Test également disponible sur : PS3

Test Heavy Rain

Test Heavy Rain PS3
La Note
note Heavy Rain 16 20

David Cage aura réussi son pari : faire parler de sa nouvelle œuvre jusqu’aux derniers instants. D’un point de vue objectif, Heavy Rain est bardé de défauts. Sa prise en main est aussi originale que peu ergonomique, la liberté d’action promise n’est finalement pas au rendez-vous, le montage manque de nervosité et, à part papoter et galérer à la recherche d’indices, on ne fait finalement pas grand-chose dans ce polar (un peu) interactif. Et pourtant ! Tous ces défauts nous ont sauté à la gueule dès les premières secondes, mais cela ne nous a nullement empêché de terminer l’aventure d’une traite, puis de la recommencer. On a alors pesté encore  davantage contre les restrictions ludiques et narratives, sans pour autant résister au plaisir d’aller au bout du drame, en explorant d’autres voies en compagnie des différents héros. Si votre serviteur a fait tout ça, c’est parce qu’il a accroché aux choix esthétiques effectués par Quantic Dream ; parce qu’il a trouvé l’ambiance du jeu fantastique ; parce qu’il a jugé l’intrigue vraiment bien fichue pour un jeu vidéo ; parce que, bordel, il voulait vraiment savoir qui était le tueur. Et aussi parce que la création française propose une expérience de jeu résolument différente et quelques séquences dramatiques totalement inédites. Pour toutes ces raisons, les bonnes et les mauvaises, laissez une chance à Heavy Rain, essayez-le dès que vous en aurez l’occasion. Vous jetterez peut-être la manette sans même terminer la démo, mais il est également possible que vous découvriez là votre jeu de l’année…


Les plus
  • Ambiance poisseuse et intrigue qui se tient
  • Chouettes rebondissements
  • Quatre héros parfaitement crédibles
  • Musiques superbes
  • Casting de voix admirable
  • Fins multiples, pas de game over si un héros meurt
  • Remarquable travail sur les décors et les lumières
  • Angles de caméra cinématographiques (à défaut d'être pratiques)
Les moins
  • Contrôles rigides
  • Mécanismes de jeu peu convaincants
  • Des problèmes de rythme
  • Le joueur a finalement bien peu de liberté
  • Quelques textures ratées
  • Madison est sous exploitée


Le Test

Onze ans après The Nomad Soul, plus de cinquante mois après Fahrenheit, le troisième projet de Quantic Dream atteint enfin les étals. Un délai bien peu surprenant de la part des hommes de David Cage, qui ont toujours privilégié la qualité au détriment de la quantité, s’appliquant à développer des concepts originaux et à offrir des expériences de jeu inédites. Les partis pris du studio n’ont certes pas toujours fait l’unanimité, en particulier les choix opérés sur leur seconde création, mais on ne pourra nier l’honnêteté des Parisiens, qui se sont systématiquement appliqués à aller au bout de leurs idées, fussent-elles discutables. Pour sa première œuvre "next gen", l’équipe a su rester fidèle à ses principes et invite les possesseurs de PS3 à goûter à un produit résolument à part dans la ludothèque de la machine. Une fois n’est pas coutume, Heavy Rain suscitera des réactions épidermiques de la part des joueurs comme des médias. Mais si certains détestent déjà cette chasse boueuse au serial killer, nous, on a aimé.


Le soleil brille parfois sur ce port industriel du nord des Etats-Unis, mais vous ne le verrez guère. Pluvieux et poisseux, Heavy Rain déroule l’essentiel de son intrigue au cœur de l’automne, alors que des trombes d’eau s’abattent sur une ville dont on ne saura finalement pas grand-chose. Après la neige newyorkaise dans Fahrenheit, Quantic Dream poursuit ici ses associations entre aléas météorologiques et dérèglements comportementaux. Dans ce coin d’Amérique touché de plein fouet par la crise, une cité où la misère s’est installée durablement, chaque dépression automnale est guettée avec inquiétude par la population et les autorités. Car dès que le ciel prévoit de crever, un garçon âgé d’une dizaine d’années est enlevé dans un lieu public. Quelques jours après le début du déluge, le gamin est retrouvé, généralement dans un terrain vague. Le corps ne porte jamais aucune trace de blessure, la mort est toujours due à une noyade, une noyade dans de l’eau de pluie. Sur le petit cadavre, une orchidée blanche. Dans sa main glacée, un origami.

La mécanique du cœur

Ethan Mars est père. Un père hanté par un traumatisme récent, un père qui souffre de curieuses absences au terme desquelles il s’éveille seul dans des endroits inconnus, mais un père qui n’en reste pas moins profondément attaché à sa descendance. Lorsque son fils cadet disparaît dans un lieu public par un jour pluvieux, Ethan redoute que l’insaisissable serial killer, auquel des médias aux abois ont attribué le doux sobriquet de tueur aux origamis, n’ait décidé de frapper sa famille. Une crainte confirmée lorsque l’assassin l’invite à se livrer à un jeu macabre pour sauver son enfant. Ethan n’est heureusement pas le seul à participer à cette course contre la montre et contre la mort, puisque trois autres personnages traquent le tueur et se partagent de fait l’affiche de Heavy Rain. Les motivations et personnalités de ces trois héros alternatifs sont évidemment différentes, mais tous, de l’agent du FBI Norman Jayden à la reporter Madison Paige en passant par le détective privé Scott Shelby, ont à gagner à retrouver Shaun Mars. Le jeu est découpé en brefs chapitres, une grosse soixantaine au total, qui sont autant d’occasion de changer de lieu, de héros et donc de perspective. Une construction très cinématographique, théoriquement dynamique, qui permet de bien saisir toutes les facettes de l’enquête. Celle-ci prend, naturellement, la forme d’un chassé-croisé, les différents protagonistes étant amenés à se rencontrer, et chaque action a des conséquences sur l’ensemble de l’aventure. Que Jayden laisse passer un indice essentiel sur une scène de crime, qu’Ethan refuse les épreuves auxquelles le soumet l’assassin, et tout pourrait bien mal se terminer pour le gamin.

Heavy Rain y parvient pourtant, malgré de grosses chutes de rythme, en s’appuyant à la fois sur une trame très inspiré du roman noir américain, sur une réalisation assez bluffante et sur une belle galerie de personnages, qu’ils soient premiers ou seconds rôles."

Un père cherche son fils dans les quartiers pourris d’une ville nord-américaine pluvieuse : question synopsis, Heavy Rain pourra sembler bien banal. Le choix est pourtant d’autant plus heureux que le précédent opus de Quantic Dream se perdait dans des digressions mystiques et conspirationnistes totalement délirantes, qui ruinaient une expérience pourtant prometteuse. Paradoxalement, cette trame à ras de boue témoigne d’une ambition bien plus vaste que celle dont font preuve la plupart des développeurs adeptes de menaces terroristes planétaires et de périls galactiques. Alors qu’il est relativement aisé de mettre en scène de manière dynamique une scène d’assaut sauvage contre un bastion lourdement défendu, il semble autrement plus complexe de rendre intéressante une succession de séquences d’investigation sans armes lourdes, ni explosions, ni ennemis brutaux. Heavy Rain y parvient pourtant, malgré de grosses chutes de rythme, en s’appuyant à la fois sur une trame très inspiré du roman noir américain, sur une réalisation assez bluffante et sur une belle galerie de personnages, qu’ils soient premiers ou seconds rôles. Etonnamment, le magnétisme des héros n’est nullement dû à la possibilité d’entendre leurs pensées (d’une pression sur L2), pas plus qu’à leur physique de jeunes premiers. Question trombine, Norman et Ethan, sont d’ailleurs particulièrement mal lotis puisque les deux trentenaires possèdent à peu près autant de charisme qu’une serpillère. Shelby et Madison sont mieux servis, le premier ayant la tête et la dégaine de l’emploi, tandis que la seconde ne manque pas de sex-appeal. Les quatre compères suscitent pourtant la même empathie, le joueur se laissant rapidement happer par le flot de leurs (més)aventures et la mise en scène de leurs fêlures. Quelques séquences d’une rare intensité et des dialogues au cordeau achèvent de nous convaincre de l’incroyable capacité de Quantic Dream – déjà entrevue sur Fahrenheit – de rendre attachants des héros qui n’ont pas de gueule.

Atmosphère, atmosphère…

De la gueule, Heavy Rain en a, et pas qu’un peu. Alors que la preview nous avait un peu laissé sur notre faim, cette version finale se révèle extrêmement convaincante. Là encore, Quantic Dream prend le contrepied de la tendance actuelle, et préfère jouer la carte de la finition au détriment de la surenchère technique. Le studio parisien ne signe donc pas le plus beau jeu de la machine, mais son titre possède un vrai caractère, développe une ambiance propre au polar très rare dans les jeux vidéo. Campé, pour l’essentiel, dans des espaces marginaux – appartements minables, sites industriels abandonnés, chambres de motel – et sous une pluie toujours battante, le titre se déroule dans un climat aussi glaçant que pesant. Papiers peints dégueulasses, arbres décharnés, ruelles lugubres, les décors sont merveilleusement détaillés et le travail effectué sur l’éclairage est assez ahurissant quoique discret. Même les espaces neutres ou familiers – le commissariat, les domiciles respectifs de Madison, Ethan et Scott – baignent dans une lumière trop clinique ou sont plongés dans une menaçante semi-obscurité que rien ne peut dissiper. Une tension permanente largement entretenue par une bande-son impériale. Les thèmes musicaux angoissants et impeccablement orchestrés ne manquent pas d’enchanter et le doublage s’avère absolument parfait. Comme à son habitude, David Cage signe un casting de voix totalement indiscutable. Les acteurs embarqués dans l’aventure sont plus convaincants les uns que les autres et s’investissent comme jamais dans des rôles inhabituellement riches. Du rire aux larmes, de la joie à la rage, Heavy Rain pioche avec habilité dans une belle palette d’émotions tout au long de séquences rigoureusement construites. Oubliez la liberté promise, Quantic Dream a fixé de telles limites géographiques et narratives à son produit que vous n’aurez jamais l’impression de pouvoir faire ce que vous souhaitez. Ces restrictions permettent toutefois au développeur d’effectuer un travail de mise en scène millimétré. Angles de vue originaux (et parfois foireux), cinématiques bien fichues, rebondissements en pagaille, le sentiment de participer à un vrai film noir interactif ne vous lâchera pas.  

Eau lourde

Une histoire qui se tient et des dialogues percutants, des personnages d’une humanité et d’une densité rare dans le jeu vidéo, une belle mise en scène, quelques séquences vraiment fortes, un superbe travail sonore, les arguments en faveur de ce Heavy Rain ne manquent pas. Il existe toutefois autant voire davantage de raisons de détester la dernière production des Français, à commencer par des mécaniques de jeu particulièrement insupportables. Contrairement aux promesses, les phases de QTE sont toujours extrêmement nombreuses et leur répétition ne manque pas d’agacer. Les séquences de déplacement et de recherche sont à peine moins pénibles. La volonté de David Cage de faire ressentir au joueur l’effort réalisé par son avatar virtuel est louable, mais sa mise en application ne convainc toujours pas. Les contrôles sont extrêmement rigides et le simple fait de devoir maintenir R2 pour que le héros marche (vous l’orienterez ensuite avec le stick gauche, oui, comme dans un jeu de bagnoles) suffira à dégoûter bon nombre de joueurs. Même les plus patients finiront par se lasser des manœuvres à effectuer avec le stick droit pour ouvrir des placards ! Certains trouveront également le montage un peu mou, déploreront la piètre maîtrise de l’art de l’ellipse et de la transition dont fait preuve Quantic Dream, voire souligneront l’existence de quelques inévitables incohérences. Nous ne pourrons leur donner tort car, oui, il y a mille bonnes raisons de vomir  Heavy Rain qui, du pur point de vue des mécaniques de jeu, n’est pas un bon produit. Mais pour son scénario, ses rebondissements surprenants et son atmosphère unique, la production française vaut vraiment le coup d’œil. Si vous doutez, jouez la sécurité : la démo sera disponible le 11 février.





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