EXCLUSIF : BioShock
Passé de l’anonymat à la célébrité depuis System Shock 2, FPS culte s’il en est, le studio Irrational Games s’est également fait remarquer quelques années plus tard avec Tribes Vengeance. Bien habitué des FPS sur PC, le studio mené par le charismatique Ken Levine est plongé depuis plusieurs années maintenant en eaux troubles, celles de BioShock, un projet jalousement gardé par ses concepteurs qui ont pris le temps de remonter à la surface le temps d’une présentation dans leurs locaux situés à Boston. C’était le 12 mars dernier.
Interview vidéo Ken Levine (BioShock)
Ancien scénariste pour la Paramount, Ken Levine s’est rallié à la cause du jeu vidéo en 1995, non pas par conviction et passion mais pas échec. Trop jeune pour plaire aux producteurs d’Hollywood, son script finira comme beaucoup d’autres… dans une corbeille. Levine rejoint alors aussitôt la société Looking Glass où il officiera comme game designer sur Thief : The Dark Project, sorti sur PC en 1999. Parce qu’il considère que l’industrie du jeu vidéo a de très beaux jours devant elle et que le Septième Art piétine depuis plusieurs années, l’auteur rejeté décide de fonder sa propre boîte qu’il nommera Irrational Games. System Shock 2 sera le premier jeu développé sous sa tutelle, bien avant la mise en chantier de Tribes Vengeance, la série loufoque Freedom Force puis celle de SWAT 4. Des titres qui ont plus ou moins marqué leur genre et leur époque mais rien de bien transcendant dans le fond. Avec BioShock, Levine veut prouver au monde entier que gameplay intelligent et scénario solide peuvent faire bon ménage, et avec son expertise en la matière, il y a de fortes chances pour que le résultat soit à la hauteur de sa réputation.
Welcome home
Comme de nombreuses présentations, celle de BioShock s'est faite dans le noir, le plus complet si possible, de façon à s’imprégner de la noirceur de son histoire. Car s’il y a bien un point sur lequel Levine reste le plus discret possible, c’est bien le scénario de BioShock et notamment concernant le sujet que le joueur incarne. Ce n’est malheureusement pas ce passeport qu’il tient dans la main au moment de la cinématique d’introduction qui nous donnera davantage d’indications, ni encore cette photo qu’il contemple la clope à la main. Ce moment de détente sera de toutes les manières interrompu par le crash de son avion. Coup monté ou simple accident ? Toujours est-il qu’après avoir réussi à remonter à la surface et éviter les flammes qui l’entouraient, notre personnage se retrouve au seuil d’un phare dont la porte entre-ouverte est une incitation explicite à la découverte. C’est l’unique chemin à emprunter après avoir contemplé les débris de l’avion sombrer au fin fond d’un océan, pourtant calme et éclairé par un chouette clair de lune. Aussi bizarre que cela puisse paraître, chaque pas de notre anonyme est éclairé, comme si sa venue était attendue. A l’intérieur, un bathyscaphe va le mener tout droit à Rapture, une ville sous-marine où les habitants côtoient la faune et la flore marines, où les baleines déambulent avec sérénité entre les immeubles éclairés par les néons des panneaux publicitaires...
Afin de rendre la plongée de notre personnage plus agréable, une vidéo lui est projetée avec en guise d’animateur vedette un certain Andrew Ryan. Nul besoin de se poser la question plus longtemps, la vanité de ce Ryan nous permet d’apprendre qu’il n’est autre que le créateur de Rapture, cette ville immergée par les eaux et dont le slogan "Tout est possible, tout est permis" permet de se faire une première idée de ces lieux à première vue idylliques. Le hall d’entrée où se mélangent ballons, cotillons, masques de carnaval et autres pancartes "Happy New Year" témoignent d’un événement festif, mais le silence plombant et la désertion visiblement précipitée des lieux laissent place à l’émergence de nouvelles questions. Les premières réponses ne tardent pas à arriver puisque notre personnage est peu après le témoin oculaire d’un meurtre qui finira bien évidemment dans un bain de sang. "So you are the new guy", lancent cette meurtrière étrange avant de se jeter comme une forcenée sur le monte-charge qui tiendra finalement sous ses assauts. La présence de notre personnage au sein de Rapture apparaît de moins en moins hasardeuse et prisonnier d’une situation qu’il ne contrôle pas, le joueur va devoir s’avancer dans les méandres de cette cité sous-marine pour en savoir plus sur sa personne. Intrigant, oui.
L’Adam de fer
Un peu comme l’excellent film d’Andrew Niccol, Bienvenue à Gattaca, la ville de Rapture a été érigée pour fuir le monde extérieur, en proie à la destruction où les stigmates de la Seconde Guerre Mondiale n’ont pas encore été pansés. Dans ce paradis utopique, on pratique l’eugénisme, non pas par des manipulations génétiques (la science n’étant pas encore au point à cette période) mais grâce à une limace d’eau capable de régénérer les tissus endommagés. Après plusieurs expériences, les scientifiques de Rapture découvrent que cette créature est également capable d’améliorer les capacités de l’être humain. L’Adam est créé et aussitôt mis en vente. Entre temps, des expériences douteuses donnent naissance aux Little Sisters, des fillettes à l’aspect cadavérique, capables de produire de l’Adam à partir de sang humain. L’évolution est possible et c’est cette découverte qui va être à l’origine de la destruction de Rapture. Car très vite, tous les citoyens de Rapture veulent goûter à cette substance qui offre bien des miracles. Eclate alors une guerre entre les habitants et l’armée qui se livrent une bataille sanglante jusqu’au réveillon du
On en saura pas plus sur l’histoire mystérieuse qui entoure BioShock, véritable actrice de ce jeu qui n’a qu’une seule envie : donner un bon coup de pied dans la fourmilière FPS, histoire de faire bouger le genre et pourquoi pas s’ériger comme l’un des pionniers du grand changement. Pour ce faire, Ken Levine s’est entouré de ses meilleurs acolytes, ceux qui ont permis à System Shock 2 de devenir ce qu’il est aujourd’hui, à savoir un titre respecté à bien des niveaux. L’agencement "avancer, tirer, activer un levier, avancer, tirer, activer un autre levier", trop peu pour lui. Levine veut se débarrasser de ce carcan dans lequel le FPS est piégé depuis trop longtemps. BioShock souhaite ainsi arracher cette camisole aussi bien par la force qu’avec intelligence. Ce n’est donc pas pour rien que les environnements ont été pensés pour fonctionner avec les différents personnages du jeu. Chaque élément que notre héros anonyme pourra glaner au fil de son avancée dans Rapture a son utilité, et il faudra parfois choisir un pouvoir au détriment d’un autre. Car comme on a pu le remarquer dans les quelques trailers diffusés depuis son annonce, BioShock baigne dans le fantastique et cette fameuse substance l'Adam, une fois injectée, offre des pouvoirs monstrueux. Le premier baptisé Vortex permet au joueur de balancer des décharges électriques, paralysant n’importe quel intrus. L’incinérateur en revanche permet d’enflammer n’importe quelle matière organique juste en claquant des doigts. La classe totale ! Quant au dernier pouvoir révélé, il s’agit de la télékinésie qui permet au héros d’attraper tout ce qu’il souhaite, juste par le biais de la pensée. Sur le terrain, ce pouvoir fait immédiatement penser au Gravity Gun de Half-Life 2. La ressemblance est bien évidemment de mise, mais BioShock va plus loin puisque chacun de ces pouvoirs réagit en fonction des éléments du décor.
Effets variables
C’est en cela que BioShock a des liens de parentés avec System Shock 2, puisque le jeu propose également des environnements ouverts où certains passages requièrent de la jugeote pour être débloqués. Il va falloir composer avec le décor, fouiller le moindre recoin, ne laisser aucun élément nous échapper, sous peine de rester figé à un même endroit. Le joueur n’est jamais guidé, à aucun moment. Levine estime que prendre le joueur par la main, lui mâcher le travail n’a rien d’instructif. A lui de faire fonctionner sa cervelle, quitte à rester bloquer plusieurs heures face à une énigme. Cette liberté concerne également les combats que Ken Levine considère comme dynamiques. A l’instar d’un épisode de Hitman, il existe différentes façons d’appréhender une situation, il ne tient qu’au joueur de prendre en compte l’environnement, d’étudier le comportement des ennemis et de s’adapter au dispositif. Pour prouver sa bonne foi, Levine demande à l’un de ses acolytes de nous faire une petite démo. Jouer une même séquence de trois manières différentes, voilà le challenge de la matinée. Un défi relevé haut la main puisque le gameplay émergent de BioShock a été constitué pour que chaque situation rencontrée offre plusieurs possibilités. L’intelligence artificielle dans BioShock fait d’ailleurs partie inhérente de ces multiples choix et ce n’est pas parce qu’un ennemi nous apercevra au coin d’une pièce qu’il se jettera nécessairement sur nous, toutes griffes dehors. Cette autonomie, cette relation que possèdent les autres protagonistes entre eux et qui devait d’ailleurs être exploitée dans le récent STALKER prend enfin forme dans BioShock. Et pour nous nous prouver qu’il ne s’agit pas de simples scripts, un des nombreux pouvoirs du jeu permettra de provoquer des duels entre différents ennemis. Le système de piratage qui, apparaît à l’écran sous forme de puzzles, approfondit davantage cette interaction entre tous ces personnages et permet souvent de renverser une situation à son avantage. Car il faudra ruser pour survivre dans l’univers de Rapture, certes en déclin mais que les inventions du Dr Steinman rendent peu fréquentable.
Les ennemis dans BioShock se classent en trois catégories pour l’heure : les Splicers, les Big Daddy et les Little Sisters. Ces deux derniers sont un peu particuliers puisqu’ils fonctionnent toujours en binôme et sont inséparables. Ils entretiennent une relation père-fille assez prononcée, un peu perverse et malsaine il est vrai, pour reprendre les mots de Ken Levine, ce qui empêche notre héros d’approcher les Little Sisters comme il le souhaite. Il n’est d’ailleurs pas le seul à s’intéresser à ces drôles de fillettes se baladant avec une seringue, outil indispensable pour récupérer le sang des victimes et le transformer en Adam. D’ailleurs, en parvenant à détruire un Big Daddy – un exercice qui ne sera pas de tout repos – le joueur aura le temps d’un instant le pouvoir de Dieu, le droit de vie ou de mort face à ces jeunes filles sans défense et tétanisée par la présence de ce héros mystérieux. X ou Y s’affiche à l’écran, "Rescue" ou "Harvest", sauver ou tuer. Faire le Bien ou faire le Mal ? Un choix bien cornélien quand on sait que quelque soit la décision, elle aboutit à une récompense. Le joueur sera alors partager par l’envie de récupérer le maximum d’Adam, lui permettant d’accéder à de nouvelles capacités ou à l’inverse, écouter les "sages" paroles du professeur Tenenbaum, suppliant notre "sauveur" anonyme de ne pas envoyer ces Little Sisters à la mort, lui promettant par la même occasion une récompense digne de ce nom. Le joueur est libre de son destin. Paradoxe de la situation, c'est en choisissant le Bien, de sauver cette jeune fille que l'image sera la plus violente. Un électrochoc visuel puisqu'on assistera à un exorcisme aux premières loges avec tous les cris lugubres qui vont avec. Flippant.
Portée par une réalisation impressionnante mais surtout originale, l’histoire de BioShock est tient en haleine, tout comme ce gameplay dynamique plein de promesses. Ken Levine veut transporter le joueur dans une expérience à la fois visuelle et émotive. Et parce qu’on a pu, entre temps, avoir le jeu en mains il y a quelques jours, on pourra vous confirmer tout le bien que l’on pense de ce jeu d’ici un mois, le 23 juin plus précisément.
La sortie de BioShock est prévue pour le 31 août sur PC et Xbox 360.