Mais à quoi joue la Nintendo Switch ? Refait-elle les mêmes erreurs que la Wii U ? [DOSSIER]


Mais à quoi joue la Nintendo Switch ? Refait-elle les mêmes erreurs que la Wii U ? [DOSSIER]Les doutes étaient déjà nombreux il y a plusieurs mois. En raison de la multitude de leaks (dont 80% se sont révélés exacts), mais aussi lorsque Nintendo a finalement choisi de révéler sa Switch. Mais depuis la conférence de présentation de la console et l’événement français qui s'est déroulé le 13 janvier dernier à Paris, ceux-ci se sont mués en profondes inquiétudes. Mais où va donc Nintendo avec sa Switch ? Loin d'avoir convaincu, le constructeur semble avoir brouillé les cartes, déstabilisé la critique et les joueurs. Pire : alors même que sa machine n'est pas encore lancée, Big N paraît déjà largué, en retard de plusieurs années sur la concurrence. Et cela rappelle de bien mauvais souvenirs aux observateurs. De là à dire que Nintendo n'apprend plus de ses erreurs, il n'y a qu'un pas.

Il faut bien l'admettre, l'officialisation de la Nintendo Switch le 20 octobre dernier par la firme de Kyoto avait généré beaucoup d'interrogations, à la fois dans la presse et parmi les joueurs. Face à cette machine assez unique et à son concept hybride – à la fois console de salon et console portable – beaucoup ont choisi d'attendre sagement que Nintendo donne davantage d'informations, avant de s'exprimer sur son intérêt. La conférence diffusée sur Internet le 13 janvier dernier, et surtout l'événement qui a suivi, devaient permettre à Nintendo de convaincre son public, avec du concret. Le convaincre que la Wii U n'était qu'une erreur de parcours, et que le tir allait très rapidement être rectifié. On attendait donc du lourd, de l'efficace. On s'attendait à ce que Nintendo frappe fort et vite pour propulser sa nouvelle machine. Et c'est là que le bât blesse : les retours ont été particulièrement négatifs. Non seulement Nintendo n'a pas convaincu, mais à la lumière des informations apportées le 13 janvier, désormais, le futur de la Switch devient inquiétant. 

 

LE RISQUE DE L'HYBRIDE
 

NintendoAlors que la console sortira dès le 3 mars prochain, il est encore très difficile de définir clairement le cap fixé par Nintendo pour sa machine, et ce à bien des niveaux. Cela commence par son concept : la console a été présentée dès le début comme un engin hybride, à la fois fixe et portable. Pourtant, le constructeur ne semble pas prêt à abandonner une 3DS, vieillissante certes, mais qui constitue une véritable manne financière et qui dispose d'un parc de machines établies important. Les deux machines sont donc censées cohabiter. L'aspect technique de la chose interpelle également. L'autonomie de la tablette est relativement limitée – de 2h30 à 6h suivant les jeux – sa taille est également loin d'être un atout, et le fait que les performances de jeu piquent du nez en mode nomade ne vont clairement pas favoriser ce type d'utilisation. On imagine mal les joueurs balader un tel engin autrement que pour jouer dans les toilettes ou dans leur lit, à la façon du Remote Play de la PS Vita ou de la Wii U. Mais il y a pire, puisque la Switch trouve dans son côté hybride l'origine de ses limitations techniques : le cœur de la console se trouvant dans la tablette, difficile d'embarquer des composants haut de gamme. Enfin, concernant le multi nomade, la taille des Joy-Con et leur prise en main inconfortable pourrait être un obstacle à leur utilisation, en plus du fait qu'un tel type de jeu ne soit pas encore vraiment entré dans les mœurs.

 

LA FAIBLESSE DU LINE-UP

 

Nintendo SwitchCes questions auraient toutefois pu être éludées par un line-up de qualité. Mais c'est probablement là le plus gros échec de Nintendo concernant ce lancement. Alors même que la Wii U avait subi des premiers mois très compliqués par manque de gros jeux, le fabricant semble commettre à nouveau la même erreur avec sa remplaçante. Ainsi, la Switch ne disposera que de cinq jeux à sa sortie le 3 mars. Parmi eux, évidemment, un poids lourd, incarné par Zelda : Breath of the Wild, qui sera chargé de tracter les ventes de la machine durant ses premières semaines. Il ne faut pas sous-estimer la puissance de la licence auprès des fans de Nintendo mais aussi plus largement auprès de la communauté des joueurs et même du grand public. Cependant, il pourrait bien être le seul system-seller de la machine pendant de longs mois. En effet, difficile d'appuyer le lancement d'un nouveau hardware sur un énième Just Dance, une licence qui a tendance à s'essouffler et qui est déjà disponible sur PS4 ou Xbox One , à l'instar de Skylanders : Imaginators, lui aussi prévu pour le 3 mars. Super Bomberman R sera là pour soutenir l'aspect multi de la console. Une série ancestrale, remise visuellement au goût du jour : sympathique mais loin d'être tranchant d'un point de vue marketing.

 

En ce qui concerne les premiers mois de la console, ou même sa première année, on voit mal pourquoi le constructeur aurait pris le risque de cacher un as dans sa manche.


NintendoLe problème, c'est que la deuxième lame Nintendo n'est prévue qu'en fin d'année, avec le seul Super Mario Odyssey. Entre temps, la Switch devra faire avec des titres de moindre envergure (comme SnipperClips, Has Been Heroes ou encore Arms), des licences beaucoup moins porteuses (comme Xenoblade Chronicles 2 ou Splatoon 2, qui prend le chemin d'une suite assez pauvre en nouveautés), mais aussi et surtout des remakes et des portages de vieux titres à foison. D'un point de vue marketing, lancer sa console en misant sur un Skyrim, un Ultra Street Fighter II, un LEGO Undercover ou encore un Rayman Legends est particulièrement osé, voire carrément suicidaire. Les éditeurs-tiers semblent particulièrement frileux et si EA a annoncé le retour de FIFA, on ne sait toujours pas sous quelle forme ; les dernières rumeurs évoquent d'ailleurs un portage des versions PS3 / Xbox 360 ! Dans le même temps, d'autres bruits de couloir évoquent le retour de beaucoup de jeux du catalogue de ces deux consoles, qui ont quand même plus de dix ans ! Alors oui, on peut toujours se dire que Nintendo en garde sous la pédale pour l'E3 2017 par exemple. Mais en ce qui concerne les premiers mois de la console, ou même sa première année, on voit mal pourquoi le constructeur aurait pris le risque de cacher un as dans sa manche.

 

L'OMBRE D'UN NUNCHUK

 

Nintendo SwitchIl y a toutefois un souci bien plus grave pour la Switch. Bien planqué dans le line-up de la console, on trouve un certain 1-2 Switch. Derrière ce nom rigolo se trouve en réalité une compilation de min-jeux destinés initialement à familiariser le joueur avec la console et ses manettes (à la manière de Wii Sports pour la Wii, et NintendoLand pour la Wii U). L'un des écueils de la Wii U était son concept nébuleux, que le public a mis beaucoup de temps à cerner. Pour Nintendo, 1-2 Switch est donc un enjeu important cette fois. Mais voilà qu'à la surprise générale, les journalistes ont vu resurgir le spectre du motion gaming, qui semblait pourtant évanoui avec de la Wii, et à ses côtés celui du casual gaming. Alors que Nintendo semblait clairement avoir changé ses objectifs en termes de public, en affichant une cible plus âgée, plus mâture et plus habituée aussi, 1-2 Switch fait basculer tout cela dans un flou pas franchement artistique. Mais il y a pire, Nintendo a décidé de commercialiser 1-2 Switch a un prix hallucinant de 50€, soit un tarif quasi plein-pot pour 6 mini-jeux dont on fait le tour en l'espace de quelques minutes. Suicidaire diront certains, et ils n'auront pas tout à fait tort... Pour les acheteurs potentiels, l’absence d'un line-up fort cumulé à cette menace d'un retour au casual gaming et à ses trop nombreux shovelwares de mauvaise qualité pourrait être particulièrement rebutant.

 

CHER NINTENDO

 

Nintendo SwitchCe n'est d'ailleurs pas le seul point qui pourrait faire hésiter, voire même renoncer, les joueurs intéressés par la Switch. En effet, Nintendo s'est également loupé en ce qui concerne le prix de sa machine. Il y a tout d'abord cette hésitation déconcertante : à l'heure qu'il est, on ne connaît toujours pas le prix officiel européen de la console. Elle oscille pour le moment entre 300 et 350 euros suivant les revendeurs. Une communication aberrante à un mois et demi de la sortie, mais loin d'être aussi dramatique que l'alignement choisi par Nintendo d'un point de vue économique. 330 euros, c'est actuellement bien plus que le prix à débourser pour une PS4 ou une Xbox One. L'une comme l'autre proposent un catalogue déjà très largement étoffé, avec de nombreux hits, à des prix parfois tabassés. Les éditeurs tiers sont bien présents sur ces segments, et les first-party enchaînent les gros titres (surtout pour la PS4). Manettes, interfaces, réseau : tout est déjà bien en place, familier dans une certaine mesure, éprouvé depuis quelques années déjà. Certes, la machine hybride de Nintendo se classe comme étant la quatrième console la moins chère à son lancement, mais il ne faut pas oublier que le marché est aujourd'hui archi concurrentiel. D'autant que pour beaucoup de monde, la Switch arrive sur le marché avec un retard technologique important. Nintendo semble oublier qu'il n'offre rien de tangible à un nouvel acheteur, rien de concret, si ce n'est l'échec de la Wii U et ce triste line-up annoncé pour 2017. Absolument rien ne paraît justifier ce pricetag, le prix exorbitant des accessoires ou encore le fait de devoir payer pour un titre comme 1-2 Switch, qui ne sera pas intégré au bundle de base.

 

Un deuxième échec successif pourrait-il amener Nintendo, à l'instar de SEGA, à arrêter les consoles ?


Au final, pour beaucoup d'observateurs, la Switch est une Wii U aboutie, une Wii U telle qu'elle aurait dû être à sa sortie en 2012. Et ce constat trahit une terrible vérité : encore une fois, Nintendo semble en retard, très en retard, à des années-lumières de la concurrence. Et il ne s'agit pas que d'une question de technique ou de visuels, mais aussi et surtout de vision du jeu vidéo. En témoignent cette absence de port Ethernet ou encore cette application mobile qui servira de service de chat à la console, mais aussi de matchmaking ou de lobby ! Invraisemblable, tout comme le fait de rendre le online payant, quand on connaît les déboires de Nintendo en la matière. La Switch a été la dernière console supervisée par Satoru Iwata et visiblement, l'ancien PDG de Nintendo avait choisi de ne pas jouer la carte de la rupture avec la Wii U. Un deuxième échec successif pourrait-il amener Nintendo, à l'instar de Sega, à arrêter les consoles – ou au moins les consoles de salon ? A un moment où le mobile s'avère être une nouvelle source de revenus faciles et massifs, un engrenage dans lequel Nintendo vient de mettre le doigt comme beaucoup d'autres éditeurs au Japon, la question mérite d'être posée.


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