Just Cause 4 : on y a joué 3h, comme un sentiment de déjà-vu, déjà-joué
À l’heure où Red Dead Redemption 2 cannibalise l’ensemble de l’espace médiatique et que de nombreux jeux ont préféré s’écarter de la route du bulldozer Rockstar Games, certains studios et éditeurs tentent quand même le pari de se lancer dans l’aventure de l’open world. C’est le cas de Square Enix et du studio Avalanche (Studio, pas Software) qui ont prévu de commercialiser Just Cause 4 pour le début du mois de décembre. Si ce n’est pas la première fois que le jeu est montré à la presse, cette nouvelle démo permettait en revanche de découvrir le jeu pendant près de 3 heures. Un laps de temps confortable pour vous livrer nos nouvelles impressions.
Trois ans. Cela fait déjà trois bonnes années que Rico Rodriguez n’avait plus fait parler de lui. Que le temps file. Que le temps est ingrat aussi. Car à vrai dire, même si Just Cause 3 avait réussi son pari de nous proposer un jeu bac-à-sable fun et sans prise de tête, on ne peut pas dire qu’il nous ait laissé un souvenir impérissable, faisant ainsi de lui un titre aussi amusant à jouer que vite oublié. En effet, Avalanche Studios avait fait le pari de miser sur le concept de l’open world au service du joueur, lui offrant un terrain de jeu où il peut faire ce qu’il veut, sans aucune limite, du moment qu’il prenne plaisir à utiliser les outils mis à sa disposition. Un peu comme l’a fait Nintendo avec son Zelda Breath of the Wild, où l’histoire et la narration étaient aux abonnés absents. C’est un parti-pris, aux antipodes des jeux Rockstar par exemple, qui mettent un point d’honneur à nous raconter des histoires toujours plus folles, toujours plus marquantes. Ayant conscience que ce manque d’intérêt peut nuire à la longue à sa série, les développeurs d’Avalanche Studios ont décidé d’intégrer une histoire plus poussée, plus travaillée et mieux écrite pour Just Cause 4.
ME LLAMO RICO
On se retrouve alors avec ce postulat de départ : après avoir mis fin aux agissements du général Di Ravello sur l’île de Medici, l’archipel où Rico Rodriguez a grandi, notre mercenaire à l’accent chantant continue de travailler pour son compte et se retrouve alors à combattre un nouveau groupuscule répondant au nom de la Main Noire. A sa tête, une certaine Gabriela Morales qui fait vivre un vrai cauchemar aux habitants de Solis, une nouvelle île où il faisait bon vivre avant que la dictature ne plonge le pays dans la terreur. Ayant pris parti du côté des rebelles et de Mira, la cousine directe de Gabriela, Rico s’est donc juré de faire chuter cet empire et d’empêcher le projet Illapa d’être mis en œuvre. Immense infrastructure météorologique juchée en haut des montages, cette base truffée de soldats et armée jusqu’aux dents est à l’origine de dérèglements climatiques qui engendrent de nombreux cataclysmes sur le territoire. Ouragan de force 12, tempête de sable aveuglant, blizzard ultra puissant, ces éléments ravageurs de Dame Nature sont un nouvel obstacle pour l’ami Rico. Bon, vous l’avez compris, l’histoire ne pisse pas bien loin, et en attendant de vérifier si Avalanche Studios a réellement fait un effort d’écriture, on imagine qu’il s’agit avant tout d’un – nouveau – prétexte pour implémenter quelques nouveautés pour justifier l’apparition de ces catastrophes naturelles.
CATASTROPHES PAS SI NATURELLES
Intégrer un véritable système météo dans les open world semble être la nouvelle lubie des développeurs de jeux vidéo, leur objectif étant de rendre leur jeu plus crédible et plus immersif. C’est donc dans cette optique que l’île de Solis a été façonnée, avec un terrain de jeu faisant pas moins de 1 024 km², ce qui en fait la map la plus grande jamais créée par Avalanche Studios. Assez proche de la Bolivie dans ses environnements, Solis n’hésite pas à proposer des paysages plus variés selon les régions qu’on explore. On a en effet pu se balader dans des décors de type désert aride, jungle luxuriante (beaucoup), des montagnes enneigées, des lieux plus paradisiaques avec de lagons bleu cyan et des lieux plus urbains aussi. Sans surprise, et comme c’est le cas dans beaucoup de jeux d’aujourd’hui, la map est évidemment accessible d’entrée de jeu, et il est même possible d’apercevoir d’emblée (et au loin) quelques-uns des cataclysmes auxquels il faudra faire face. Lors de notre démo, on a d’ailleurs pu expérimenter la tempête de sable, aux commandes d’un train blindé et armé d’un puissant canon histoire de repousser les attaques ennemies, qu’elles soient terriennes ou aériennes. Une mission plutôt bien rythmée, variant d’ailleurs le gameplay, puisque proposant juste après des phases de shoot à pied où Rico ne pouvait ni déployer sa wingsuit ni son parachute, la tempête le clouant systématiquement au sol. Dans un titre comme Just Cause 4 où l’intérêt premier est de s’élever dans les airs, cette proposition de gameplay boots on the ground était alors une agréable surprise, obligeant le joueur à appréhender le jeu de manière totalement différente.
Une proposition intéressante qui ne fonctionne curieusement que lors des missions scénarisées, et donc scriptées. En effet, dès lors qu’on se balade dans l’open world, ces éléments naturels perturbateurs ne posent aucun danger.
Une proposition intéressante qui ne fonctionne curieusement que lors des missions scénarisées, et donc scriptées. En effet, dès lors qu’on se balade dans l’open world, ces éléments naturels perturbateurs ne posent aucun danger. C’est le cas de la tempête de sable, dont les effets perturbateurs disparaissent en mode free-roam, permettant en effet à Rico de voler sans aucun souci. Cherchez la logique. Il en va de même avec la tornade, impressionnante elle aussi en mission scénarisée où elle ravage tout sur son passage, arrachant toitures, maison, véhicules et même avions lorsqu’elle a le malheur de passer sur l’aéroport de Nueva Voz. Là aussi, même constat dramatique, dès qu’on sort du script décidé par les développeurs pour l’histoire principale, l’ouragan ne pose plus aucun problème. Pire, on a même pu s’amuser avec, puisque dès que Rico ouvre son parachute, il est aussitôt propulsé vers les cieux, lui permettant ainsi d’atteindre des hauteurs vertigineuses. Il est tout à fait possible de rentrer dans le cœur du cyclone sans que Rico n’encaisse le moindre dégât. Au sol, notre héros-mercenaire fait mine d’être gêné par les vents violents (en plaçant son bras devant son visage en guise de protection), mais la tornade se révèle être aussi inoffensive qu’une simple bourrasque de vent. Même les maisons et autres bâtiments n’ont rien à craindre de son passage, ce qui prouve qu’une fois sorti du script défini par une mission principale, elle n’est là que pour faire joli.
PHYSIQUE DIFFICILE
Joli est d’ailleurs un bien grand mot, puisque visuellement, c’est également la déception. Le rendu de la tornade est en effet fichtrement flou, c’est aliasé de partout, jurant ainsi avec le reste du jeu qui, de toutes les façons, ne rend vraiment pas hommage aux consoles actuelles. Alors oui, c’est vrai que passer après Red Dead Redemption 2, la pilule est encore plus difficile à avaler, mais quoiqu’il arrive, l’open world de Just Cause 4 est d’ores et déjà obsolète, ce dernier s’appuyant sur les assets de Just Cause 3 qui n’était déjà pas une référence graphique il y a 3 ans. De loin, Solis peut révéler quelques jolis passages, notamment lorsqu’on s’amuse à planer au-dessus de certains lieux iconiques, d’autant que la distance d’affichage est loin d’être dégueulasse. En revanche, dès lors qu’on s’attarde sur les détails, c’est la bérézina directe. Les textures sont très peu détaillées, les éléments du décor sommairement modélisés, les intérieurs complètement vides, les animations faiblardes et les PNJ ont 3 réactions qui se battent en duel. A ce résultat déjà dépassé, il faut rajouter une mise en scène plate, sans aucune ambition, sans compter que les quelques protagonistes importants de l’histoire manquent cruellement de charisme. C’est d’une pauvreté assez alarmante pour un jeu estampillé 2018, même si l’on a conscience qu’Avalanche Studios n’a pas les mêmes moyens que les studios first-party. Un élément que le joueur lambda ne prendra même pas en compte au moment de choisir son jeu dans les rayons.
Aussi, pour se rattraper, Just Cause 4 peut compter sur son concept de jeu bac-à-sable où tout est permis. Jouissant d’un moteur qui gère assez bien la physique de n’importe quel objet, même le plus minime, le titre de Square Enix se démarque par sa faculté à utiliser n’importe quoi sous prétexte de tout faire sauter. Cela va de pair avec les nouveautés proposées dans le gameplay, et plus précisément au niveau du grappin de Rico, désormais évolutif, lui permettant de l’améliorer et d’y intégrer plusieurs compétences à la fois. En effet, en rentrant dans les options, il est désormais possible d’y greffer des ballons gonflables (comme les ballons Fulton dans Metal Gear Solid V), des boosters et une fonction rétractable, le but étant de jongler entre ces différentes mécaniques pour s’amuser avec tout ce qui nous passe par la main. Véhicules, PNJ, animaux, objet, tout est absolument destructible et tout est également personnalisable. Il est par exemple possible de vilipender un tank ennemi, lui octroyer les ballons Fulton et quelques boosters pour en faire un objet volant de destruction massive et pénétrer une base ennemie. Encore une fois, le but pour les développeurs est de permettre au joueur d’être libre totalement de ses mouvements et d’être maître de cet open world, qui n’est qu’un terrain de jeu pour tout faire sauter.
Aussi, pour se rattraper, Just Cause 4 peut compter sur son concept de jeu bac-à-sable où tout est permis. Jouissant d’un moteur qui gère assez bien la physique de n’importe quel objet, même le plus minime, le titre de Square Enix se démarque par sa faculté à utiliser n’importe quoi sous prétexte de tout faire sauter.
Au final, l’approche de Just Cause 4 est sensiblement la même que son aîné, le titre ciblant avant tout un public plus jeune qui souhaiterait s’amuser à foutre le chaos, avant même d’avoir un bon jeu bien structuré. Malgré ces ajustements et ces quelques nouveautés, il se dégage de ce Just Cause 4 comme un goût de déjà-vu, déjà-joué. Déjà-vu, parce que même si Solis propose des paysages plus variés, la topographie du terrain n’a pas beaucoup évolué. On note un peu plus de relief, mais la majeure partie de la carte respire le recyclage d’assets de l’ile de Medicis. Il en va de même pour le gameplay, finalement identique aux propositions de 2015, donnant ainsi le sentiment que la série ne fait que stagner, se refusant le droit d’évoluer pour plaire à ce public jeune, trop pressé de tout faire péter. Espérons qu’en grattant davantage, Just Cause 4 propose davantage de profondeur. Rendez-vous dans un mois pour en avoir le cœur net.