’est pas parfait ni bluffant techniquement, son King Kong propose de grands moments d’émotion, denrée rare dans le jeu vidéo. Malgré une schizophrénie évidente régnant à tous les niveaux du jeu, malgré le fait d’être une adaptation, le jeu arrive à conserver sa cohérence ainsi qu'une personnalité salutaire en ses temps de standardisation à outrance. S’il fera fuir les intégristes de la liberté d’action, il ravira tous ceux qui aiment qu’on leur fasse vivre une belle histoire, même si on les tient par la main….