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Castlevania : Order of Ecclesia est l'un des meilleurs opus de la saga aux dents longues de Konami. Equilibré, malgré une difficulté parfois ahurissante, d'une qualité graphique évidente et bénéficiant d'une attention fascinante tant au niveau de l'ambiance que des idées de gameplay, il parvient à redonner des couleurs à la fin d’année de Nintendo qui s’avère bien terne. Une oeuvre perfectible, rageuse, mais qui, à l'image de Dracula, sait renaître quand personne ne s'y attend.
- Un chara-design magnifique
- La B.O. signée Michiru Yamane
- Un gameplay ingénieux et réfléchi
- L'aspect exploration
- Une réalisation de très haute tenue
- Les quêtes annexes
- Un level design bien pensé
- L'ambiance
- Des personnages forts mais creux
- Une difficulté parfois abusive
- Pas assez de decks modifiables
- Une certaine mollesse
- Inutilité de l'écran tactile
Si le jeu vidéo japonais comporte bien une créature à l'immortalité prouvée, c'est sans nul doute le comte Dracula qui sévit chez Konami depuis maintenant plus de 20 ans. Ayant affronté les Belmont, son propre fils, la famille Belnades ou encore le fameux Quincy Morris, on pouvait aisément se dire que le vampire à la cape écarlate aurait entamé une retraite salutaire. Mais il n'en est rien. Revoilà une nouvelle fois cet émissaire du mal trop résistant faisant cette fois face à un groupe entier ligué contre lui, nommé Ecclesia. Si l'union devrait faire la force, c'est une seule jeune fille qui l'affrontera : Shanoa.
Réinsérant un peu de sang gothique dans la série après plusieurs itérations au design plutôt axé manga de seconde zone, Castlevania : Order of Ecclesia renoue avec l'atmosphère si particulière de la saga, sans toutefois retrouver la fièvre sombre d'une Ayami Kojima au trait âpre. Basé au 19ème siècle, le scénario de ce Castlevania s'accord donc totalement avec des personnages aux artworks magnifiques, légèrement vieillis et précieux, véhiculant totalement cette ambiance mi-baroque mi-gothique qui sied à merveille à la chasse au vampire classieux. Vous dirigez donc la belle Shanoa, sorte de prêtresse destinée à accomplir les plus grandes volontés d'Ecclesia qui se verra dès les premières secondes de jeu trahie par son compatriote Albus. S'ensuit un affrontement qui verra Shanoa perdre la mémoire et tenter de retrouver l'ensemble des pouvoirs qui devaient lui être confiés, en poursuivant son ancien compagnon. Une course-poursuite relativement banale qui va pourtant prendre des dimensions bien plus importantes.
Une pro du glyphe
Une fois entré dans la trame générale, une question reste tout de même en suspens : comment la frêle Shanoa va-t-elle pouvoir se débarrasser des légions du mal sans aucune arme, ni l'aide de la famille Belmont volatilisée ? Tout simplement grâce aux glyphes. Reliés au dos tatoué de la jeune demoiselle, ces marques magiques renferment en elles armes blanches et pouvoirs magiques. Bien évidemment, elle n'apparaissent pas sans raison au beau milieu de votre chemin pavé de créatures féroces et de cadavres divers. Pour les engranger, vous devrez justement abattre les ennemis qui tenteront de vous arrêter dans votre croisade contre Dracula, ces derniers libérant parfois leur glyphe qu'il vous faudra aspirer en vous. Une fois celui-ci intégré au corps de Shanoa, il vous sera possible de vous servir de la capacité qu'il renferme. A titre d'exemple, vous pourrez obtenir des épées à la puissance plus ou moins grande, des haches, des sorts de foudre ou de feu, ou bien encore des arcs et des faux. Bref, tout un arsenal qui vous demandera néanmoins de faire passer la réflexion avant l'action. En effet, et là est le grand avantage d'un système qui à la base n'est pas vraiment différent de celui de Aria Of Sorrow, il est nécessaire de choisir ses attaques avec soin sous peine de subir de cuisantes défaites. Ce qui n'est pas rare, loin s'en faut, dans cet opus relativement épicé. Dans les faits, vous pouvez équiper deux types d'assauts différents simultanément, un sur chaque main pour être précis, ainsi qu'un pouvoir "spécial" de soutien. Si ce dernier reste le plus souvent assez peu utilisé, il n'en demeure pas pour autant inutile, vous permettant par exemple de maîtriser la force magnétique pour vous agripper à certaines matières, et surtout de vous transformer en certains ennemis, afin d'invoquer des araignées, des chauves-souris ou encore des morts-vivants par dizaines.
Pourtant, malgré l'aspect impressionnant de ce type de manifestation, c'est bel et bien la combinaison des deux attaques de base qui donne tout son sel au gameplay. Suivant le choix que vous avez opéré, vous avez le pouvoir de déclencher une offensive simultanée réellement dévastatrice, utilisant votre jauge de coeurs, qui se remplit difficilement le long d'un niveau. Il vous faudra donc prendre soin de ne pas abuser de cette puissance soudaine, tout en ayant une approche empirique de la chose. Il est en effet plus que conseillé d'essayer maintes et maintes fois des combinaisons, afin de trouver celle qui vous donnera le plus de chance face aux quelques monstres imposants peuplant le monde de Castlevania : Order of Ecclesia. Cette "obligation" de tester les compétences acquises, en prenant également en compte la portée, la manipulation et la réaction des armes, s'avère être une idée de gameplay clairement intelligente, ne laissant pas le joueur avec une flopée d'outils de destruction dont il ne sait pas vraiment que faire. Ici, chacun est utile à un moment donné, d'autant que les adversaires de Shanoa possèdent des sensibilités à tel ou tel type d'éléments/armes, renforçant encore le côté RPG survenu pleinement dans la saga via l'indétrônable Symphony Of The Night. A l'image de tout aventurier qui se respecte, vous devrez gérer votre inventaire, bien définir vos pièces d'équipement et surtout créer vos decks de pouvoirs. Castlevania : Order of Ecclesia vous offre la possibilité de composer trois associations d'attaques que vous pourrez tout simplement switcher durant les pugilats, dans l'optique de ne jamais vous retrouver pris au dépourvu. Si ce système est intéressant sur le papier, évitant de repasser de manière laborieuse par le menu de sélection, il est dommage de ne pas pouvoir faire davantage de decks et, surtout, de ne pas avoir de temps d'arrêt dans la sélection. La combinaison de touches permettant d'échanger de duo d'attaques n'est en effet pas des plus pratiques lors d'un duel contre un boss, et il n'est pas rare de devoir au final s'incruster dans le menu en conséquence. Fort heureusement, le rythme global et le level design font rapidement oublier ce petit écueil tant ils poussent le joueur dans ses derniers retranchements.
Un jeu aux dents acérées
Evitant la morosité d'une construction en couloir aux ennemis apathiques, Castlevania : Order of Ecclesia relève ses manches et nous fait un cadeau magnifique mais empoisonné. Construit sur un système de niveaux situés sur une sorte de carte du monde, le titre d'Igarashi met en avant l'exploration non linéaire, reléguant aux oubliettes l'ancienne mode du château aux allers-retours obligatoires, à la limite de la crise de nerfs. Si l'on retrouve tout de même le syndrome de la nouvelle visite une fois certaines compétences acquises, afin de découvrir les chemins secrets laissés de côté lors de la première traversée, cette occupation se révèle bien plus agréable qu'auparavant. Le mérite en revient au level-design tout en finesse de cet opus, réussissant le tour de force de proposer des environnements aux multiples bifurcations, sans pour autant les rendre trop labyrinthiques. Un équilibre qui transforme ce qui aurait pu être une torture en un appel à la curiosité avec maestria. Le petit bémol dans cette progression axée sur l'exploration reste tout de même la fureur des monstres rencontrés, véritables adversaires coriaces et tenaces. Le moindre squelette vous posera un problème, immédiatement suivi d'un autre encore plus pernicieux ; le tout sous le regard attentif d'une créature gigantesque qui prendra un malin plaisir à rendre l'expérience encore plus douloureuse. Il faut le savoir, Castlevania : Order of Ecclesia est un combat de tous les instants.
Certes, ce choix permet au jeu d'exploiter pleinement ses propres possibilités et de tenir le joueur en alerte, mais une vraie injustice se manifeste à de nombreuses reprises, et il vous faudra parfois passer par une séance de level-up afin de gonfler vos statistiques, engranger de l'argent pour vous équiper correctement, et espérer ainsi survivre. De fait l'avancée se voit relativement hachée, et Castlevania : Order of Ecclesia aurait gagné à proposer un challenge moins important au profit d'un dynamisme plus présent, celui-ci faisant tout de même défaut dans un titre possédant une telle démesure, tant du point de vue des diverses attaques que des ennemis en eux-mêmes. On ressent une frustration réelle qui, si elle ne nuit pas au plaisir ressenti à diriger Shanoa, est bien présente. Mais, comme tout être de l'ombre, ce Castlevania a également une part de lumière dans ses ténèbres, et on ne peut que louer la refonte "technique" du bestiaire qui commençait sérieusement à tourner en rond depuis quelques années. Si certains sprites restent similaires, la majorité d'entre eux se sont vus retravaillés d'une part graphiquement, et d'autre part ludiquement. Les habitués seront on ne peut plus surpris des modifications opérées dans la routine d'opposants pourtant bien connus, apportant une fraîcheur diabolique dans un soft qui tente vraiment de se détacher de ses aînés, et ce avec une très bonne volonté.
La beauté vénéneuse
Sublimant les capacités 2D de la DS, Castlevania : Order Of Ecclesia est l'un des plus beaux opus de la série, proposant des artworks d'une finesse et d'une maîtrise graphique impressionnantes, et des environnements très diversifiés aux éléments magnifiques et aux effets bien choisis. Les hauteurs montagneuses, aux pins décharnés enrobées dans une brume malveillante, sont un bon exemple du type d'ambiance crée et de la qualité de la 2D dans ce Castlevania à la noirceur revigorante. De même, les sprites des personnages principaux et des ennemis, malgré une animation parfois un peu raide, font preuve d'un niveau de détails plus que correct. Un point très important au niveau de l'implication du joueur dans le personnage de Shanoa, et surtout dans le rapport que cette dernière entretient avec les villageois secourus au fur et à mesure du jeu, permettant alors à notre héroïne d'acquérir divers objets suivant le "métier" de l'individu rescapé. Proposant des quêtes annexes obligeant le joueur à revisiter des niveaux de fond en comble, ces habitants du seul hameau paisible du jeu s'avèrent particulièrement causants, privilégiant malheureusement le vide à l'intérêt. Il est donc heureux qu'il bénéficie d'une application graphique leur donnant du corps, sans quoi ils n'auraient guère été plus dignes d'intérêt qu'un ficus au milieu d'un salon. C'est la corrélation entre sa qualité graphique, la force de son gameplay et son atmosphère gothico-baroque qui font de Castlevania : Order Of Ecclesia, non pas un titre inoubliable, mais un jeu probant, vivant, comme il est assez rare d'en trouver désormais. Comme toujours et malgré leurs ventes, ce sont les jeux à caractère qui surnagent.