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Depuis des années qu’on nous prépare au changement, il est impossible aujourd’hui de feindre l’étonnement : oui, Final Fantasy XVI est un épisode à part dans la galaxie FF. Sans doute parce que c’est le seul à véritablement assumer son statut de jeu d’action bien bourrin auquel la série essaie de tendre depuis bien trop longtemps. Il aura donc fallu l’arrivée de Naoki Yoshida et de son équipe, la Creative Business Unit III, pour oser un tel grand écart. De l’action décomplexée et assumée, tel est le nouveau leitmotiv de ce Final Fantasy XVI qui a un objectif précis : plaire au plus grand nombre, quitte sans doute à cliver et à diviser les fans de Final Fantasy. Malgré cette nouvelle orientation très action, le jeu n'oublie pas non plus d'où il vient, et propose de vrais moments de répit, d'exploration, de progression et d'intérêt pour ses personnages. Le scénario, bien qu'il soit classique, fait partie intégrante du jeu, même si on ne sait pas encore si Clive Rosfield parviendra à s'imposer comme une figure marquante de la série. Dans tous les cas, et comme Naoki Yoshida l'a dit haut et fort : les jeux d’action dotés de combats en temps réel sont devenus la norme d’un marché grand public, et il n’y a aucune raison pour Final Fantasy de ne pas entamer sa transformation. On ne sait pas s'il s'agira du nouveau milestone pour les autres nouveaux FF à venir, mais une chose est certaine, la saga n'a plus peur de se détacher de sa fanbase réfractaire pour aller séduire un autre public. Oui, cet épisode XVI lorgne davantage vers le Devil May Cry, et c’est sans doute ce qui pouvait lui arriver de mieux…
- Techniquement, c'est très costaud
- Gameplay carré et ultra pêchu
- Pas mal de zones ouvertes
- L'aspect RPG n'est pas négligé
- Prise en main très facile
- Une bande-son de haute volée
- Les téléportations, vraie bonne idée
- Les combats de Primordiaux sont impressionnants...
- ...mais moins intéressant à jouer
- Framerate qui vacille de temps en temps
- Ecran souvent surchargé
- VF caricaturale par moments
Il fut un temps où Final Fantasy était le porte-étendard du RPG japonais, un genre qui a beaucoup évolué ces dernières années. Avec l'intérêt grandissant du public occidental, globalement assez allergique au système de tour par tour, beaucoup ont opté pour l'action en temps réel, divisant chaque jour un peu plus les amateurs du genre. Mais la pipule est désormais bien avalée, et certaines séries tels que FF peuvent continuer leur mue. Si Final Fantassy XV avait le cul entre eux chaises, ne sachant pas vraiment sur quel pied danser, pour l'épisode XVI, on assume totalement ces choix éditoriaux et de game design. Et pour imposer un style et prêcher cette nouvelle parole, Square Enix a fait confiance à Naoki Yoshida, l'homme derrière le succès incroyable de Final Fantasy XIV.
Mine de rien, cela fait déjà 7 ans qu’est sorti le très controversé Final Fantasy XV. Un projet douloureux qui a aussi marqué la fin d'un développement chaotique de plus de 10 ans, avec un changement direction, d'orientation, d'objectifs, de nom même, au sein d'un Square Enix en pleine mutation. On a eu à peu près le même schéma compliqué avec Forspoken, puisque Hajime Tabata a quitté Square Enix en 2018 de son poste de patron de Luminous Productions. En partant avec la moitié des talents, Tabata-san a laissé le projet inachevé et bancal, ce qui a conduit au résultat que l’on connaît aujourd’hui. Pour éviter de reproduire ces mêmes écueils, Square Enix a décidé de sécuriser le développement de Final Fantasy XVI, en confiant le projet à la Creative Business Unit III. Si ce nom ne vous dit rien, c’est peut-être parce que vous ne vous intéressez pas assez aux MMORPG. Il s’agit en réalité de la team derrière Final Fantasy XIV, la poule aux œufs d’or de Square Enix, sauvé in-extremis par son game director, Yoshi-P, aussi connu sous le nom de Naoki Yoshida. Devenu un dieu vivant au sein de l’éditeur japonais, Yoshida a eu les pleins pouvoirs pour ce FF XVI qui a décidé d’assumer sa nouvelle position : être un vrai jeu d’action grand public, quitte peut-être à renier ses origines. Parce que oui, ce Final Fantasy XVI ressemble davantage à un Devil May Cry qu’à un épisode estampillé FF, et le choix de ses techniciens n’est d’ailleurs pas anodin. Avec Ryota Suzuki au poste de directeur des combats, un rescapé de chez Capcom qui a oeuvré sur Marvel vs Capcom 2, Dragon’s Dogma et le dernier Devil May Cry V, Kazutoyo Maehiro en tant que scénariste, lui qui a travaillé auparavant sur The Last Remnant et Final Fantasy XII ; et enfin Hiroshi Takai, embauché comme game director, et plus connu pour son travail sur Final Fantasy V, tout était réuni pour faire de ce Final Fantasy XVI un épisode complètement différent.
LE CHANGEMENT, C’EST MAINTENANT
Si Square Enix avait encore du mal à admettre cette position, elle est aujourd’hui assumée et très claire : les jeux d’action dotés de combats en temps réel sont devenus la norme d’un marché grand public. C’est ce qui a poussé Final Fantasy XVI à embrasser ce nouveau système, jusque dans les invocations où l’on pourra contrôler nos créatures géantes (les Primordiaux) dans des affrontements ultra spectaculaires. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Final Fantasy XVI ouvre avec un affrontement direct entre deux Primordiaux. C’est à la fois pour nous mettre directement dans le grand bain de l’action, mais aussi pour nous donner ce fil rouge qui va nous suivre tout au long de cette grande aventure. Parce que Final Fantasy XVI ne se contentera pas d’aligner les combos et les assauts agressifs, il est aussi là pour nous raconter l’histoire de Clive Rosfield, et de son petit frère qu’il a sauvagement tué, alors que tous les deux étaient sous la forme de ces créatures célestes. Le scénario de ce FF 16 se déroule dans le nouveau monde de Valisthéa, un territoire occupé essentiellement par des monts et des plaines cristallines, lui-même divisé en 6 nations qui possède chacune un Cristal-Mère différent : l'Archiduché de Rosalia, le Saint-Empire de Sangbrèque, le Royaume de Valœd, la République de Dalméquie, le Royaume de Fer et le Dominion du Cristal. Ces six nations sont en paix, mais l'équilibre des puissances est menacé par l'arrivée du “Fléau Noir”.
Chaque contrée possède son Emissaire, qui est le nom donné aux humains qui abrite les Primordiaux, à savoir des créatures qui vivent dans l’organisme de ces élites capables de se transformer en des monstres géants, capable de tout ravager d’un revers de phalanges. Dans le manga Naruto, on appelle a les Jinchûrikis, mais dans la série Final Fantasy, c’est un classique, puisqu’ils occupent la place des invocations, qu’on va pouvoir contrôler dans des séquences de combat pas nécessairement intéressant d’un point de vue purement gameplay (il y a beaucoup de QTE), mais qui ont le mérite d’offrir un spectacle tonitruant qui saura en mettre plein la vue. Le récit se base d’ailleurs sur la guerre que se livrent les Primordiaux entre eux, sachant que chacun représente un des quatre éléments que sont le feu, l’eau, le vent et la terre. C’est dans la peau de Clive Rosfield que le joueur va découvrir Valisthéa, lui qui est le fils aîné de l'Archiduc de Rosalia, et qui n’a malheureusement pas hérité du rôle d’'Émissaire de Phénix. C’est en effet son frère cadet Joshua qui a obtenu le beau rôle sauf que ce dernier a perdu dans la vie dans des circonstances tragiques, et c’est le moins que l’on puisse dire. D’ailleurs, à l’image du précédent épisode numéroté, ce Final Fantasy XVI nous permettra de suivre un Clive de l’adolescence jusqu’à ses trente ans bien tassés, par le biais de différents flashbacks jouables ; l’occasion de découvrir un peu plus en profondeur se personnalité…
DEVIL FANTASY
Si l’histoire est parsemée de trahisons, sacrifices et autres rebondissements dignes des plus gros psycho-dramas que l’heroic-fantasy ait pu porter, il est l’heure de décortiquer la structure de ce Final Fantasy XVI. Beat’em all ? Action-RPG ? Open-world ? C’est en réalité un peu de tout cela, le jeu n’hésitant pas à s’inspirer de tous les genres. Mais en réalité, si on doit s’amuser à prendre une référence, Final Fantasy XVI suit un peu le même schéma que le God of War de 2018, avec cette structure dirigiste, avec des zones plus ouvertes, et la possibilité par moments de s’écarter du chemin principal pour découvrir des endroits alternatifs. Mais ce n’est pas tout, Final Fantasy XVI abrite aussi une espèce de hub central, à partir duquel Clive peut librement se balader dans les différentes zones en se téléportant, afin de gagner du temps. Si le jeu reprend le principe des mondes ouverts, il n’en a jamais la structure, mais ces moments de répit où il est possible de se sociabiliser, en parlant à des individus, de faire plus ample connaissance avec certains protagonistes, améliorer les armes mais aussi les compétences de Clive, sans oublier participer à des séances d'entrainement prouve que le jeu n’oublie pas son passif avec le J-RPG.
LE JEU QUI CLIVE
Pour le reste, Final Fantasy XVI n’a aucun mal de mettre en avant la baston, la grande, la vraie, celle qui est d’ailleurs pleinement assumée. Il n’y a d’ailleurs plus aucune hésitation possible avec un Naoki Yoshida complètement décomplexé, ici, on veut plaire au grand public et c’est du côté du beat’em up que Final Fantasy XVI lorgne. Fini le boys-band de 2015 à diriger, Clive est le seul et unique personnage qu’on va appréhender, avec ses évolutions de compétences au fil de l’aventure. Il est accompagné de partenaires de combats, mais c’est bien l’I.A. qui se charge de les contrôler entièrement, le joueur se focalisant sur Clive et ses possibilités de combos. Pour ce faire, le système de combat se veut simple et facile de compréhension, avec un bouton pour les coups d’épée (Carré), un autre pour la magie liée à un élément selon les compétences équipées (Triangle), mais aussi la possibilité d’utiliser les pouvoirs liés à des Primordiaux (Rond), soumis cela dit à un cooldown pour limiter les abus. S’il sera possible de débloquer d’autres attaques via un arbre de compétences, seuls deux primordiaux pourront être utilisés en combat. Les choix, la stratégie, un classique. A cela s’ajoute une esquive (pas de côté), la possibilité de parer les attaques ennemies, mais aussi de rentrer dans une espèce de trans / colère noire, qui permet de provoquer encore plus de dégâts. Oui, il y a du God of War dans l’air, et cette comparaison pourra même faire plaisir à Yoshida.
S’il faut un léger temps d’adaptation avant d’assimiler toutes les touches et les différentes possibilités de gameplay, très vite, on se rend compte que tout est fait pour rendre les affrontements épiques et spectaculaires. Le gameplay est vif, Clive bouge dans tous les sens, tandis que ses attaques sont renforcées par des effets pyrotechniques du plus bel effet. En revanche, on accroche nettement moins aux infos contextuelles, comme les points d’énergie et les jauges vitales qui s’affichent et ont tendance à surcharger l’écran et rendre l’action souvent illisible. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus fâcheux de ce FF XVI qui a tendance à vouloir trop en faire pour essayer de nous en mettre plein la vue.
LE NOUVEAU MILESTONE ?
A ce propos, histoire d’aller plus loin dans l’épique et le spectaculaire, Final Fantasy XVI a décidé de rendre les Primordiaux jouables, prenant la forme de combats de boss. Jusqu’à présent, les invocations prenaient la forme de soutien, mais Yoshida veut clairement montrer à l’Occident que l’Action-RPG de qualitay peut aussi être déployé par les studios japonais. A l’image de Naruto qui laisse Kyubi prendre le contrôle total, Clive peut également libérer la toute-puissance de son Primordial, l’Ifrit, aux allures de démons bipèdes qui arrache des têtes au moindre revers de phalanges. Dans ces affrontements titanesques, les rapports d’échelle sont modifiés, les déplacements plus lents, mais les attaques hautement plus puissante. Aussi, pour garder cette férocité dans chaque coup porté, les développeurs ont opté pour un gameplay extrêmement simplifié, à base de QTE. Alors que Capcom a décidé d’en faire fi dans le prochain Resident Evil 4 Remake, Square Enix s’est dit que de s’inspirer des Naruto Ninja Storm et autres Asura’as Wrath pour ces boss battles pourraient permettre de gagner en cinématographie. Et ça marche ! Des séquences spectaculaires, parfaites à partager sur les réseaux sociaux pour promouvoir le jeu, mais évidemment moins intéressantes à jouer.
Reste à savoir comment le jeu va être reçu par les joueurs. En prenant d’assumer ce statut de beat’em all évolué, Final Fantasy XVI va-t-il réussir à séduire un nouveau public, celui qui a du mal à se faire aux mécaniques des J-RPG classiques, même si les derniers opus ont tourné le dos il y a bien longtemps à un genre qui ne parlaient qu’aux initiés et aux Gaijins réfractaires ? Dans l’absolu, en ouvrant leurs chakras, les puristes de FF passeront également un très bon moment, Final Fantasy XVI ayant gardé quelques mécaniques d’antan, qui permet au jeu de faire tomber la pression par moments et nous permettre de reprendre les esprits. Dans tous les cas, Naoki Yoshida a eu raison de prendre cette direction, jamais un FF n’aura fait autant parler de lui…