17 20
Vous aimez le Metal ? Alors procurez-vous immédiatement Brütal Legend, c'est un ordre ! Homme de peu de goût, vous n'appréciez pas spécialement les guitares saturées ? Hé bien jetez quand même un oeil sur cet excellent jeu, qui ne vaut pas seulement pour son univers rock et sa bande-son d'enfer. A elle seule, la qualité d'écriture des dialogues et des situations est suffisante pour convaincre la majorité des joueurs. Face à des qualités de cet acabit, le seul véritable défaut concerne la durée de vie. Si l'on commet l'erreur de zapper les missions secondaires (qui, il faut bien l'avouer, ne sont pas transcendantes) l'aventure se boucle en une toute petite journée, alors qu'on aurait aimé rester des dizaines d'heures dans cet univers si particulier.
- Des personnages charismatiques
- La bande son, terrible
- De l'action et de la stratégie
- Le choix entre VF et VOST
- Le menu en images réelles
- Impossible de sauter
- Missions secondaires répétitives
- Peut se "rusher" en 6 heures
- Sous-titres trop petits
Le jeu vidéo a ceci en commun avec le cinéma et la musique qu'il est à la fois une industrie et un art. Si la majorité des titres ne sont que de simples produits de consommation, quelques uns sortent du lot et accèdent au statut d'œuvre à part entière. Brütal Legend est de ceux-là, ce qui n'est guère étonnant puisqu'on retrouve à sa tête le grand Tim Schafer (Full Throttle, Grim Fandango, Psychonauts...). Faisant fi des études de marché et de la calamiteuse généralisation du rap, l'homme nous propose un jeu entièrement basé sur la musique Metal. Amis chevelus, bienvenue chez vous !
Tout commence par une séquence vidéo tournée chez un disquaire américain. L'acteur Jack Black nous entraîne dans les linéaires du fond, à la recherche d'un article aussi rare que mystérieux. Après un moment de doute, il finit par retrouver le précieux objet : un disque vinyle intitulé Brütal Legend. Vous pensez que l'on vous narre ici le scénario du jeu ? Absolument pas, il s'agit juste du menu ! Filmé en images réelles, il représente le fameux vinyle, que les grosses mimines de Jack Black manipulent dans tous les sens afin de nous présenter les diverses options. Cette entrée en matière aussi séduisante que décalée aurait pu être réalisée par Michel Gondry s'il oeuvrait dans le jeu vidéo. Absolument exemplaire, elle laisse augurer du meilleur pour la suite. Mais avant de plonger dans le jeu à proprement parler, un petit tour dans la configuration audio s'impose. Même si la version française ne démérite aucunement, on fera bien de choisir la version originale sous-titrée puisque cela nous est proposé. On profite ainsi des véritables voix des quelques guest-stars présentes dans le jeu, ainsi que de dialogues et jeux de mots jamais dénaturés. L'humour toujours pertinent et la haute qualité d'écriture des répliques valent bien un petit effort d'attention linguistique (et visuel car les sous-titres sont hélas assez petits). Cela nous rappelle par ailleurs que la possibilité de choisir la VOST devrait être la règle, et non l'exception, pour un média qui se veut interactif. Espérons que d'autres jeux suivront le mouvement... En attendant, quittons ce menu vidéo, laissons l'ère numérique reprendre ses droits et délectons-nous de la véritable introduction du jeu, qui ne manque pas de piquant. Dans un style graphique délicieusement cartoon, elle nous présente Eddie Rigs (inspiré et doublé par Jack Black, pour ceux qui l'ignoreraient encore) un roadie entièrement dévolu à la cause du groupe qu'il accompagne.
Du métal dont on fait les héros
Quiconque connaît un peu les arcanes du monde de la musique ne pourra qu'apprécier la justesse du propos, que l'on pourrait résumer ainsi : les hommes de l'ombre bossent sans relâche pour des stars ingrates, qui ramassent sans effort l'argent et les fans. Comble du malheur pour Eddie, un élément de décor s'écroule sur lui et le laisse pour mort. Mais par un subterfuge scénaristique qui ne sera pleinement compréhensible qu'en fin de jeu, le technicien se réveille dans un étrange monde médiéval fantastique, ou plus exactement métal fantastique ! Les décors quasiment préhistoriques sont en effet parsemés d'éléments hérités de la culture rock. Amplis électriques, bus de tournée et pantalons en cuir côtoient pentacles sacrificiels, armes rudimentaires et montagnes d'ossements, sans jamais que ces anachronismes ne choquent. Bien au contraire, l'univers se révèle d'une grande force et d'une parfaite cohérence, pour peu qu'on accepte l'idée initiale d'un monde 100% metal. Tout ou presque nous ramène à ce mouvement musical, à commencer par la bande-son qui aligne les groupes cultes, notamment des années 70 et 80. Black Sabbath, Cradle of Filth, Judas Priest, Manowar, Marilyn Manson, Megadeth, Ministry, Motley Crue, Motörhead, Ozzy Osbourne, Scorpions … ce sont plus de cent chansons qui nous attendent ! Cette méga compilation, qui regroupe exactement 108 morceaux et 75 groupes, pourrait justifier à elle seule l'achat du jeu. D'autant plus qu'on peut facilement se concocter sa propre playlist, à écouter au volant de la voiture qu'Eddie se bricole en début d'aventure. Mais ce serait mal connaître l'équipe de Double Fine que de les croire capables de se contenter de ce seul argument audio. Personnages, environnements, situations, dialogues, les références au monde de la musique sont multiples et toujours bienvenues. On retrouve notamment Ozzy Osbourne en gardien du métal et Lemmy de Motörhead en guérisseur chamanique, les deux star ayant prêté leur visage et leur voix à leurs avatars virtuels.
...l'univers se révèle d'une grande force et d'une parfaite cohérence, pour peu qu'on accepte l'idée initiale d'un monde 100% metal. Tout ou presque nous ramène à ce mouvement musical, à commencer par la bande-son qui aligne les groupes cultes, notamment des années 70 et 80."
Arrivé à ce stade du test, vous êtes en droit de vous demander à quelle genre de titre nous avons affaire exactement. S'agit-il d'un jeu d 'action ? D'un jeu ouvert à la GTA ? D'un jeu de stratégie ? D'un jeu musical ? Hé bien, Brütal Legend est un peu tout cela à la fois. En tout début d'aventure, le héros met la main sur Separator, une grosse hache bien tranchante, et Clémentine, une guitare électrique capable de foudroyer les ennemis. L'utilisation alternée ou combinée de ces deux armes nous plonge en plein beat'em all, avec son lot de démembrements sanglants et d'attaques spéciales dévastatrices. L'architecture du jeu privilégie quant à elle la liberté de déplacements dans un monde ouvert, où différentes missions principales et secondaires nous attendent. Voilà une bonne raison de justifier la présence de la Destroymobile d'Eddie et sa radio d'enfer. Parmi les objectifs à remplir, on retrouve naturellement quelques éradications basiques d'ennemis, mais aussi des missions d'escorte de tour bus, de défense de points fixes, ou encore de livraison de bières. Mais le gameplay qui se taille la part du lion est celui des batailles de scène, qui ponctuent régulièrement l'aventure et la transforment en jeu de stratégie temps réel. Notons au passage que le mode multijoueur reprend ce principe, qui consiste à mettre en opposition deux shows de rock. Autour de chaque scène se situent des hordes de fans, qu'on peut s'approprier en construisant des stands de merchandising. Ces fans servent de ressources pour invoquer les unités de combat, nécessaire pour dégommer les stands et la scène adverse. Qu'elles appartiennent à la faction des Métalleux, des Démonix ou des Maudits, elles bénéficient toutes d'un design complètement barré. Des headbangers qui fracassent tout sur leur passage à coups de têtes, aux dominatrix et leurs esclaves, en passant par les mariées mort-vivantes ou encore les furtifs roadies, c'est un véritable mélange entre film d'horreur, concert de rock et cérémonie SM qui se déroule sous nos yeux. Après un nécessaire temps d'adaptation, les troupes se contrôlent facilement au travers de l'indispensable Eddie, qui doit être à la fois au four pour donner des ordres et au moulin pour prêter main forte aux groupes en difficulté. Ultime subtilité : notre homme peut coopérer avec chaque type d'unité (en grimpant dessus, en la portant, en dansant avec, en rentrant dans son estomac...) afin d'en renforcer l'attaque.
Avec ma guitare à la main, j'ai peur de rien
Lors des balades, des bastons ou des affrontements stratégiques, la guitare d'Eddie joue en permanence un rôle important. En effet, elle permet de réaliser de salutaires solos de quelques notes, à la façon d'un Guitar Hero. Toujours très courtes, ces séquences ne perturbent jamais le rythme de l'action mais l'enrichissent singulièrement. Tel solo sert à déterrer des reliques enfouies sous terre, tel autre à booster le moral des troupes, celui-ci lance un sort offensif, celui-là permet de construire un stand de merchandising... Même l'invocation de la Destroymobile passe par un tel intermède musical. Une manière supplémentaire d'immerger encore plus le joueur dans un univers décidément très rock. Tous ces éléments font de Brütal Legend un très grand jeu, qui restera longtemps dans les mémoires malgré quelques menus défauts. Durant les premières minutes, on regrette notamment l'absence de commande de saut. Concrètement ce n'est jamais vraiment gênant, mais une telle lacune est toujours un peu frustrante, notamment dans un monde qu'on nous propose de parcourir en toute liberté. Par ailleurs, la construction du jeu à un peu trop tendance à nous faire enchaîner les missions principales, au détriment des quêtes secondaires. Du coup, si l'on n'y prend garde, on arrive au bout du jeu en moins de six heures ! Il reste heureusement possible de remplir les objectifs facultatifs après le générique de fin. Nous vous conseillons tout de même de le faire en cours d'aventure, afin de bénéficier des récompenses associées. Les artefacts de partitions permettent d'apprendre de nouveaux solos, les garages de métal augmentent les performances de la voiture, de la hache et de la guitare, et le personnage d'Eddie bénéficie d'une amélioration sensible chaque fois qu'il libère dix des 120 statues de dragons bâillonnés qui sont disséminées dans le monde. Le plus étonnant reste tout de même qu'on puisse facilement finir le jeu sans bénéficier de tous ces bonus. Soyons positifs et voyons-là une bonne raison de recommencer l'aventure en mode "Difficile". D'ailleurs, j'y retourne !