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Elle avait tout d’une grande et pourtant Nariko devra – pour le moment – rester dans l’ombre de ses partenaires masculins Kratos et Dante. Chiadé à l’extrême côté réalisation et esthétisme, Heavenly Sword pêche en revanche du côté de son architecture incohérente et répétitive, beaucoup trop axée sur des combats se déroulant en majeure partie dans des arènes fermées. Les séquences de tirs au Sixaxis ne font d’ailleurs qu’enfoncer le clou au plus profond de sa chair, au point de vouloir crier au scandale. La belle coquille sonne tout d’un coup bien creuse.
- Réalisation de toute beauté
- Esthétisme chiadée
- Modélisation exemplaire
- Des persos charismatiques
- De splendides cinématiques
- La variété des combos
- Des QTE efficaces
- Une ouverture qui donne envie
- Mécanismes de jeu répétitifs
- Que des arènes fermées
- Séquences au Sixaxis agaçantes
- La garde automatique
- Pas de saut
- Beaucoup trop court
- Trop d'ennemis clonés
- Des chutes de frame-rate
- Des bugs de collision
- Loadings pénibles
Considéré dès sa prime apparition à l’E3 2006 comme étant le digne successeur de God of War, Heavenly Sword cristallise à lui seul l’espoir de voir débarquer sur PlayStation 3 le messie tant attendu. Malgré des apparitions prometteuses et des previews on ne peut plus positives, la console HD de Sony Computer Entertainment va devoir s’armer de patience avant de pouvoir débusquer sa première killer app’.
Malgré sa plastique aguicheuse, ses allures de vamp et ses talents d’assassin hors-pair, Nariko ne pourra échapper à son destin, à savoir celui de mourir sur le champ de bataille, l’épée d’Heavenly Sword entre les mains. Un destin scellé à partir du moment où la belle rousse a hérité de cette lame aux pouvoirs divins, dans l’objectif unique de sauver son peuple et sa famille de la tyrannie de Bohan, un être vil dont les aspirations sont de régner sans partage sur le monde. Si le scénario de Heavenly Sword respire le déjà-vu à plein nez, la mise en scène cinématographique permet au joueur de se plonger directement dans le vif du sujet. La première séquence n’a d’ailleurs aucun autre but que de mettre une claque au joueur et de montrer de quoi est capable la PlayStation 3 en matière de technique. Un vaste de champ de bataille avec des nuées de soldats arrivant de tous les côtés, Nariko est en bien mauvaise posture. Au terme du dénouement tragique, Nariko se réveille dans un monde à première vue parallèle où elle va pouvoir revivre certains moments de sa vie, avant de se retrouver face à la mort. Tout une mise en scène.
Divine idylle
Toute la force d’un beat’em all moderne digne de ce nom repose bien évidemment sur son système de combat. Celui de Heavenly Sword reprend à peu de choses près celui de God of War dans la forme. En effet, à l’instar de Kratos, l’épée majestueuse de Nariko peut se transformer à tout moment en deux lames tranchantes qu’elle peut balancer pour découper ses ennemis à mi-distance. Plutôt pratique et esthétique quand on sait que Nariko peut en sus réaliser des figures aériennes d’une grande classe et de jongler avec ses deux lamelles métalliques. C’est peut-être la stance la plus efficace pour allier vitesse d’exécution et efficacité. Pour ceux qui préfèrent assassiner l’ennemi d’une seule frappe, Nariko peut se servir de son épée dans sa forme initiale. Tel un Siegfried en puissance, Nariko agite la Heavenly Sword avec une certaine lenteur mais les dégâts causés à l’ennemi sont bien plus importants, forcément. Pour atteindre les récalcitrants éloignés, il suffit au joueur de maintenir la touche L1 enfoncée pour que l’épée divine se transforme aussitôt en une lance virevoltante, permettant par la même occasion au joueur de profiter du spectacle offert par Nariko et ses talents de danseuse étoile. Le nombre d’enchaînement et de mouvements étant plutôt variés, Heavenly Sword évite ainsi au joueur de sombrer dans la répétition et la lassitude, défaut inhérent à ce type de jeu en particulier, la série des Dynasty Warriors de Koei peuvant en témoigner. On l’a vu à plusieurs reprises lors des salons et autres présentations, Heavenly Sword fait aussi la part belle aux QTE (Quick Time Event), ces séquences pré-calculés où le joueur est juste sollicité pour appuyer sur le bon bouton au moment opportun. Des passages qui ponctuent le gameplay de temps à autres et qui permet d’apporter un aspect cinématographique aux combats. Depuis que God of War a démocratisé ce type d’actions, tout beat’em all qui se respecte propose donc sa version des faits et celle de Heavenly Sword s’en tire avec les honneurs, offrant quelques passages d’anthologie. On aurait aimé par contre que les développeurs fassent preuve de moins de tolérance, afin que le challenge soit de taille. Car à moins d’avoir le regard tourné vers sa copine, il est assuré de pouvoir déclencher chacune de ces actions.
En parlant de tolérance, le système de contre se montre lui aussi bien laxiste puisque Nariko se met en garde automatiquement. Inutile d’appuyer sur un quelconque bouton, ce qui aurait renforcé la difficulté, Ninja Theory semble viser le grand public. Pourquoi pas. Reste alors quelques subtilités offertes aux joueurs plus motivés, puisqu’en fonction de la position adoptée avec l’épée divine, Nariko peut contre-attaquer après une garde réussie ou lorsqu’elle se retrouve projetée malencontreusement dans les airs. Il faut alors s’adapter à la situation. Grisant. A défaut de pouvoir sauter dans les airs, chose on ne peut plus frustrante, Nariko est capable d’esquiver la moindre en utilisant le stick analogique droit. Là encore, Heavenly Sword reprend un élément qui a fait ses preuves dans God of War et qui s’avère être aussi efficace dans le jeu. Histoire de varier les situations, certains passages requiert l’utilisation des fonctionnalités gyroscopiques du Sixaxis. Dans la peau de Nariko ou de sa petite sœur Kai, il sera question de repousser une vague d’ennemis en utilisant une arbalète, d’éliminer les catapultes ennemies ou bien encore de défendre sa forteresse de fortune pendant un laps de temps défini. Pour chacun de ces passages, le joueur est invité à maintenir le bouton Carré pour passer en mode slow motion, où il est possible de diriger la trajectoire de son tir (flèche comme boulet de canon) vers la cible souhaitée. L’idée sur le papier est bonne mais le résultat sur le terrain, manette en mains, se montre catastrophique. Le Sixaxis a bien du mal à répondre à nos attentes et notre tir finira pour la plupart du temps à côté de la cible. C’est d’autant plus décourageant quand on sait que ces séquences sont chronométrées et peuvent mettre fin à une partie.
Descente aux enfers
A ces passages mal dégoupillés s’ajoute une architecture mal agencée. C’est simple, Heavenly Sword est construit sur un même schéma, à savoir une cinématique suivie d’un combat dans une arène fermée où l’idée reste la même : pourfendre tous les ennemis à l’écran, afin de déclencher la cinématique suivante. C’est ce rythme linéaire, lourd et répétitif qui tire l’intérêt du jeu vers le bas. Toute la construction de Heavenly Sword est basée sur cette mécanique du jeu, si bien qu’on le sentiment de répéter inlassablement les mêmes actions avant d’arriver à la fin. Là encore, les développeurs de Ninja Theory ont privilégié l’aspect casual, puisqu’il ne faudra pas plus de six heures pour enfin connaître le dénouement de l’histoire ; savoir si Nariko aura une seconde chance pour vaincre l’armée de Bohan ou finalement succomber aux pouvoirs de la lame céleste. C’est creux, voire même carrément insuffisant puisque Heavenly Sword ne propose pas de mode multijoueur en plus afin de rallonger le plaisir de quelques heures. Rien, nada, que chi, la sentence est sans appel, Heavenly Sword ne finira pas sur le Mont Olympe aux côtés du vénéré Kratos, ce qui est dans l’absolu bien dommage.
Cependant, s’il est un point sur lequel Heavenly Sword met tout le monde d’accord, c’est sa réalisation. Non content de faire partie des jeux les plus beaux du moment, aux côtés de Gears of War et Lost Planet, deux jeux issus de la concurrence, le titre de Ninja Theory surprend avant tout au niveau de la modélisation des personnages. Grain de la peau visible et détaillé, expressions faciales saisissantes, mouvements des lèvres en totale synchronisation avec les dialogues, il n’y a que la chevelure de Nariko qui manque singulièrement de naturel. Les animations ont elles aussi bénéficié d’un soin tout particulier, puisque les concepteurs ont fait appel à la technique de la motion capture pour rendre les mouvements des personnages plus crédibles. Pour ceux qui auraient manqué les vidéos diffusées par Sony Computer Entertainment, l’acteur Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux, King Kong) a participé à l’élaboration du jeu, étant donné qu’il incarne dans le jeu le tyran Bohan. Loin d’être un mauvais jeu, Heavenly Sword est avant tout victime d’un choix maladroit de game design. Avec du recul, cela paraissait évident que cette structure vacillante allait faire tomber le château de cartes et mener Nariko à sa perte, comme le veut sa destinée. Il ne manque finalement pas grand-chose à Heavenly Sword pour briller aux côtés des références du genre, mais c’est cette absence de clairvoyance qui fait de lui un simple beat’em all tout juste sympathique. Dur.