Predator Hunting Grounds : il y a le bruit mais toujours pas l'odeur (du sang)
En cette période de confinement, l’occasion était trop belle et le timing trop bien senti pour ne pas craquer. En plus, pour ne rien vous cacher, quand Maxime m’a soumis l’idée d’aller me frotter au Predator ou de l’incarner, fan inconditionnel du film de 1987 (le reboot avec Adrien Brody m’a séduit aussi) j’y suis allé sans filet. Plein d’enthousiasme et à peine refroidi sur les premiers avis distillés ici et là, notamment celui de notre Damien national, passablement échaudé (je vous confirme, même au fond de son canapé chez lui au chaud, il l’est toujours) par ce qu’il avait vu et eu entre les mains en septembre dernier. Alors verdict ? Le bain de sang est là mais...
A l’époque et après une première annonce en mai dernier lors d’un State of Play, Predator Hunting Grounds en avait refroidi plus d’un plusieurs mois plus tard, lors de la PAX West 2019 à Seattle. Dont Damien toujours donc. La question qui se posait tout au long de ce Trial Weekend, ouvert et exclusif aux joueurs PS4 mais également à leurs homologues PC, était de savoir si Illfonic avait pu revoir sa copie à quelques encablures de la sortie du produit.
LE PREDATOR A LA CLASSE, MAIS LE RESTE...
Et la réponse est… non. Les mêmes défauts pointés l’année dernière sont toujours présents, même si graphiquement et rappelons-le, il s’agit d’un multijoueur online (on le précise, parce que souvent, le but premier de ce type de jeu n’est pas toujours de verser dans la plus grande des esthétiques), Predator Hunting Grounds se défend… du moins lors de certains plans, lointains, ou du moins à mi-chemin entre le trop, trop près et le trop, trop éloigné. En clair ? C’est pas vilain, vilain mais ce n’est pas joli, joli non plus, avec un moteur graphique daté digne facilement de la génération précédente (ouais, ouais, bah on est en 2020 les petits potes quand même) et une réalisation technique assez souffrante. Du aliasing ? Oui il y en a. Du clipping non, mais les petites chutes de framerate oui mon général. Des problèmes de collision avec le décor ? Aussi. Des bug ? On en a vu quelques-uns oui. Des crashes ? On n’en a pas subi mais beaucoup en ont recensé malheureusement. Quant aux textures, une fois qu’on s’y penche de près, c’est assez honteux pour les yeux, force est de le constater. Tout ceci s’est vite avéré assez gênant, notamment au moment de devoir scruter le sommet des arbres pour déceler la silhouette du Predator, ou tout du moins son halo d’invisibilité, censé être à peine perceptible mais perceptible quand même à l’oeil nu, gros bémol qu’avait déjà pointé l’ami Damien plusieurs mois auparavant donc.
Les bruitages accompagnant les déplacements de la bête et ses cris rendent franchement l’expérience hyper immersive, avec cette notion de danger perpétuel qui se dégage une fois que le monstre est dans les parages.
Question graphisme toujours, le commando tout comme les mercenaires croisés au cours des missions imposées, ainsi que les quelques animaux, qui se résumaient tout bêtement à des cochons, s’en tirent largement moins bien à ce niveau que le Predator, version mâle ou femelle, sur lequel le maximum de soin visuel a été porté. Pour le coup, on se croirait face à une réplique de celui du film de 1987, avec Arnold Schwarzenegger - d’ailleurs pour le fan service, sachez qu’il prêtera sa voix au commando, sah quel plaisir - réplique originale qui fera partie des classes à débloquer dans le jeu complet. Les bruitages accompagnant les déplacements de la bête, ses cris (lorsqu’elle se soigne, lorsqu’elle perd et gagne la partie) ont de quoi glacer le sang des plus sensibles, et rendent franchement l’expérience hyper immersive, avec cette notion de danger perpétuel qui se dégage une fois que le monstre est dans les parages. Si vous avez adoré les films, pas de doute, vous serez dans l’ambiance. Sur ce point-là, le rendu est réussi. Du moins côté commando.
Et oui, ces fameux bruits (reniflement, musique spéciale, son qui indique l’usage du camouflage optique) sont audibles pour les joueurs. Et donc, sans forcément parvenir à déterminer sa position, on sait si le Predator est dans notre périmètre ou non. Ça renforce le sentiment de danger d’un côté mais cela gâche forcément un peu de l’autre l’aspect peur (qui se remplace du coup par une montée en pression), surtout que cela peut tout simplement faire tomber à l’eau la stratégie d’approche du joueur incarnant le Predator. L’occasion pour nous de rappeler le sel de ce jeu, à savoir le gameplay asymétrique promis : quatre joueurs incarnent les membres du commando Vaudou, envoyé sur une île pour réaliser une mission, qui peut aller du démantèlement d’un trafic de drogue, d’un trafic d’armes ou à la contamination d’animaux. Un cinquième comparse est de la partie et c’est à lui que revient l’ultime privilège d’incarner LE Predator. Bref, quatre chassés et un chasseur. Au milieu de tout cela coule une rivière (en vrai il s’agit d’un grand lac, mais j’étais obligé de la faire) et une flopée d’ennemis incarnés par l’IA, censée vous barrer la route et celle du Predator. Censée oui.
UN CERVEAU POUR L'I.A SIOUPLÉ !
Mais ce n’est pas le cas. Dépourvu de cervelle (et encore le mot est faible), l’IA n’a que des défauts. Vraiment. Déjà celui de pouvoir vous voir d’assez près sans bouger et sans vous tirer dessus. Puis, une fois qu’elle a daigné vous repérer et sonner l’alarme, être d’une puissance de feu sans borne. Le déséquilibre est alors profond. Heureusement, ce feu infernal est tancé par une sale manie de venir jouer les héros à la queue leu leu, simplifiant les affaires du commando, à condition qu’il soit groupé. Ce qui est dérangeant, c’est que cette armada, forcément dangereuse pour notre petit groupuscule, est sans effet sur le Predator, qui va évidemment profiter de tout ce barrouf pour venir trancher quelques têtes. Elle se révèle assez inoffensive pour lui, facteur gênant puisqu’en fouillant dans les infos de la démo, on nous signale quand même qu’elle est censée pouvoir lui riposter. Dans une bataille ouverte, l’IA préférera aussi s’en prendre à nous et nous uniquement, plutôt que de ralentir la bête, qui, comme les membres du commando, se verra récompensé pour en faire du compost. Autrement dit, ces bots, censés apporter une difficulté et une vie supplémentaire à l’île en question, ne sont que de la chair à canon, sans aucun autre véritable intérêt que celui de vous permettre de vider vos chargeurs et de tester les joujoux du Predator quand vous l’incarnez.
Un commando bien groupé, bon communicant et bien organisé, ne risque à priori pas grand-chose face au Predator, surtout une fois ce dernier repéré.
Damien l’avait déjà souligné en septembre dernier et il faut bien admettre qu’en mars, c’est toujours le cas. Si chaque élément de votre escouade décide de la jouer solo - ce qui arrive fatalement entre joueurs étrangers, comme on a pu le constater en ligne - , ce sera du pain béni pour le Predator, qui pourra alors jouer les terreurs dans les bois. Par contre, un commando bien groupé, bon communicant et bien organisé, ne risque à priori pas grand-chose face au Predator, surtout une fois ce dernier repéré ou du moins entendu dans les environs. Les fameux bruits… Nous y revenons comme promis. C’est là que la tâche promet d’être ardue pour le Predator, trop fort pour l’IA mais plus en danger donc dès lors qu’il s’attaque à une formation humaine, qu’il ne peut pas tuer en un coup de canon plasma, par contre, sachant que l’arme en question (toujours le fan service qui fonctionne hein) trahit de facto sa position en raison de son rayon infrarouge qui lui sert de lock...
Forcément, en rajoutant les bruits de reniflement et les sons de ces gadgets, le plan infiltration, censé être celui privilégié avec le Predator, en prend un sacré coup. Parvenir à désunir le groupe adverse, à le faire éclater ou à le surprendre s’avérera particulièrement ardu. Pour équilibrer, ces coups de griffe et leur vitesse d’exécution surtout font toujours aussi mal et il faudra alors la jouer serré pour en finir par ce biais, quitte à arracher la colonne vertébrale ou la tête de sa victime pour obtenir les fameux trophées à accrocher à sa ceinture.Cette gestuelle, qui signifie véritablement la fin de partie pour chaque membre du commando, est suffisamment lente pour transformer le Predator en Hitbox géante pendant plusieurs secondes. Et vous vous en doutez, dans Hunting Grounds, le temps, c’est du sang.
À LA RECHERCHE DE L'ÉQUILIBRE PERDU
Finalement, en l’état (nous n’avons joué que la classe Chasseur, censée être la plus équilibrée) le gameplay du Predator n’est pas si craqué et demande une vraie réflexion tactique pour l’exploiter jusqu’au bout et espérer triompher. Une donne à la fois intéressante (le Predator n’est donc pas surpuissant, ou en tout cas, moins que prévu) et frustrante, forcément. Retrouver tout ce qui a fait la légende de la bête est jouissif, d’autant que ce dernier a un gameplay bien à lui : il faut se souvenir que le Predator a des capacités extraordinaires et elles sont bien appliquées sur le terrain. Il peut bondir très haut, sauter très très loin grâce un système de visée pour son atterrissage et, surtout, il se déplace dans les arbres, ceux en mesure de soutenir son poids tout du moins, comme dans le film de 1987 toujours, avec un déplacement dédié, le Predkour, qui fait référence au fameux parkour.Mais il faut tenir compte des désavantages et des bémols de ce gameplay : sorti du sentier balisé du predkour, symbolisé par un halo rouge, le Predator ne peut pas se balader d’arbre comme il le veut, ce qui lui aurait donné une véritable forme de puissance. Après tout, dans les films il va là où bon lui souhaite. Une fois touché, son fameux sang vert vous trahit (plutôt un bon point pour la partie ennemie), fort heureusement, sur une courte période et sur une courte distance. Votre armement n’est pas gratuit : la vision thermique et l’invisibilité coûte en énergie, qui n’est pas infinie et demande à être rechargée par un temps de repos. Idem pour les grands sauts d’un point à un autre. Enfin, vous n’êtes pas si résistant que cela aux balles et notamment à certaines armes.
Visiblement, sur ce point, les équipes d’Illfonic ont rectifié le tir, au vu des premiers retours effectués dans le sens inverse. Tant mieux. Il faudra voir ensuite avec l’acquisition de nouveaux équipements si cette faiblesse demeure. A défaut d’avoir pu obtenir la lance mythique du monstre, on a pu tester l’un des pièges du Predator, le lance-filet, particulièrement utile pour immobiliser une proie et l’achever dans un deuxième temps. Enfin, si les choses devaient vraiment mal tourner, il reste toujours la possibilité de s’auto-détruire. Efficace, puisqu’elle met fin à la partie et donc vous garantit un succès amer mais un succès tout de même. A condition (décidément) de ne pas être exposé au moment de passer l’arme à gauche : une balle dans la tête et la séquence s’arrêtera, laissant le soin au commando de sécuriser votre dépouille pour l’extraction. Pour ce qui est des fameux soldats de l’unité Vaudou, la réussite de leur mission consistera dans un premier temps à repartir indemne à bord de l’hélicoptère qui les a déposé dans ce petit enfer. Chacune d’entre elles consiste en une série de mini-objectifs pas vraiment compliqués à effectuer (se connecter à un terminal, récupérer les données d’une antenne satellite, collecter des informations et récupérer de la marchandise), qui sont des étapes à la mission générale. Et servent aussi finalement de prétextes à vous placer sous le feu nourri des factions ennemies.
Il y a plein de bonnes idées et il faudra tout de même juger avec un peu plus de profondeur Predator Hunting Grounds avant de déterminer s’il est très mauvais, juste mauvais, médiocre, moyen ou finalement assez stable pour être agréable à jouer.
Evidemment, le commando a le choix et cela s’est vu lors de ce week-end d’essai. Soit vous pouvez unir vos forces et décider d’en découdre avec le Predator, histoire d’avoir la paix et de vous offrir un tour de l’île plus pépère. Une fois maîtrisé et comme vu plus haut, son cadavre prêt à être livré, la partie sera gagné. Si au moins l’un d’entre vous parvient, après avoir réussi les mini-objectifs, à remonter à bord de l’hélicoptère, indépendamment du sort du reste du groupe, la partie sera là aussi remportée. Autant vous dire que côté commando, quand les cordes de l’hélico descendent vers vous, il ne faut pas trainer pour les saisir et côté Predator, quand les hélices de l’appareil se sont entendre, ne pas lésiner sur votre objectif initial : abattre les membres de Vaudou présents sur l’île. Des références au monde aztèque, nous rappelant l’univers entrevu dans Alien vs Predator notamment, une jungle luxuriante, offrant pleine de cachettes possibles, il y a plein de bonnes idées et il faudra tout de même juger avec un peu plus de profondeur Predator Hunting Grounds avant de déterminer s’il est très mauvais, juste mauvais, médiocre, moyen ou finalement assez stable pour être agréable à jouer. D’autant que les autres classes du prédateur, à savoir l’éclaireur (léger en vie mais rapide et outillé pour faire mal à distance) mais surtout le Berseker, la version la plus tankable du monstre, n’étaient pas jouables. Tout comme certains de ses pièges, censés tromper l’ennemi) ou le reste de son armement (lance, disque) qui devraient en toute logique densifier son gameplay et rééquilibrer le rapport de forces.
LE CONTENU DÉFINITIF AURA ENCORE UN RÔLE À JOUER
Alors que l’idée de départ est bonne, le potentiel intérêt présent grâce notamment à la modélisation réussie du Predator et au fan service qui fonctionne à merveille, la tendance n’est toujours pas franchement positive… ni à ce stade, définitivement catastrophique non plus. Une chose est néanmoins certaine, en l’état, Hunting Grounds traîne comme un boulet sa réalisation à la ramasse. Il n’y a aucun feeling avec les armes que l’on décharge sur le dos du Predator, ce qui est toujours gênant dans un jeu de shoot. Les déplacements du commando sont assez sommaires et pas toujours réussis, sans compter que les animations des uns et des autres sur le champ de bataille, monstre y compris, ne sont vraiment pas agréables à voir. Malgré la présence des bots, l’ensemble manque de vie, peut-être aussi parce que ces derniers manquent de mouvement et d’autonomie.
Pourtant, dans le même temps, on apprécie la référence à la boue (même si c’est pas joli, joli là aussi), qui rend les membres du commando momentanément invisible à la vision thermique du Predator, et au fait qu’à force de se balader dans l’eau ou de bouger, celle-ci finit par s’enlever. Boue que l’on pourra garder plus longtemps sur soi d’ailleurs en montant de niveau au fur et à mesure de notre progression. Espérons d’ici la sortie définitive de Predator Hunting Grounds que les serveurs nous autorisent à faire autre chose que de la partie rapide ou à rejouer encore et encore le didacticiel de début de partie. Durant le week-end, les parties étaient soumises à de fortes demandes, le temps d’attente parfois interminable (du moins pour le matchmaking personnalisé, avec le choix de la force à représenter), avec parfois plus de cinq minutes pour entrer dans l’arène. Certes, il s’agissait d’une démo sur deux jours, avec une seule map disponible (Proliferation) et pour ce qui est de la cohue de monde, on rappellera que nous sommes en période de confinement mais forcément, cela en a découragé plus d’un, pas certain d’y retoucher au vu des nombreux avis en ligne. Enfin et pour être complet, il faut bien parler de l’interface, peu engageante et peu maniable, tout comme les commandes, qui n’étaient pas personnalisables dans cette version. Ouais, ça fait beaucoup et ça ne rassurera toujours pas forcément notre Damien surtout. En attendant, il faut croire qu'Illfonic croit dur comme fer à son bébé : la publicité pour la précommande et les différentes versions a fait rage durant ce week-end d’essai, sans parler des microtransactions attendues, pour débloquer du cosmétique ou se procurer de la monnaie virtuelle pour améliorer son équipement.