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L’Arbre Mana, immense source de vie, se tarit d’année en année. Capable de nous offrir les plus beaux fruits que compte la variété Action-RPG lors de son âge d’or, il nous a, hélas, plus souvent donné des épines et des pépins ces dernières années. Pourquoi s’être décliné dans un RTS qui n’est pas sa spécialité ? Malgré son parti pris artistique et scénaristique qui fait mouche, Heroes of Mana sombre par son gameplay mou et approximatif, et par son I.A. définitivement ratée. Si le système proposé est malgré tout solide, le titre montre – si besoin en était – que le terme Mana n’est plus synonyme d’excellence. Plutôt que ce lynchage, on aimerait, pour une fois, avoir droit à des remakes.
- L’ambiance sombre
- Techniquement abouti
- Réussite artistique…
- …à défaut d’être ludique
- I.A. complètement ratée
- Rythme beaucoup trop mou
- Batailles brouillonnes
- Le nom des personnages ridicules
- Pourquoi un tel acharnement ?
Parmi les sagas mythiques que compte Square Enix, l’une d’elles se meurt après avoir intensément brillé durant les années 90. La série Seiken Densetsu, plus communément appelée Mana en occident, constituait alors la crème de l’Action-RPG. Mais pour une raison qui nous échappe encore, le roi du RPG s’entête dans des déclinaisons à la qualité et à l’intérêt discutables. Malheureusement, dans la famille Mana, il y a désormais autre chose que l’Arbre à sauver : il y a le nom.
C’est au fruit que l’on reconnaît l’arbre ?
Heroes of Mana se pose comme l’épisode de la rupture. Rupture dans son gameplay, rupture dans son ambiance, rupture artistique et même rupture scénaristique. Etrangement, Square Enix et Brownie Brown nous offrent là un titre qui se place aux antipodes des traits de famille qu’avait su garder la saga, au gré de ses changements. Si l’aventure prend place 19 ans après l’épopée contée dans Seiken Densetsu 3, le traitement qui lui a été administrée n’a simplement rien à voir. La scène d’introduction, les premiers artworks qui défilent à l’écran dévoilent un character design un brin plus adulte, plus réaliste. Les personnages sont loin du look kawaii / manga des précédents opus, et pour cause. Roget, le héros, et son équipe étaient chargés de s’infiltrer dans le royaume de Ferolia, terre des Beastmens. Cette mission nocturne avait pour but d’éclaircir les intentions de ce peuple mis au ban de la société. Il se murmurait que dans le sillage de leur roi Gauser, les Beastmens avaient pour plan d’attaquer Pedda. Manque de chance, c’est exactement le contraire qui va se dérouler, et c’est sous leurs yeux emplis d’incompréhension que nos héros vont assister au massacre de ce peuple innocent. Leur propre patrie en est à l’origine, et elle ne compte pas en rester là. De la bouche même de leur ex-général Baxilios, nos héros apprennent que Pedda s’apprête à déclarer la guerre au reste du monde. Avec cet épisode, la série tranche radicalement avec ce à quoi elle nous avait habitués jusqu’alors. L’univers y est plus sombre, plus sérieux. L’action y est plus violente, plus crue, ce qui place cet épisode assez loin des contes dépeints habituellement par la série. Si ces revirements artistiques et scénaristiques ont de quoi étonner le fan, il faut reconnaître qu’ils sont amenés avec un certain talent C’est donc sur fond de complots, de trahisons, de conflits politiques et raciaux qu’il va falloir diriger vos unités, et croyez-moi, ce ne sera pas une mince affaire…
Pas si sûr…
Vous le savez sans doute, Heroes of Mana est un RTS ; il en reprend donc les mécaniques de jeu. Son déroulement est composé de missions entrecoupées de phases de dialogue qui permettent de faire avancer le scénario. Si rien de particulier n’est à signaler concernant ces dernières, il en est autrement pour les phases de bataille qui constituent la plus grosse partie du jeu. Comme dans tout bon RTS qui se respecte, ces phases débutent par la récolte de ressources. Elles serviront d’une part à construire diverses structures, et d’autre part à invoquer vos unités. Celles-ci se classent en quatre groupes, et prennent place dans un schéma circulaire classique qui veut qu’aucune ne s’impose comme la meilleure, l’incontournable. Ainsi, les unités lourdes sont particulièrement efficaces et résistantes contre les unités au sol qui, elles, surclassent les unités à longue portée. Enfin, ces dernières sont supérieures aux unités volantes qui domineront à leur tour les unités lourdes. La boucle est bouclée. La bonne connaissance du bestiaire est donc importante pour savoir à quel genre d’unité il vous faudra faire appel. En dehors de ces unités d’attaque classiques, nous trouvons trois autres sortes d’unités plus spécifiques. Les unités de collecte servent, comme leur nom l’indique, à collecter les ressources dont vous aurez besoin ; les unités spéciales sont de leur côté plus puissantes et n’entrent pas dans le cercle forces/faiblesses des unités classiques. Enfin, les unités leaders, constitués des héros, apportent une petite touche nippone au jeu. Ainsi, ceux-ci disposent d’un équipement comme le veut tout bon RPG, et sont même dotés de pouvoirs élémentaires. Malheureusement derrière un concept solide sur le papier se cachent d’énormes errances dans la prise en main.
Malgré son double-écran et son stylet, la DS ne parvient à nous proposer une prise en main irréprochable. Si l’interface est suffisamment lisible et ergonomique, on ne peut en dire autant de la maniabilité. Malgré tout intuitive, elle est en plus aidée par une difficulté progressive qui contribue à rendre le titre plaisant, du moins pendant les premiers instants. La faute n’incombe pas ici au doigté, mais l’I.A. complètement raté dans lequel a été moulé le jeu. Entre le pathfinding désastreux, et le manque de réactivité de nos troupes, il y a ici de quoi décourager les plus patients d’entre vous. Les personnages semblent prendre un malin plaisir à se perdre dans de petites promenades plutôt que d’aller droit au but, et une fois face aux ennemis, ne comptez pas sur eux pour se bastonner frénétiquement. Non, ici tout est lent, tout est mou, et chaque déplacement relève de l’expédition, chaque affrontement est gangréné par ces soucis d’I.A. rendant le tout très confus, surtout avec le nombre croissant de sprites à l’écran. Il est ainsi assez pénible de s’y reprendre à plusieurs fois pour que nos troupes daignent attaquer un monstre qui se tient à quelques centimètres de distance. Le jeu n’offre jamais la sensation d’avoir un contrôle total sur son armée ; il donne plutôt l’impression d’être dans la peau d’un berger qui cherche à éviter le dispersement de son troupeau, et à le faire avancer tant bien que mal. Tous ces défauts de conception parviennent à briser le plaisir que l’on pouvait tirer du jeu, et masquent malheureusement le très bon background de cet opus. Opus qui souille d’ailleurs un peu plus le nom Mana, et qui contribue à rendre cette série méconnaissable…