Konami, de la BD à la PSP


Konami, de la BD à la PSP

Dans le petit monde de la PSP cohabitent plusieurs catégories d’UMD. Certains ne sont pas des jeux, ni même des logiciels de service comme Talkman ou Passport to… et sont rangés dans la famille des UMD vidéo, mais ce ne sont pas des films non plus. Il existe chez nous deux specimens de ces hybrides, et on les doit à Konami. Entre Silent Hill et Metal Gear Solid, coût modeste et licence aguichante, leur packaging vous ont peut-être déjà interpellé dans les étalages, voici donc de quoi il en retourne.


Avez-vous déjà parcouru une bande dessinée en écoutant de la musique ? Avez-vous ressenti cette sublimation de l’immersion permise par cette association ? Ce principe, insuffler une dynamique aux cases et aux bulles, est mis en application ici de fort belle façon. En stimulant numériquement et musicalement la vie à partir d’une œuvre papier, le résultat est à mi-chemin entre la lecture intimiste d’une BD et le visionnage passionné d’un film.

 

The Silent Hill Experience

 

Scénario original : Scott Ciencin

Dessin original : Aadi Salman

Prix de l’UMD : 10 €

 

Notre premier UMD est consacré à la prestigieuse série Silent Hill. Le cœur du disque, ce sont deux comics escortés par moult bonus, dont les meilleures pistes musicales de la saga sélectionnées par son compositeur au talent indéfinissable, Akira Yamaoka. Attaquons-nous maintenant à ces comics numériques. Au début de Hunger, la tendance graphique est au roman-photo. On nous peint le cadre paisible et chaleureux de la bourgade Silent Hill avant. Très accessible dans le dessin et dans la mise en scène, bien qu’au fil des pages l’un comme l’autre auront tendance à s’aggraver, la construction de ce comic est proche de celle d’un film d’horreur. La tension monte crescendo, pendant que le narrateur, un journaliste malchanceux, cultive avec esprit l’art de la descente aux enfers face à la disparition progressive de tous repères. Le second comic, Dying Inside, justifie presque à lui seul l’achat de l’UMD. Cette histoire est dotée d’un trait aussi fascinant que répugnant. Ceux qui ne sont pas habitués au design grossier du comic underground déstructuré resteront perplexes un bon moment devant ce coup de crayon illicite. Il faut dire que parmi vous et nous, nombreux sont ceux davantage habitués au dessin racé du manga. Ici, c’est un peu comme si le Character Designer changeait d’une case à l’autre.

 

Aucun code n’est respecté, il n’y a presque plus de sens de la proportion. La frontière entre l’homme et le monstre s’en trouve particulièrement diminuée ! Et c’est avec ce dessin parfois franchement hideux et génial à la fois, avec cette répulsion volontaire, que l’auteur provoque la curiosité et l’envie de s’aventurer toujours plus loin dans le trash. On est d’autant plus captivé par ce spectacle, que les scènes clés sont soutenues par les meilleures mélodies d’Akira Yamaoka. Du Main Theme (Silent Hill) au Theme of Laura (Silent Hill 2) en passant par le chef-d’œuvre laconique et glacial Room of Angel (Silent Hill 4), la jonction de l’image sale et du son magnifique crée un contraste saisissant. Certains scènes sont à revisionner plusieurs fois, tant l’histoire du Dr Abernathy et de Lauryn prend aux tripes. Installé dans le noir et dans la tiédeur de sa couette, muni d’oreillettes, les sensations sont garanties. J’insiste sur ce dessin, difforme à souhait, limite grotesque, qui contribue à générer ces sensations. Presque une apologie de la laideur. On y triture les corps et déchiquète les âmes, on y affiche des expressions inhumaines et démentes. Voici un comic underground stylisé, mais au détriment de la clarté et du confort de lecture, d’où un certain manque d’accessibilité. On peut cependant rationaliser en partant du principe que si l’on est fan de Silent Hill, c’est qu’on possède déjà en soi un certain sens de la froideur et du répugnant, une immunité naturelle à la monstruosité.

 

Metal Gear Solid : Digital Graphic Novel

 

Scénario original : Kris Oprisko

Dessin original : Ashley Wood

Prix de l’UMD : 20 €

 

Moins intéressant, Metal Gear Solid : Digital Graphic Novel ne nous fait pas découvrir les péripéties de Snake à travers des scénarii inédits, puisqu’il il s’agit ni plus ni moins du storyboard de Metal Gear Solid, le masterpiece de Kojima de 1998. L’histoire complète du jeu vidéo, lui-même aux forts accents cinématographiques, revue par Kris Oprisko qui s’est permis quelques modifications, mais que l’on se rassure, globalement les péripéties sont respectées et condensées en deux bonnes heures de lecture. Contrairement aux comics de The Silent Hill Experience, le visionnage est ici juché de temps d’accès incongrus ! Une gageure technique qui n’est clairement pas la bienvenue pour le confort de lecture et l’immersion dans Shadow Moses. Revivre le combat contre Fox Hound en Alaska est-il intéressant, sachant que tout fan aura déjà parcouru le jeu une centaine de fois ? Le dessin griffé d’Ashley Wood, métallique et vif, bien qu’esthétiquement dans le ton, doit rivaliser avec l’illustrateur original Yôji Shinkawa. Pas évident.

 

De plus, les quelques bonus à débusquer ne valent pas grand-chose à côté de l’encyclopédie déjà présente dans un Metal Gear Solid 3 : Snake Eater. Et surtout, cette nécessité d’interaction permanente (zoomer sur chaque case…) brise trop le rythme de lecture pour être cohérente. Pour  parachever le tout, Metal Gear Solid : Digital Graphic Novel est 10 € plus cher que son compatriote, donc en réel décalage intérêt/prix. Comprenons-nous bien, Metal Gear Solid et son absence totale de temps mort dans la trame, est une des plus fantastique histoire du jeu vidéo, et c’est justement parce que Kojima a toujours possédé un sens acéré de la mise en scène que l’histoire de Shadow Moses n’avait pas besoin d’être remise en scène en UMD, tant le jeu original était déjà parfaitement maîtrisé sur le plan narratif. Cet UMD apparaît comme un complément un peu inutile, à la manière de ce système qui consiste à zoomer sur chaque case pour récupérer des bribes de mémoire qui forment la galaxie Metal Gear.

 

Konami nous propose deux licences dont le dénominateur commun réside dans cet énorme potentiel narratif, et il est appréciable de voir que les scénarii sélectionnés et adaptés dans ces UMD sont franchement intéressant, et s’inscrivent très bien dans leur mythologie respective, avec des histoires inédites pour Silent Hill et le remake d’un classique pour Metal Gear Solid. Le seul point sur lequel ce dernier est mieux conçu réside dans la localisation puisque les bulles sont en français, à contrario  des comics Silent Hill qui ont conservé leurs textes d’origine, et utilisent donc un sous-titrage. Pour le reste, le contenu de Metal Gear Solid : Digital Graphic Novel laissant clairement à désirer, notre préférence va à The Silent Hill Experience, qui représente un pamphlet de qualité pour tout adorateur de cette excellente saga. Dommage que Konami n’ait pas adapté l’intégralité des comics, car il en existe cinq autres.




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Steeve Mambrucchi

le mercredi 25 octobre 2006, 19:00




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