Joker Folie à Deux : vous allez détester, mais nous, on a adoré ! (Critique)
Avant de rentrer dans le vif du sujet, de vous expliquer pourquoi j'ai adoré ce Joker 2 et pourquoi je comprends qu'on puisse aussi le détester, je tenais à préciser je ne suis pas un grand fan des comédies musicales, j'en suis même allergique à vrai dire. J'ai beaucoup de mal avec tous ces films où subitement tout le monde se met à danser, à chanter, à faire des choré, ça m'ennuie et pire, ça me gêne profondément. D'ailleurs, quand Disney a arrêté de mettre des chansons dans ces films d'animations pendant un moment, j'avais apprécié la démarche, même si je dois reconnaître que ça passe mieux dans un dessin animé que dans un film en prise de vues réelles. Alors pourquoi le côté musical de Joker Folie à Deux ne m'a pas dérangé outre mesure ? Tout simplement parce que je rejoins ce que disaient Todd Philipps et Lady Gaga dans leurs interviews, le film n'est pas une comédie musicale dans le sens strict du terme. Oui, Arthur Fleck et Lady Gaga se mettent à chanter et à danser dans le film, mais contrairement aux musicals classiques et assumés, il ne s'agit que de moments de fantaisie issus de l'esprit malade du personnage de Joaquin Phoenix. C'est d'ailleurs explicité assez rapidement dans le film, que ces séquences ne sont que pure imagination et en rien ce qui se passe dans le déroulé de l'histoire.
NON, CE N'EST PAS UNE COMÉDIE MUSICALE
Autre élément qui fait que j'ai apprécié ces passages chantés, c'est sans doute le choix des chansons justement. On n'est pas sur de la création originale spécialement écrite pour le film, mais des reprises de chansons bien connues. Get Happy de Judy Garland, When The Saints Go Marching In, What The World Needs Now Is Love de Jackie DeShannon, il y a même une reprise de Ne me quitte pas de Jacques Brel, avec même le refrain chanté en français par Joaquin Phoenix, je ne vous cache pas que ces morceaux ont merveilleusement fonctionné sur moi, d'autant que Joaquin Phonix et Lady Gaga chantent eux-même chaque morceau, il n'y a pas de tricherie. Autant Lady Gaga, il n'y a aucun doute, mais Joaquin, il avait déjà été brillé dans Walk the Line, le biopic de Johnny Cash où il chantait déjà lui-même, dans Joker 2, il apporte sa touche de danseur avec sa manière si spéciale de se déhancher, un côté un peu désarticulé qu'on avait déjà aperçu dans le premier Joker de 2019. On est vraiment sur une magnifique performance, peut-être même encore plus jusqu’au-boutiste que le premier film.
Donc oui, ce côté chansons rétros qui renvoient aux grandes heures de Fred Astaire, du Blues, du Jazz et même du Gospel, ça a parfaitement fonctionné avec moi et je ne partage pas l'avis de certains journalistes qui disent que ça arrive comme un cheveu sur la soupe, que ça s'intègre jamais au récit, bien au contraire justement, chaque chanson qui démarre renvoie à un choc émotionnel d'Arthur Fleck, qu'il s'agisse de mauvais moments dont il se rappellent ou d'un songe éveillé, chaque chanson est dictée par une émotion et c'est en cela que j'ai trouvé ça beau. Joker Folie à Deux est un film qui a de l'audace, qui prend tout le monde à contre-pied, alors qu'il aurait pu très bien se reposer sur ses lauriers et carrément donner ce que le public voulait, c'est-à-dire nous livrer une suite qui aille plus loin dans la violence, dans l'iconisation du plus grand antagoniste de Batman, en rattachant même son histoire à l'arc du DCU, ou du moins celui du Batman de Pattinson et de Matt Reeves, chose que beaucoup de fans espéraient. Mais ça n'a jamais été l'intention de Todd Philipps. Et c'est en cela que je trouve que le film est intéressant, car il brise les codes, les attentes aussi, comme l'a été le premier épisode il y a 5 ans quelque part, qui ne s'incrivait en rien à un film de super-héros avec les codes et les standards habituels. Vous vouliez plus d'action ? Vous aurez un film de procès, sur l'univers carcéral aussi, le tout saupoudré de chansonnettes, mais avec un message sur la maladie et le rejet de l'autre toujours aussi fort.
AMOUR & TRAHISON
Le premier film était un film sur la maladie, le mal-être d'un homme rejeté par une société qui juge avant même de connaître, sa lente descente dans la violence. Dans Joker 2, on va continuer à explorer cette piste, avec cependant l'arrivée d'un 2è personnage, celui de Harley Quinn, qui va lui permettre de connaître l'amour et essayer de faire ressortir en lui sa véritable personnalité. Sauf que cette fois-ci, il y aura une morale plus évidente à la fin du film, chose qui manquait visiblement pour Todd Philipps, qui a donc réajusté son discours. Harley Quinn, véritable groupie du Joker, est d'ailleurs tournée en dérision dans le film, un peu comme toutes ces femmes fascinées par les grands criminels de notre société. Inutile de revenir sur l'affaire de Nordhal Lelandais qui est devenu papa alors qu'il est incarcéré pour son crime ignoble. La réalité est bien plus sordide parfois que les films qu'on regarde... Vous l'avez compris, Joker Folie à Deux est une critique acerbe du culte de la personnalité, du dédoublement de la personnalité aussi que l'avocate d'Arthur Flack, merveilleusement jouée par Catherine Keener que j'avais personnellement par revue depuis Sicario 2 et qui mériterait un come-back à Hollywood comme Toni Colette d'ailleurs. Alors concernant Harley Quinn, j'entends les critiques vis-à-vis du personnage, qu'elle est finalement sous-exploité dans le film. Je comprends la déception, mais son rôle reste néanmoins majeur dans la construction et surtout la déconstruction d'Arthur Fleck. C'est elle qui va lui donner confiance, mais c'est elle aussi qui va causer sa chute et c'est aussi en cela que je trouve la relation entre les deux intéressantes. Elle est à la fois son médicament, mais aussi son poison...
Concernant la technique du film, on retrouve la même cohérence artistique que le premier Joker. L'ambiance est toujours aussi froide limite glaciale, d'autant qu'on y ajoute l'univers bien glauque de l'univers carcéral de l'Asile d'Arkham, mais justement, tout cela participe à ce mal-être permanent dont est victime Arthur Fleck. Il y aura cependant quelques passages plus lumineux, plus colorés, lors des passages chantés justement, ces moments suspendus où Arthur Fleck essaie d'échapper à sa vie misérable. La mise en scène de Todd Philipps est maîtrisée, certes sobre et sans fioritures, mais je l'ai trouvé élégante. Certains diront qu'il a tendance à chercher le beau plan, et personnellement je trouve que ça fonctionne très bien. Comme ça, de tête, je me rappelle du plan aérien avec les parapluies colorés qu'on a vu dans les bandes annonces et qui font références aux Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, mais je me souviens aussi d'Arthur qui allume sa cigarette dans sa cellule, plongé dans la pénombre, tout comme ce passage où il est projeté au mitard et que la seule source de lumière frappe son visage en détresse, parce qu'il vient de se faire violenter, voire même violer par les matons de l'Asile d'Arkham. Oui, certains thèmes ne font pas plaisir à voir ni entendre, et la performance incroyable de Joaquin Phoenix mériterait qu'on lui donne un second Oscar tellement il est habité par le personnage.
DANS L'OMBRE DU JOKER DE 2019
Le seul vrai gros reproche que je ferai sur le film, c'est qu'il n'arrive pas vraiment à s'extirper de l'ombre de son prédécesseur, trop puissant pour lui laisser la place de respirer. Et c'est aussi une suite qui n'a de cesse de renvoyer vers le premier, que ce soit dans certains flashbacks, dans ses scènes aussi où on retrouve des lieux qui ont déjà été iconisés dans le premier film. La scène des escaliers dans le Bronx, c'était pas la peine de la refaire, tout comme certains thèmes musicaux qui reviennent aussi. Le That's Life de Frank Sinatra, certaines compostions de la violoncelliste islandaise Hildur Guðnadóttir qui sont repris aussi dans cette suite, il y a trop de renvois au premier épisode et c'est ça qui lui fait défaut. Todd Philipps fait donc son auto-critique dans cette suite audacieuse, mais qui ne plaira pas à tout le monde. Mais comme vous le savez, quand une oeuvre divise autant, mieux vaut se faire son prope avis.