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Plus de dix ans après le premier épisode, Alice : Retour au pays de la folie replonge la jeune fille brune aux grands yeux dans ses propres turpitudes, n'oubliant malheureusement pas de conserver celles de l'époque passée, comme une caméra perfectible et un côté un peu trop limité dans le gameplay. Pourtant, malgré ses redondances et une structure parfois floue, le jeu de Spicy Horse possède une accroche indéniable qui se trouve dans ce mélange étrange entre un univers magnifique, un ensemble de bonnes idées et paradoxalement un côté old-school charmeur. A ranger aux côtés de ces jeux pas vraiment réussis mais qui contiennent tout de même un équilibre qui les fait tenir debout.
- Une direction artistique magnifique
- Grande inventivité
- Un gameplay carré...
- Une difficulté bien dosée
- Le système de combat efficace
- Beaux thèmes musicaux
- Le premier épisode offert
- Durée de vie honorable
- …mais très classique
- La caméra problématique
- Pas au point techniquement sur consoles
- Confus si on ne connaît pas le livre
- Très redondant
Dans son début de rémission, Alice commençait à revoir le Pays des Merveilles comme il était dans son enfance, relativement paisible, verdoyant et peuplé de personnages assez équilibrés mentalement. Mais un destin allant en s'améliorant n'a jamais fait un bon drame. C'est sûrement pour cette raison qu'American McGee fait replonger l'héroïne de Lewis Caroll dans les affres de sa propre démence. Un nouveau voyage qu'illustre avec beauté et cruauté un Alice : Retour au pays de la folie qui peut lui aussi rendre un peu fou. Verdict dans notre test.
Après une longue période passée dans l'asile Rutledge, Alice est désormais confiée à la société, toujours suivi par un psychiatre en raison de ses nombreux troubles relatifs à la mort de ses parents. Détruite dans les flammes, sa famille hante la jeune fille et l'empêche de trouver un équilibre. Ne sachant toujours pas si elle est responsable ou non de ce drame, elle va être contrainte de revenir dans les terres désolées de l'univers qu'elle a elle-même créé. Une progression au plus profond de son esprit qui s'articule en parallèle de ses investigations dans le monde "réel" d'un Londres presque fantomatique. Deux mondes difficiles, violents, dans lesquelles une échappatoire semble totalement hors de propos. Un constat amer qui ne va pas freiner Alice dans son obsession de vérité, tailladant sa voie au couteau de boucher en ne trouvant comme résistance que des créatures aussi grotesques que dangereuses. Une introspection rouge-sang qui brise les limites de la réalité mais également du temps. Car le lapin que suit Alice a plutôt les aiguilles de sa montre qui retardent.
This is madness !
A l'heure où d'autres surgissent des années 90, par le biais de remakes opportunistes, Alice : Retour au pays de la folie fait le chemin inverse et va chercher l'efficacité dans les platformer action 3D de la fin de vie de la PSone et de la grande époque de la PS2. Dans un genre qui peine à exister mis à part la série Ratchet & Clank qui commence justement à s'affadir, le jeu de Spicy Horse possède ce feeling particulier qui oscille entre plaisir immédiat et frustration, créant une accroche qui se retrouvait dans les débuts de la série Jak & Daxter. La progression est on ne peut plus simple et se résume par le tryptique plateformes, bouton à activer, combat. Un modèle qui n'apparaîtra pas forcément dans cet ordre mais qui comprendra à chaque fois ces trois parties pour un ensemble très convenu. Alice : Retour au pays de la folie ne révolutionne pas la plate-forme/action et ne prétend pas le faire. Mais la force du jeu de Spicy Horse réside dans le fait d'avoir réussi à capter ce qui fait justement que le genre est captivant. Malgré une entrée en matière très calme, la précision s'invite rapidement et demande alors au joueur de retrouver des réflexes et une évaluation des distances à l'ancienne, lorsque la panique se mêle soudainement au doute dans un enchaînement un peu rapide d'obstacles. En cela, le jeu est très bien réglé et propose de nombreux passages millimétrés qui s'inscrivent dans un level-design à la fois enthousiasmant et agréable. Les divers niveaux s'ouvrent en effet sur plusieurs voies alternatives conduisant à des items spéciaux - pas toujours bien cachés - mais qui poussent au moins le joueur à envisager différents chemins. L'avancée se fait logiquement avec un placement maîtrisé des indices de progression, le tout servi par des idées intéressantes comme les plates-formes invisibles qui n'apparaissent que lorsqu'Alice rapetisse et disparaissent ensuite progressivement, obligeant à mémoriser leur emplacement. Ou encore l'utilisation de la capacité de la jeune fille à planer, littéralement, qui donne un sentiment aérien assez peu rassurant tout en étant grisant. Deux aspects qui mettent en avant la valorisation du risque qui est un élément important du gameplay, que ce soit dans les acrobaties ou les combats.
A l'heure où d'autres surgissent des années 90, par le biais de remakes opportunistes, Alice : Retour au pays de la folie fait le chemin inverse et va chercher l'efficacité dans les platformer action 3D de la fin de vie de la PSone et de la grande époque de la PS2."
Basés sur la recherche du pattern de chaque ennemi, possédant chacun un point faible particulier, les affrontements d' Alice : Retour au pays de la folie demandent souvent au joueur d'approcher l'ennemi plutôt que de camper sur ses positions à distance. Certes, Alice possède un poivrier/mitraillette et une théière-canon très utiles pour tenir les ennemis volants à distance et pour harceler les plus résistants, mais la majorité des duels se finiront au corps-à-corps à grands coups de Lame Vorpale ou de Balai-Cheval. Retirant de façon dramatique les roses de la jauge de vie d'Alice, les attaques adverses peuvent être évitées via une esquive transformant cette dernière en une nuée de papillons. Vital, ce mouvement donne un dynamisme très agréable aux combats, même si le bourrinage reste efficace une fois ses armes à haut niveau. De même, il est dommage que certaines subtilités bien senties, comme l'utilisation du Lapin-Bombe comme leurre, fonctionne pour une grande part des ennemis, retirant une certaine diversité dans l'approche d'un duel. Une sorte de systématisme qui, comme la notion de risque, ne s'arrête pas aux combats et touchent la structure du jeu dans son ensemble. Pour chaque trouvaille, chaque respiration, Spicy Horse ne peut s'empêcher de l'utiliser jusqu'à la corde quitte à la rendre indigeste. Casser l'habitude par un chouette passage en plates-formes 2D dans un style papier découpé est ingénieux, le faire trois fois de suite redevient une habitude. Un problème dommageable qui ramollit un bon nombre de niveaux, pourtant bien conçus dans l'absolu. D'autant que la caméra a parfois du mal à se placer sous les pieds d'Alice, rendant des passages plus ardus qu'ils ne devraient l'être. Le plaisir de jeu connait de fait quelques lourdes chutes, rattrapées en partie par des subits coups de génie et surtout une ambiance exceptionnelle.
Wonderful Land
Fidèle à l'oeuvre originale de Lewis Caroll dans les scènes interprétées par les divers personnages, en toutefois bien plus sombre et torturé, Alice : Retour au pays de la folie est d'une très grande cohérence au niveau du fonctionnement en miroir de la réalité et du rêve. Les traumatismes, violences et frustrations vécues par Alice dans son quotidien se matérialisent dans le Pays des Merveilles, thématisées par ce qu'elle a vu, ce qu'elle a entendu juste avant de sombrer. Comme ce passage dans un univers à la Okami après avoir contemplé des estampes japonaises dans le couloir de l'avocat chargé de l'affaire de la disparition de la famille d'Alice. Surprenantes et fines, les transitions entre les deux mondes laissent toujours une sorte de malaise qui ne s'arrange pas avec certaines visions apocalyptiques. Malgré un moteur globalement daté, le jeu de Spicy Horse propose des décors sublimes, artistiquement parlant. Alice : Retour au pays de la folie est un beau jeu, fignolé jusque dans le choix des teintes, dans un un respect profond des inspirations utilisées. Comme Psychonauts a son époque, le jeu souffre d'imperfections bien visibles, d'une certaine redondance basée pourtant sur de bonnes idées. Mais par son efficacité et son univers fascinant, il parvient à titiller l'attention, à réveiller cet intérêt enfoui pour les jeux de plate-formes/action qui sur des bases classiques ont quelque chose à raconter. Et c'est ici une belle histoire.