Interview Hideki Konno
Producteur de Nintendogs, Hideki Konno est aussi connu pour être le créateur de la mythique série des Mario Kart. Présent sur le stand de Nintendo lors de la Game Convention 2005, il en a profité ensuite pour faire un saut à Paris et répondre à nos questions. Compte-rendu de notre tête à tête.
Diplômé du "Département Traitement des Données Informatiques" du Japan Electronics College, Monsieur Hideki Konno est entré chez Nintendo en avril 1986. Très vite, on lui a confié de grands projets tels que Super Mario Kart sur Super Nintendo, Mario Kart 64 ou bien encore Luigi’s Mansion pour ne citer que ces titres. Il est aujourd’hui responsable et producteur de l’équipe Software Development Group No.1 à l’intérieur du "Département de Développement des Jeux de la division EAD" (Entertainment Analysis & Development).
JeuxActu : Comment l’idée de développer une simulation de chiots vous est-elle venue ? Hideki Konno : Bien avant qu’on n’entende parler du hardware de la DS, nous étions déjà en train de plancher sur Nintendogs. La DS est une console unique : elle dispose d’un écran tactile, d’un stylet, d’un microphone et d’un double écran, il était donc important pour nous d’utiliser toutes ses fonctionnalités dans un seul et même titre. C’est ainsi que l’idée de créer un jeu mettant en scène des chiots avec lesquels il est possible de rentrer en contact dans le sens propre du terme, nous est arrivée. Il fallait que ce jeu soit simple et attractif en même temps. Nintendogs n’est pas un jeu comme un autre, je suppose que son développement a été, lui aussi, différent de ce qui se fait en général et notamment d’un point de vue technique. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce propos ? Oui c’est vrai. Nous avons dépensé énormément d’énergie et de temps à faire des recherches sur les chiots, savoir comment ils se comportent seul ou en groupe. J’adore ces animaux et j’ai moi-même un chien à la maison. Je me suis amusé à le regarder pendant des heures pour étudier son comportement et nous avons demandé aux autres membres de l’équipe de développement d’en faire autant. Même Shigeru Miyamoto, mon Boss, s’est prêté à ce petit jeu (rires). En revanche, d’un point de vue technique, le développement de Nintendogs n’a pas été plus handicapant qu’un autre jeu lambda. Non, en fait la plus grande difficulté a été de décider de choisir ce qu’on allait faire de Nintendogs, les différents choix, l’expérience que le joueur éprouverait en jouant au jeu. En y réfléchissant bien, il est vrai que le "sleep mode" de Nintendogs a été une partie assez ardue à mettre en place puisque même en mode veille, les DS continue d’émettre des données au cas où elle rencontrerait un autre joueur disposant de Nintendogs. Comment s’est porté votre choix sur la sélection des différentes races de chiots ? L’avez-vous fait selon vos goûts ? Je dois avouer que j’ai mes préférences et que j’ai choisi certaines races de chiots selon mes goûts mais nous avons également établi notre choix selon les données mises à disposition à partir des associations canines présentes au Japon et en Europe. Par exemple chez nous, Miniature Dachshund est la race de chiens la plus appréciée de l’opinion publique japonais. Nous nous sommes donc basés sur ces informations pour satisfaire un maximum de personnes. Nous avons en effet remarqué que Nintendogs sortira aux Etats-Unis avec des races de chiens différentes des versions japonaises. Doit-on s’attendre à de nouvelles races pour l’Europe ? Nous avons appris en fait que les Etats-Unis et l’Europe partagent les mêmes goût, donc il n’y aura aucune différence concernant les différentes versions du jeu entre ces deux pays. Peut-être que les jaquettes changeront mais c’est à confirmer. Au japon, il existe au total 15 races de chiots distinctes et pour l’Europe, nous avons décidé d’en ajouter trois de plus : Boxer, Syberian Husky et Golden Retriever. Nintendogs rencontre un vif succès au Japon mais aussi aux Etats-Unis mais le jeu n’a finalement rien de révolutionnaire. Dix ans plutôt, un jeu sur PC répondant au nom de Catz & Dogz avait déjà lancé ce concept. Vous êtes-vous inspirez de ce jeu pour mettre au monde Nintendogs ? Nous n’avons nullement pris en compte Catz & Dogz comme inspiration pour Nintendogs, ni même les autres simulations d’animaux existantes. Il est vrai qu’au départ, nous avons pensé introduire plusieurs types d’animaux comme les chats au moment de développer le concept original de Nintendogs. Mais notre jeu est radicalement différent des autres, ce n’est pas un virtual pets simulator mais davantage un logiciel de communication entre le maître et ses chiots. Dans Nintendogs, les chiots ne grandissent jamais et donc ne meurent pas. Nous en venons d’ailleurs à ma prochaine question. Pourquoi avez-vous décidé de ne pas les faire grandir ? Est-ce pour garder l’aspect "mignon" de ces chiots ? Hideki Konno : Nous avons énormément pensé à ce détail durant le développement de Nintendogs. En réalité, nous voulions que les joueurs gardent un certain d’esprit et qui ne soient pas stressés par le fait de nourrir ou de s’occuper de leurs animaux à une certaine heure, afin qu’ils soient en bonne santé. On a souhaité privilégier l’aspect de communication et de dressage pour proposer une expérience nouvelle aux joueurs et joueuses. Avez le online, comptez-vous proposer du contenu téléchargeable pour Nintendogs ? Hideki Konno : Depuis que la DS est capable de se connecter, plusieurs choses sont possibles techniquement. Au Japon, nous disposons d’un service interactif qui permet de télécharger des données pour leur console DS. Pour Nintendogs, il sera de s’échanger ou de télécharger des items pour habiller vos chiots ou bien encore jouer avec. Avez-vous réussi à intégrer toutes vos idées dans Nintendogs ou reste-il des choses encore que vous aurez aimé introduire dans le jeu ? De manière générale, lorsqu’on termine la production d’un jeu, il reste toujours des idées que l’on n’a pas pu exploiter. Mais un jour ou l’autre, nous devons nous décider et faire l’impasse sur certains éléments pour terminer le développement. Ce fut également le cas pour Nintendogs mais je vous rassure, le jeu est à l’image de ce que nous voulons proposer aux joueurs. Nintendogs est très apprécié par la gent féminine. Avez-vous pensé à ce public lorsque vous avez lancé la production ou est-ce une coïncidence totale ? Hideki Konno : Ce n’est pas une coïncidence et cela va de pair avec la vision que nous avions lorsque nous avons développé le hardware de la DS. La Nintendo DS est une console unique et elle a pour but d’agrandir le cercle des joueurs de façon générale. Et cette mission rejoint celle de Nintendogs, qui devait aussi intéresser un nouveau public, aussi bien les hardcore gamers que les joueurs occasionnels. Le public féminin était donc l’une de ces nouvelles cibles à atteindre. Vous êtes aussi connu pour être le papa de Mario Kart et ma prochaine question concerne Mario Kart DS. La conduite de ce dernier semble se rapprocher des anciennes versions (Super Nes et N64) avec le retour du fameux saut qui avait disparu dans Mario Kart : Double Dash!! Vous êtes-vous rendu compte qu’il manquait quelque chose ou que le public n’était pas satisfait de la conduite de Mario Kart : Double Dash!! ? Il existe plusieurs épisodes de Mario Kart et à chacun d’entre eux, nous nous sommes efforcés de créer de nouveaux aspects. Ce fut le cas pour Mario Kart : Double Dash!! qui intégrait pour la première fois le concept de la conduite en tandem. Nous nous sommes donc focalisés sur cet aspect et le saut n’était donc plus un élément primordial dans la conduite. Pour Mario Kart DS, nous avons intégré le Retrop Cap, qui permet de concourir sur quelques uns des circuits disponibles dans les anciens épisodes de Mario Kart. Mario Kart DS ne se joue pas au stylet. Est-ce un choix volontaire ou pensez-vous que l’utilisation du stylet dans un jeu de courses est inconcevable ? Lorsque nous avons lancé le développement de Mario Kart DS, notre but était de proposer la meilleure conduite possible avec les différentes possibilités de la console. Pour Super Mario Kart 64 et Mario Kart : Double Dash!! nous avons fait appel au stick analogique qui semblait être un choix logique. Pour être franc avec vous, je pense que la meilleure façon de jouer à Mario Kart est d’utiliser la croix directionnelle qui s’adapte mieux à la conduite. On peut ainsi exécuter beaucoup plus facilement les dérapages ou provoquer les mini-boosts et les sensations sont ainsi bien meilleures. Pour Mario Kart DS, il était évident qu’on allait mettre le stylet de côté. La connexion Wi-Fi de la DS fonctionne relativement bien. On pense maintenant à sa connexion online et à plusieurs reprises, nous avons entendu que cette nouvelle fonctionnalité sera révolutionnaire, en permettant à TOUS les possesseurs de la console de se connecter en ligne. Comment comptez-vous relever ce pari ? Hideki Konno : Notre but est effectivement de donner envie aux possesseurs de la DS de jouer en ligne et nous mettrons tout en notre pouvoir pour que cela soit possible. Au Japon, nous avons d’ores et déjà commencé à mettre en place plus de 1000 relais à l’extérieur, au cas où l'on ne disposerait pas de relais Wi-Fi chez soi. Nous voulons également que la connexion soit la plus simple possible afin de permettre à quiconque de se connecter et être intéressé par cette fonctionnalité. Comme l’a dit Satoru Iwata, le Président de Nintendo, nous devons donner envie à tout le monde de jouer en ligne. C’est un pari que nous nous sommes donnés et nous sommes persuadés de le réaliser dans les années à venir. Nintendo ne s’est guère intéressé au online jusqu’à présent. Pensez-vous vraiment que le futur du jeu vidéo se trouve dans le jeu en ligne ou est-ce plutôt une façon pour vous de rentrer dans la course face à Microsoft et Sony qui ont pris de l’avance ? En matière de online, nous nous sommes jamais vraiment comparés à Microsoft ni à Sony qui ont une vision très différente du online. Sony suit le même schéma que Microsoft et il n’y a donc pas de compétition entre nous. En d’autres termes et si on veut en faire une métaphore, Nintendo essaie d’atteindre le sommet de la montagne A tandis que Microsoft et Sony tentent de rejoindre le pic de la montagne B. Donc, à aucun moment, nous serons amenés à nous rencontrer. Certes, mais mettons de côté la comparaison entre Nintendo, Sony et Microsoft. Pensez-vous franchement que le futur du jeu vidéo sur consoles est indissociable du online, comme aime le dire Microsoft ? Ne pensez-vous pas que les joueurs sur consoles s’en contre-fichent finalement, étant donné le faible taux de joueurs en ligne ? Le online peut être l’une des directives futures que le jeu vidéo doit suivre mais il ne représente pas tout. Il y a encore d’autres choses à explorer en matière de gameplay et Nintendo compte bien faire le maximum pour développer le online sur la DS. Nintendo a toujours permis, d’une manière ou d’une autre, à faire évoluer le jeu vidéo d’une façon générale. Pensez-vous que vous garderez toujours ce même état d’esprit même si la concurrence est de plus en plus difficile ? Oui, oui, oui, oui et oui ! (Hideki Konno éclate de rire) C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Shigeru Miyamoto et moi-même continuons à développer des jeux. C’est vraiment primordial pour nous !
Merci.