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Faire peur, quelque soit le média utilisé, n’est jamais chose aisée. Si le cinéma est parvenu à retranscrire cet état de flippe depuis bien longtemps, le jeu vidéo a encore un peu de mal à convaincre quand il s’agit de nous faire mouiller la culotte. Mais Condemned 2 : Bloodshot fait parti de ces rares à y parvenir haut la main, avec même une mention spéciale, ce qui mérite amplement d’être souligné. Reprenant les bases de son aîné, cette suite arrive à faire évoluer le concept de manière efficace, grâce à un système de combat encore plus jouissif, des séquences d’investigation plus poussée et surtout une ambiance aussi inquiétante. Dommage en revanche que le level design soit toujours aussi peu inspiré et que l’effet de surprise évincé. Cela dit, Condemned 2 reste une expérience à vivre avec ses tripes et rien que pour ça, on ne peut que vous le recommander.
- Vraiment angoissant
- Réalisation solide
- Combats à mains nues vraiment tripants
- Arsenal varié
- Ambiance sonore de qualité
- Le choix de la VOST
- Le personnage torturé de Ethan Thomas
- Level-design peu inspiré
- Utilisation des armes blanches trop basiques
- Armes à feu trop fréquentes
- Multijoueur sans intérêt
- Pas de grands changements dans le fond
Avec une conclusion qui se finissait en queue de poisson – ou en eau de boudin pour certains – Monolith Productions ne pouvait laisser Condemned premier du nom orphelin d’une suite. Acclamé par la critique mais aussi par le public lors de sa sortie fin 2005 sur Xbox 360, ce FPS hors-normes faisait, sans nul doute, parti des jeux les plus intéressants et réussis du line-up de lancement de la console de Microsoft. Soucieux d’un travail bien fini, les concepteurs ont pris leur temps pour faire revenir l’agent Ethan Thomas sur le devant de la scène. Trois années auront donc été nécessaires pour dresser cette œuvre noire, baroque, à la limite parfois du supportable. N’ayez crainte, il s’agit "juste" d’une expérience ludique…
Lorsque nous l’avions quitté à la fin de l’aventure Condemned, l’agent spécial Ethan Thomas avait bien du mal à dissocier réalité et hallucinations. Son enquête, qui l’avait mené jusque dans une grange perdue au beau milieu de la campagne, lui avait permis de retrouver l’auteur de ces crimes odieux, lui valant ainsi les honneurs de ses pairs. Alors qu’on pensait le retrouver au top de sa forme avec des médailles et des écussons plein l’uniforme, c’est dans un état assez désespéré qu’on reprend contact avec ce cher Ethan Thomas. Les cheveux gras, le regard vide et le teint jauni par d’alcool, notre ancien flic modèle a semble-t-il aussi abusé de testostérone, celui-ci arborant une carrure de golgoth assez impressionnant. Passant ses journées dans un bar malfamé des bas-fonds de sa ville, l’agent Thomas essaie tant bien que mal de chasser ses démons avec qui il rentre en contact régulièrement. Traînant avec les clodos du coin, ce dernier est devenu un personnage vulgaire, jurant à tout va et préférant rester seul comme pour fuir une réalité qui n’est pas la sienne. Il faudra attendre qu’il apprenne la nouvelle de la disparition de l’un de ses anciens coéquipiers pour que Monsieur Thomas daigne enfin reprendre son insigne de flic sans peur et sans reproche. Très vite, il va suivre la trace d’un nouveau serial killer, dont les agissements ne sont pas sans rappeler ceux d’un certain Mister X. Entre son enquête et ses hallucinations quasi permanentes, Ethan Thomas va donc naviguer entre le vrai et le faux ; au joueur maintenant d’encaisser les horreurs que les concepteurs lui ont concoctées dans cette suite qui se veut évolutive. Voilà le point de départ de Condemned 2 : Bloodshot qui fait directement suite aux événements du premier épisode où vont s’entrecroiser ambiance glaçante, environnements glauques et combats à mains nues pendant la dizaine d’heures qui va hanter notre vie de joueur.
"I see dead people"
Fort du succès – critique – du premier opus, Monolith Productions et Sega ont donc décidé de conserver la ligne de conduite de Condemned, afin de ne pas trop dénaturer ce concept de First Person Shooter où les armes à feu ont laissé place aux poings et autres armes improvisées telles que des planches de bois, des tuyaux de plomberie, des battes de base-ball, des clefs à molette, des battants de porte ou même des lunettes de toilette. En effet, comme dans le premier Condemned, tout les moyens sont bons pour ne pas se laisser surprendre par l’apparition – souvent inattendue – de vieux junkies ou autres voyous de quartier, prêts à dépouiller le premier pèlerin venu. Pour cette suite, les développeurs ont fait évoluer le système de combat au corps à corps, afin de dynamiser encore plus ces affrontements. Si les gâchettes des manettes correspondent toujours chacune à l’un des poings d’Ethan Thomas, celui-ci peut désormais enchaîner les attaques pour déclencher des combos. Au fur et mesure de la progression du jeu, la liste des combos s’agrandit, ce qui permet à notre flic déchu de filer des attaques plus puissantes, des uppercuts, ou mieux encore de réaliser quelques finish him qui se terminent soit par un craquement d’os, soit dans une mare de sang, c’est au choix.
Alors qu’on pensait le retrouver au top de sa forme avec des médailles et des écussons plein l’uniforme, c’est dans un état assez désespéré qu’on reprend contact avec ce cher Ethan Thomas.
Si Condemned 2 fait la part aux combats à mains nues, vous conviendrez qu’il est parfois plus rassurant de se balader une arme blanche – même de fortune – à la main. Encore une fois, il sera possible d’arracher des éléments du décor pour se défendre ou mieux attaquer l’assaillant, souvent effrayant rien qu’à son visage jamais rassurant. Malheureusement, pas d’évolution de ce côté-là, Ethan utilise les armes blanches toujours de la même manière, avec la finesse qu’on lui connaît. Non, c’est davantage du côté des armes à feu que Condemned 2 a fait un petit bond, mais pas forcément vers l'avant. Beaucoup plus présents, les guns, mitraillettes et autres fusils à pompe permettent de se débarrasser de la racaille plus efficacement, c’est certain. Toutefois, à trop vouloir augmenter la fréquence de ces armes, Monolith Productions a quelque peu dénaturer le concept initial du jeu, où toute l’angoisse reposait sur la vulnérabilité de notre héros. Rassuez-vous néanmoins, nous ne sommes pas en train de vous dire que Condemned 2 frague à tout va comme le fait un épisode d’Unreal Tournament, loin de là ; mais il aurait été préférable de minimiser ses séquences de tir aux pigeons pour rester dans l’esprit du premier épisode.
"J’ai fait pipi dans ma culotte"
Si Condemned 2 fait la part belle aux combats, il n’en reste pas moins un jeu où s’entremêlent exploration et investigation. Aussi, dans la lignée de son aîné, l’aventure est ponctuée de séquences de recherche où il va falloir jouer les experts scientifiques. En effet, étant donné que notre ami Ethan Thomas est à la poursuite d’un (nouveau ?) serial killer, l’enquête dans laquelle il s’est empêtré recèle quelques macchabées qu’on aimerait parfois éviter. Un homme avec la cage thoracique perforée ou bien encore une femme décapitée à la scie et portant de grosses lacérations dans le dos, il va falloir avoir le cœur accroché pour supporter la vue de ces cadavres, parfois en état de décomposition. Condemned 2 ne fait pas dans le social, c’est certain, et pour justifier son statut de suite, les développeurs n’ont pas hésité à passer au stade supérieur en accentuant la violence et les images chocs. Si vous êtes du genre à surfer sur des sites tels que rotten.com alors tenter de dénicher les indices qui traînent autour des victimes sera un jeu d’enfant. D’ailleurs, les concepteurs ont revu le système d’investigation de façon à rendre les énigmes beaucoup moins dirigistes que par le passé. Désormais, le joueur n’est plus guidé dans ses recherche et lui seul doit trouver les outils qu’il convient pour bien mener son enquête. Bien entendu, Ethan Thomas sera systématiquement épaulé par Rosa, sa coéquipière, qui lui viendra en aide grâce à des séries de questions auxquelles il devra répondre. Une fois tous les indices en main, le joueur devra les envoyer à son assistante qui lui indiquera par la suite par le biais d’une notation (nul, bien, parfait) s’il a bien jouer son rôle de profiler. Plus Ethan est précis dans ses expertises et plus il obtiendra de points à la fin de chaque mission. Pour ce faire, notre flic dispose de tout un attirail sur lequel il peut compter pour déceler le moindre indice susceptible de connaître la cause de la mort. Appareil photo numérique, lampe à lumière noire, appareil laser et autres gadgets high-tech, tout passe au crible, même le moindre petit détail indétectable à l’œil nu. Ces séquences d’investigation permettent de varier le gamelay, mais surtout de faire tomber la pression et laisser souffler le joueur, habitué à rester sur le qui-vive.
Un homme avec la cage thoracique perforée ou bien encore une femme décapitée à la scie et portant de grosses lacérations dans le dos, il va falloir avoir le cœur accroché pour supporter la vue de ces cadavres, parfois en état de décomposition.
Le gameplay n’est pas le seul à avoir subi une grosse mise à jour, puisque du côté de la technique, Condemned 2 a franchi un nouveau seuil. Evidemment, en fouinant dans notre mémoire, les différences ne semblent pas flagrantes au premier coup d’œil, mais il suffit de mettre les deux titres côte à côte pour constater à quel point la réalisation a fait un pas vers l’avant. Tout d’abord, la modélisation des personnages a gagné en finesse mais surtout en détails. Les protagonistes arborent désormais des expressions faciales, et même corporelles, bien plus naturelles et donc convaincantes. SDF, junkies, coéquipiers ou même ces créatures venues des hallucinations de notre héros, leur représentation est assez saisissante. Les environnements jouent eux aussi une part importante à cette réalisation réussie. Les ruelles sont sales, les murs souvent délabrés, la lumière se faire rare, il se dégage une ambiance malsaine ubiquiste qui tiendra le joueur constamment en haleine mais surtout en alerte. En outre, la personnalité torturée d’Ethan Thomas permet d’appuyer ce sentiment de vulnérabilité qui rappelle à chaque instant qu’on n’est pas à l’abri de se prendre un vieux coup de tuyau derrière la nuque. Par moments, notre héros pourra attraper une bouteille de whisky qu’il descendra goulûment, lui permettant de disposer d’une protection supplémentaire. Astucieux.
A l’instar de son aîné, Condemned 2 : Bloodshot est construit de telle manière que le joueur reste happé par son scénario qui donne envie d’aller toujours plus loin. Quel est l’auteur de ces crimes odieux ? Mister X est-il vraiment mort ? Pourquoi Vanhorn a-t-il fini le thorax explosé ? Autant de questions qui trouveront leur réponse au fil de l’aventure, enquête qui se boucle en une bonne dizaine d’heures. Les insatisfaits pourront toujours se diriger vers le mode multijoueur, LA grande nouveauté de cette suite. Calqué sur le concept du film de David Fincher, Fight Club, ce mode à plusieurs consiste à s’affronter dans des arènes, tout en utilisant le système de combat du jeu. Intéressante sur le papier, l’idée n’arrive malheureusement à s’adapter une fois la manette en mains, si bien que fracasser la tête de son partenaire devient assez vite lassant, et n’ayons pas peur des mots, tout simplement anecdotique et sans intérêt. Mais rassurez-vous, Condemned 2 est un jeu qui se vit en solo, le casque vissé sur les oreilles et plongé dans le noir le plus complet. C’est donc le moment de tester à nouveau son trouillomètre.