Test Agony : en souffrance perpétuelle, un jeu qui porte bien son nom sur PC
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Si la promesse d'une visite en enfer particulièrement glauque est parfaitement tenue par le bien nommé MadMind Studio, Agony peine franchement à exceller sur ses autres composantes. Gameplay relativement limité, difficulté mal équilibrée et bestiaire très pauvre viennent ternir une aventure qu'on espérait bien plus convaincante. Nul doute que certains joueurs masochistes apprécieront ces obstacles au plaisir ludique, et considéreront qu'ils collent parfaitement bien au côté forcément rugueux et douloureux de l'enfer. Mais les autres auront du mal à accepter que l'agonie promise les concerne directement plutôt que de se cantonner au personnage (dés)incarné...
- Une direction artistique singulière
- Un univers glauque à souhait
- Quelques scènes marquantes
- Des tas de secrets à dénicher
- Des couleurs parfois trop flashy
- Gameplay pas bien folichon
- Contrôles perfectibles
- On se perd trop facilement
- Bestiaire très limité
- Des bugs, pas mal de bugs
Lancé sur Kickstarter en novembre 2016, Agony a su retenir l'attention de nombreux joueurs, malgré le manque de notoriété du studio polonais à l'origine du projet. MadMind Studio a beau être composé de vétérans ayant prétendument travaillé sur The Division et The Witcher 3, la taille réduite du studio (neuf développeurs au dernier recensement…) aurait pu constituer un frein pour de nombreux acheteurs. Mais fort de visuels particulièrement marquants, Agony s'est très rapidement fait un nom. Pour quel résultat final ? C'est ce que nous allons voir tout de suite...
Avant toute chose, évoquons et évacuons d'emblée la question de la censure qui a récemment fait polémique. Dans un premier temps, le studio a annoncé devoir retirer de l'aventure certains éléments trop choquants afin de pouvoir mettre le jeu en vente, et ont promis dans la foulée qu'ils mettraient à disposition un patch sur PC permettant de débloquer la version originale. Mais voilà que la veille de la sortie du jeu, le discours change ! Les développeurs annoncent finalement qu'ils ont pu intégrer la plupart des éléments concernés, que les seuls retraits définitifs concernent quelques secondes de deux des sept fins disponibles, et qu'ils mettront bientôt à disposition du public une vidéo comparative afin que chacun puisse découvrir ce qu'il en est exactement. Ces contretemps et cette mauvaise communication ne jouent pas en la faveur du titre, mais reconnaissons qu'en l'état, l'aventure est déjà suffisamment gore et sexualisée comme cela. Au cours de votre périple, vous croiserez par exemple des martyrs décharnés aux pénis flaccides et apparents, des corps empalés de toutes les manières possibles, des vieillards éventrés desquels sortent des fœtus, des demi-squelettes crucifiés et coiffés de couronnes d'épines, des orgies sataniques, des cadavres de femmes enceintes, des succubes à moitié nues, des colonnes vertébrales géantes munies de doigts, des lugubres tas d'ossements, des monceaux de chair difforme, et bien d'autres charniers divers et variés… Si jamais cet inventaire à la Prévert vous choque un tant soit peu, alors faites tout de suite une croix sur Agony, car la représentation visuelle de cette petite boutique des horreurs est évidemment bien pire que sa simple et partielle description textuelle (on vous a épargné certains détails...). En contrepartie, il faut reconnaître que le jeu propose certainement la meilleure version de l'enfer jamais vue dans un jeu vidéo. De ce point de vue (et de ce point de vue uniquement…), Doom peut aller se rhabiller. Dans Agony, chaque parcelle de décor suinte le malaise, et chaque nouvel endroit que l'on découvre se montre plus glauque et malsain que le précédent.
AUTOROUTE VERS L'ENFER
En conséquence, tout comme son personnage (amnésique et plongé en enfer) le joueur n'a qu'une seule envie : sortir de là le plus rapidement possible. Pour cela, il va falloir rencontrer la Déesse Rouge, qui semble régner en maîtresse sur les lieux. Evidemment, le chemin ne va pas être de tout repos. D'ailleurs, votre principal atout réside dans le fait d'être déjà mort... Cela vous permet de changer d'enveloppe charnelle à chaque fois que vous succombez sous les coups d'un démon. Les différents martyrs (inoffensifs êtres humains perdus) qui peuplent les niveaux font ainsi de parfaits réceptacles, même si au fil de l'aventure on pourra également contrôler les démons les plus mineurs. En ce qui concerne les martyrs, il faut veiller à ôter préalablement le sac qui recouvre leur tête, afin de pouvoir les posséder une fois que votre esprit sera en quête d'un nouveau corps. Parfois, vous n'en trouverez pas à temps, et il vous faudra alors recommencer au dernier point de sauvegarde. Le jeu utilise un système de sauvegarde inutilement complexe, à base de miroir des âmes qui n'autorise que trois morts successives. Heureusement, il est possible de désactiver cela dans les options. C'est d'ailleurs une constante du jeu, qui ne semble vraiment pas confiant envers les fonctionnalités qu'il propose. On peut ainsi afficher deux types d'interfaces différentes, activer les "possessions faciles" afin de ne pas avoir à subir le pénible jeu d'adresse nécessaire pour rentrer dans un corps par défaut, ou encore activer les "lignes de destin" illimitées, afin de pouvoir plus facilement trouver son chemin. Dans tous les cas, vous allez énormément vous perdre. Le level design est à la fois louable et détestable. Louable, car les niveaux regorgent d'objets cachés et de zones secrètes, que les collectionneurs et autres complétistes prendront un malin plaisir à dénicher. Détestable, car on tourne un peu trop souvent en rond. Parfois par manque de lignes astrales pour nous guider (si on a gardé les options par défaut), parfois parce que les décors se ressemblent tous, et d'autres fois encore parce que le jeu est mal équilibré. Par exemple, certaines énigmes ne peuvent être passées qu'en étant dans le corps d'un martyr, alors qu'on trouve essentiellement des démons à incarner dans le coin…
ENFER & DAMNATION
D'une manière générale, le gameplay manque de variété. On doit essentiellement jouer à cache -cache avec les démons (à la manière d'un Alien Isolation), ramasser quelques objets pour activer certains dispositifs, résoudre quelques énigmes simples, sauter ici ou là de plateforme en plateforme, et c'est à peu près tout. Le bestiaire est également très limité puisqu'on ne rencontrera en gros que quatre types d'ennemis différents : les Onoskelis (corps de femme et tête de plante carnivore), les Araignées (qui sont en réalité constituées uniquement de membres humains), les Succubes (fort jolies) et les Tscharts (démons masculins extrêmement costauds). Au chapitre des doléances, on pourra également citer les contrôles un peu trop "flottants", à cause desquels on n'a pas vraiment l'impression de faire corps avec notre personnage. Par ailleurs, le jeu affiche par moments des couleurs flashy assez désagréables et qui collent mal avec l'atmosphère générale. Le meilleur moyen de s'en rendre compte consiste à comparer la démo d'il y a quelques mois avec le jeu final. A ce titre, le passage où un martyr construit un muret en écrasant des bébés vieillards (!) à l'aide de pierres est assez parlant. Dans la démo, les tons sont rouges écarlates et on peut apercevoir dans le fond une scène annexe où des corps semblent prier une statue. Dans le jeu final, le fond est constitué d'un simple mur sombre, tandis que les pierres et les personnages baignent dans une lumière violette incongrue et guère élégante. Pour couronner le tout, le jeu propose son lot de bugs, qui peuvent aller de la souris qui ne répond plus au personnage bloqué dans les décors, en passant par de forts effets de tearing (notamment sur consoles). Le bilan global, que ce soit en ce qui concerne la technique ou le gameplay, n'est donc pas très bon. En vérité, Agony vaut uniquement pour sa vision des enfers réellement marquante, voire traumatisante.