De Arx Fatalis à Dishonored 2, comment Arkane est devenu un studio qui compte [DOSSIER]
Quand on parle jeu vidéo hexagonal, on évoque souvent la scène indé française. Pour ce qui est des jeux de plus grande envergure, ce sont les noms d'Ubisoft ou de Cyanide qui remontent dans les conversations. Mais depuis quelques années, un autre studio tricolore a émergé dans la sphère du triple A, avec un succès surprenant. Ce studio, c'est Arkane, une équipe qui est entrée dans la lumière avec la sortie de Dishonored en 2012, après quelques titres intéressants mais hélas plus confidentiels. Avant l'arrivée des nouvelles aventures de l'assassin Corvo, nous sommes allés à Lyon pour rencontrer plusieurs membres du studio et découvrir la recette de leur succès.
"Durant l'E3, on est allés sur le stand de six mètres de haut, il y avait Prey d'un côté, Dishonored 2 de l'autre. C'était le notre, celui des petits Français au milieu des Américains". Cette phrase de Romuald Capron, directeur général des studios Arkane, suffit à résumer l'évolution vécue par la société durant ces cinq ou six dernières années. Créée en 1999 à Lyon, elle porte depuis une certaine vision de ce qu'on appelle aujourd'hui l'immersive sim. Un genre dont les origines remontent notamment à des titres comme System Shock ou encore Deus Ex, sur lesquels Raphaël Colantonio, le fondateur d'Arkane, et Harvey Smith, son creative director, ont tous deux travaillé. Un genre dont Dishonored et sa suite se veulent héritiers.
Entre 1999 et 2012, l'ascension d'Arkane n'a pas toujours été une partie de plaisir. « On a eu quand même des années difficiles, où le côté indépendant était difficilement compatible avec le triple A... Il faut réfléchir six mois avant la sortie d'un jeu ce que tu vas faire après. Il faut vendre ton jeu. C'est très stressant d'être indépendant. Et si jamais tu n'arrives pas à vendre ton projet, bah, t'as rien », se remémore Christophe Carrier, lead level-designer du studio. Arx Fatalis, le premier jeu du studio sorti en 2002, a beau être un très méritant successeur de la saga Ultima, il récolte surtout un succès d'estime. Il réussit toutefois à ouvrir de nouvelles portes à l'équipe lyonnaise, puisque le prototype de sa suite tapera dans l’œil d'Ubisoft pour devenir Dark Messiah of Might & Magic en 2006. Un deal loin d'être avantageux pour ses ouailles d'après Raphaël Colantonio, mais un pas en avant tout de même qu'il ne regrette pour rien au monde. « Les gens veulent toujours partir du point A et arriver au point B directement, mais en réalité, tu avances de deux pas et tu recules d'un. Chaque petit succès entre le point de départ et l'arrivée compte, même si ce sont de demi-échecs. Ça mène quelque part », explique-t-il à Polygon en 2012.
Et l'histoire d'Arkane est jalonnée de ce genre de péripéties. Peu avant la sortie de Dark Messiah s'ouvre une deuxième entité de développement, à Austin, au Texas. L'entreprise prend une ampleur nouvelle et vise donc plus haut avec The Crossing. Lui, c'est le grand rendez-vous manqué par Arkane. Un titre très ambitieux, sur lequel ses membres travaillent d'arrache-pied avec Valve pendant plusieurs années. Un jeu qui mélangerait solo et multi en laissant les joueurs incarner les NPC, qui se déroulerait dans deux Paris, l'une réaliste et l'autre dystopique où les Templiers auraient pris le pouvoir. D'après les dires de Raphaël Colantonio, The Crossing a été très proche de se concrétiser mais il est finalement annulé, tout comme le spin-off de Half-Life 2 consacré à Ravenholm que Valve lance chez Arkane. Pour survivre, le studio se charge donc de side-projects pour des productions tierces : le multjoueur de Call of Duty : World At War ou les niveaux de BioShock 2 font partie de ceux-là. Dans tous les cas, dans tout ce qui est entrepris, on aperçoit déjà les éléments essentiels de la recette Arkane : la caméra subjective, les composantes jeu de rôle et narration, une certaine liberté et un univers visuel très marqué.
Puis intervient ce que Sébastien Mitton, le directeur artistique d'Arkane, appelle la « déflagration » Dishonored. Le jeu fait d'abord passer Arkane dans le très grand bain, puisque Bethesda (et sa maison-mère Zenimax), alors éditeur du jeu, propose de racheter le studio en cours de développement. Le deal se conclut en 2010. « Ce qu'on a aimé chez Bethesda, c'est qu'ils nous ont laissé faire ce qu'on voulait. Ils ne sont pas venus nous chercher pour nous faire exécuter un projet, ils sont venus nous chercher pour ce qu'on savait faire. C'est pour ça qu'on leur a vendu Arkane. Ce sont des développeurs, ils comprennent exactement ce qu'on fait. On a commencé la collaboration sur Dishonored en tant qu'indépendant. Et en milieu de projet, ça se passait tellement bien, ils nous ont demandé si ça nous intéressait de vendre notre boîte », explique Christophe Carrier. Le jeu sort à la fin de l'année 2012 et, peut-être pour la première fois dans l'histoire d'Arkane, c'est un triomphe critique ET commercial.
Dishonored (dont vous pouvez lire le test dans ces colonnes) raconte les aventures de Corvo Attano, garde du corps de l'Impératrice des Îles, qui se voit accusé du meurtre de cette dernière dans le cadre d'un coup d'Etat. Entre vos mains, Corvo va œuvrer pour défaire les putschistes et remettre Emily Kaldwin, la légitime héritière du trône, au pouvoir. Mais les moyens pour y arriver, restent eux, de votre ressort. C'est là une des autres ficelles du jeu selon Arkane : une grande liberté d'action, de style et d'approche pour atteindre son but. « On fait le jeu pour un vaste casting de joueurs. Autant pour le YouTubeur très rapide bourrin qui fait des moves de maboule, qui te torche un niveau en deux minutes en speed-run dans un ballet de sang que pour le joueur plutôt sneak, qui va observer qui va jouer l'assassin dans l'ombre », analyse Sébastien Mitton, « Christophe dit souvent que certains veulent jouer le jeu tandis que d'autres veulent le casser. Ça veut pas dire le faire crasher. Ça veut dire lui rentrer dans le lard. Il a le droit, il peut, on lui permet de faire ça [...] Nous on fait le jeu pour tous ».
Bien entendu, envisager le jeu vidéo de cette façon implique de donner d'énormes responsabilités au joueur. Il peut très bien apprécier les mécaniques les plus basiques de Dishonored et s'en contenter pour apprécier le jeu. Mais celui qui attend plus sans s'impliquer davantage peut passer à côté de beaucoup de choses.« Dishonored, c'est un jeu qui s'explore. Les runes pour les pouvoirs, il faut aller les chercher. En y allant, on va tomber sur de nouveaux trucs. C'est un outil. Les runes, on les utilise pour pousser le joueur à explorer et à sortir des sentiers battus. […] Nous, évidemment, on préfère qu'il explore un peu plus. Mais la durée de vie du jeu est très variable suivant comment on approche le jeu. Certains vont lire les bouquins, regarder les gravures, parce que t'as du story-telling un peu partout. Nous on prend soin de ça, on essaie de faire des petites scènes qui s'auto-référencent les unes les autres. Quelqu'un qui suit, qui essaie de creuser il va trouver plein de petites histoires, de petites correspondances. Quelqu'un qui va tout droit passe un peu à côté », détaille ainsi Christophe Carrier, peut-être moins catégorique que Sébastien Mitton sur ce point.
Ce story-telling omniprésent, cette narration environnementale est une des autres originalités de Dishonored. Tout comme sa suite, c'est un jeu qui se raconte à travers l'observation, la lecture, l'attention portée aux détails. Cette démarche est le résultat d'un travail très organique, qui amène toutes les équipes créatives à travailler ensemble, à s'influencer les unes les autres, à rebondir sur le travail des collègues. « Pour Dishonored, au début, j'avais eu l'idée de flèches au phosphore, qui explosent », explique Sébastien Mitton, « comme les Tall Boys (ces ennemis montés sur d'énormes engins bipèdes), sauf qu'eux, c'est de l'huile de baleine. C'est Harvey qui a importé ça de Moby Dick, en développant derrière l'idée de l'industrie de la baleine dans le lore ». Dinga Bakaba, lead game designer, va plus loin et évoque une anecdote de playtest durant lequel un joueur, qui s'apprêtait à éliminer deux PNJ – un garde et une femme de ménage, des cibles anecdotiques – a finalement changé d'avis suite à leur conversation, en découvrant qu'ils étaient en réalité en couple. « C'est pour dire, si tu fais quelque chose, tu connais les conséquences. Et du coup, tu t'en souviens. Et pour ça, il faut une trame narrative et un univers cohérent. C'est quelque chose de très gratifiant de faire son choix et de savoir ce que ça entraîne », sourit-il.
La cohérence est d'ailleurs un maître-mot au sein du département artistique très foisonnant d'Arkane. L'univers du premier épisode, qui mêle une atmosphère et un design parfois très victoriens, avec des technologies plus modernes de quelques dizaines d'années ou des gadgets carrément révolutionnaires, n'est pas un cocktail hasardeux. Là encore, le sens du détail d'Arkane s'exprime. « Cet univers est un mélange, mais on ne mélange pas n'importe quoi. On choisit nos références », martèle Sébastien Mitton, « c'est organique dans la mesure où il faut que tout fasse sens. Moi je peux pas me ramener au milieu et dire « J'aimerais une tour comme ça » parce que je délire visuellement et que ça colle pas dans l'histoire. On rebondit chacun sur les idées des autres, mais on garde nos filtres, nos piliers, on ne part pas dans toutes les directions ». Les équipes artistiques d'Arkane participent donc à la narration de ce monde, à son homogénéité ; Sébastien ne se tourne donc que vers des artistes particuliers : « Internet est rempli de forums avec des mecs qui font des visuels, et souvent, c'est creux. […] Il n'y a pas d'histoire, pas de message. Ça peut être super beau mais tu sais pas où ça va. Moi à l'école, on m'a appris que la première chose à prendre en compte, c'était le message. Avant de prendre ton pinceau, tu veux dire quoi ? Et nos spécialistes, chaque fois qu'ils font une pièce, il y a quelques chose de lié au monde, des instants de vie que tu vas peut-être pas voir dans le jeu. Mais ça crée la narration visuelle ».
Ce côté très académique, le directeur artistique d'Arkane l'assume et le revendique même. Les influences peuvent venir de partout, y compris de là où on s'y attend le moins. Il demande par exemple à ses équipes de s'appuyer sur de grands tableaux classiques de toutes époques, de les analyser, de les déconstruire, pour en retirer la substantifique moelle – tant sur la forme que sur le fond. « Tu peux te dire que c'est chiant d'aller dans un musée le dimanche pour analyser les peintures. Mais pour nous, c'est notre quotidien, on en a vraiment besoin. C’est comme si on bossait dans l'automobile sans jamais regarder les autres voitures. Donc on prend le meilleur, les peintures de maître. Ce que je dis souvent, c'est que je veux pas qu'on regarde sur la première page de résultats de Google. Au fur et à mesure des années, on a accumulé des photos, les gars fouillent dans cette banque de données ou dans les bouquins qu'on ramène. Des fois ça peut être super précis, du genre : les vêtements du XIXe au Mexique. C'est comme ça qu'on obtient des trucs particuliers, de qualité », revendique-t-il. Pour Dishonored 2, il a ainsi fait réaliser des sculptures en argile des différents personnages, afin de pouvoir facilement les travailler et faciliter le travail des modeleurs 3D.
Alors, on pourrait craindre, pour une suite, de perdre l'alchimie d'un ensemble à l'équilibre si particulier. De voir Arkane verser dans quelque chose de peut-être plus convenu, maintenant que la marque Dishonored est bel et bien établie et qu'elle a trouvé son public. Mais la question ne s’est pas réellement posée, le focus étant d'abord sur la fidélité à l'esprit du premier opus. « On essaie de rester fidèles à nous-mêmes, c'est ce qui fait notre modèle. Avec un peu plus de moyens à chaque fois, mais toujours sur le même mode de fonctionnement. […] Je pense qu'on a une responsabilité avec cette licence. Beaucoup d'éditeurs et de développeurs essaient de développer de nouvelles IP et c'est très difficile. Donc forcément quand on a réussi à la faire une fois, on se dit essayons de la faire fructifier. On a une base super solide, qu'est-ce qu'on peut faire pour bâtir là-dessus ? C'est une responsabilité envers l'éditeur qui nous finance, déjà. Et surtout c'est une responsabilité envers les joueurs, envers les fans du premier. On arrêtait pas de se dire « Qu'est-ce que les fans attendraient d'une suite ? ». C'est un équilibre difficile entre conserver les éléments du premier jeu et apporter suffisamment de nouveautés, de profondeur pour pas que ce soit une suite un peu tiède. On a essayé en permanence de garder l'équilibre, tout en essayant d'être plus ambitieux », estime Romuald Capron.
Plus ambitieux. « Meilleur en tous points » : d'après le lead game designer Dinga Bakaba, cette phrase faisait partie du document préparatoire de Dishonored 2. Sébastien Mitton explique quant à lui qu'il s'agissait de faire « une suite qui tue, façon Terminator 2 ». Ce deuxième opus se veut donc être une suite dans la lignée du premier, tout en réussissant à pousser son concept et ses idées plus loin. « Ça implique de tu remettes tout en question. Est-ce que tel élément a sa place dans le jeu ? Comment je l'améliore ? Si je l'enlève, est-ce que ça va manquer ? Beaucoup de boulot de distanciation avec le premier aussi. En découlent de choix assez ambitieux, avec la nouvelle ville Karnaca, par exemple et avec Emily », lance le game designer. Indubitablement, ce sont les deux éléments qui peuvent transcender cette suite. La possibilité de jouer une Emily Kaldwin adulte, à nouveau privée de son trône, ne devrait pas changer la trame scénaristique. Contrairement au premier épisode, ce seront les choix des joueurs qui feront la décision sur la fin du jeu (et non pas le niveau de Chaosque vous aurez semé). Non, l'ajout d'Emily - qui n'était pas prévue au départ - se justifie par une volonté de donner une saveur différente au gameplay de Dishonored, avec des capacités et pouvoirs légèrement différents, mais qui peuvent pourtant changer drastiquement votre approche au fur et à mesure que vous les maîtriserez.
L'autre changement majeur, c'est évidemment le cadre du jeu qui ne se déroulera pas dans la sinistre Dunwall, mais bien à Karnaca, capitale de l'île de Serkonos au sud de l'Empire. Pour des gens aussi attachés à la narration environnementale, un changement d'époque et de lieu aussi drastique est un événement majeur. Karnaca n'a pas subi les mêmes fléaux que Dunwall, à commencer par la peste. Son développement progressif autour du commerce de la baleine se fait sentir partout. Son histoire se reflète dans son urbanisme, dans l'agencement de ses différents quartiers, dans les affiches qu'on peut trouver un peu partout, jusque dans le physique et l'apparence de ses habitants. Ce nouveau cadre a été un point d'appui particulièrement important pour les level designers, qui se servi par exemple, des toits plats de Karnaca, en rapport avec le climat chaud de la région, pour en faire une zone jouable. La cohérence, toujours. « Le fait que les bâtiments soient beaucoup plus hauts nous a augmenté la surface de jeu, et puis il y a plus d'appartements, il faut les peupler ces appartements, raconter des histoires dedans [...] Le fait d'avoir des toits plats était pour nous quelque chose d'important aussi. Y avait un problème pour nous dans Dishonored, c’est que le joueur évitait complètement certaines zones en passant par les toits, notamment une fois qu'il avait bien upgradé ses pouvoirs. Donc maintenant, il y a du gameplay sur les toits, il y a des zones avec des gardes, l'IA peut nous suivre. La plupart des endroits où peut aller le joueur, le garde pourra l'y suivre », raconte Christophe Carrier.
D'ailleurs, Arkane veut épater le joueur avec le level-design de Dishonored 2, le surprendre. Le Manoir Mécanique, qui a déjà été largement détaillé en vidéos et en previews, n'est qu'un exemple, particulièrement criant certes, de cette volonté nouvelle de donner plus de caractère à chaque niveau de jeu. Christophe Carrier a ainsi évoqué celui où le joueur, privé de ses pouvoirs, devra utiliser un outil lui permettant de switcher entre le passé et le présent, l'un ayant un impact immédiat sur l'autre. « On voulait carrément que le fait de changer le passé fasse changer aussi les niveaux suivants ! Mais c'était trop compliqué, même si on l'a fait un petit peu sans trop en dévoiler », ajoute-t-il. Pour trouver de telles idées, et garder toujours la cohérence de l'univers, Arkane utilise une méthode particulière et à nouveau très organique : des binômes de level-designers et d'artistes qui travaillent main dans la main, sur la base d'une idée commune ou d'une envie de l'un ou l'autre, pour rendre le niveau fonctionnel, crédible et attirant en même temps : « Je pense que c'est une marque de fabrique chez nous, je crois pas avoir vu ça ailleurs. C'est ce qui fait qu'il y a cette polyvalence dans les chemins à emprunter et en même temps, on n'a pas l'impression que ça sort de nulle part […] On n'a pas envie qu'on identifie tel chemin en stealth, tel autre en action. On a envie que le joueur au fur et à mesure qu'il avance, fasse des choix stratégiques et tactiques en regardant l'environnement ».
Cerise sur le gâteau, pour mettre en avant autant la direction artistique si particulière du jeu que ses choix de gameplay ou de level-design, Dishonored 2 bénéficiera d'un nouveau moteur, adapté de l'id Tech 5 ou tout du moins d'une infime partie de celui-ci. « On lui a coupé les pattes et on a gardé 20-30% du moteur. On a tout réécrit parce qu'on a des besoins spécifiques. On a jamais trouvé un moteur qui marche exactement pour Arkane, tant en IA qu'en rendu, qu'en script qu'en outils », décortique Sébastien Mitton. Un choix qui ne présente que des avantages. Celui du prix d'abord : en tant que membre de la maison Bethesda, Arkane n'a pas eu à casser la tirelire pour s'offrir une nouvelle technologie, puisqu'il l'a prise chez un studio parent. L'accessibilité aussi, dans la mesure où ce sont les programmeurs du studio qui ont réécrit une majeure partie du moteur et qu'ils sont à disposition du reste de l'équipe pour n'importe quelle demande. Et enfin, une maintenance simplifiée et assurée par des techniciens d'id détachés par moments auprès du studio français. La technologie était l'une des rares critiques qui avait été faite au premier épisode en 2012. C'était aussi l'un des rares éléments sur lesquels le studio n'avait pas pleinement la main, un obstacle à son fonctionnement organique, collectif, interconnecté. Ce dernier bastion tombe. Mais en se forgeant son propre moteur, Arkane ne se libère pas seulement d'une bride à sa liberté créative. Le studio lyonnais signe également son passage dans la catégorie des studios qui vont compter dans les années à venir.
LES PREMIÈRES ANNÉES
SURVIVRE EN TANT QU'INDÉPENDANT
BETHESDA ET LA DÉFLAGRATION DISHONORED
C'est là une des autres ficelles du jeu selon Arkane : une grande liberté d'action, de style et d'approche pour atteindre son but
Dishonored (dont vous pouvez lire le test dans ces colonnes) raconte les aventures de Corvo Attano, garde du corps de l'Impératrice des Îles, qui se voit accusé du meurtre de cette dernière dans le cadre d'un coup d'Etat. Entre vos mains, Corvo va œuvrer pour défaire les putschistes et remettre Emily Kaldwin, la légitime héritière du trône, au pouvoir. Mais les moyens pour y arriver, restent eux, de votre ressort. C'est là une des autres ficelles du jeu selon Arkane : une grande liberté d'action, de style et d'approche pour atteindre son but. « On fait le jeu pour un vaste casting de joueurs. Autant pour le YouTubeur très rapide bourrin qui fait des moves de maboule, qui te torche un niveau en deux minutes en speed-run dans un ballet de sang que pour le joueur plutôt sneak, qui va observer qui va jouer l'assassin dans l'ombre », analyse Sébastien Mitton, « Christophe dit souvent que certains veulent jouer le jeu tandis que d'autres veulent le casser. Ça veut pas dire le faire crasher. Ça veut dire lui rentrer dans le lard. Il a le droit, il peut, on lui permet de faire ça [...] Nous on fait le jeu pour tous ».
DE GRANDS POUVOIRS, DE GRANDES RESPONSABILITÉS
TOUT EST HISTOIRE
Internet est rempli de forums avec des mecs qui font des visuels, et souvent, c'est creux. […] Il n'y a pas d'histoire, pas de message.
La cohérence est d'ailleurs un maître-mot au sein du département artistique très foisonnant d'Arkane. L'univers du premier épisode, qui mêle une atmosphère et un design parfois très victoriens, avec des technologies plus modernes de quelques dizaines d'années ou des gadgets carrément révolutionnaires, n'est pas un cocktail hasardeux. Là encore, le sens du détail d'Arkane s'exprime. « Cet univers est un mélange, mais on ne mélange pas n'importe quoi. On choisit nos références », martèle Sébastien Mitton, « c'est organique dans la mesure où il faut que tout fasse sens. Moi je peux pas me ramener au milieu et dire « J'aimerais une tour comme ça » parce que je délire visuellement et que ça colle pas dans l'histoire. On rebondit chacun sur les idées des autres, mais on garde nos filtres, nos piliers, on ne part pas dans toutes les directions ». Les équipes artistiques d'Arkane participent donc à la narration de ce monde, à son homogénéité ; Sébastien ne se tourne donc que vers des artistes particuliers : « Internet est rempli de forums avec des mecs qui font des visuels, et souvent, c'est creux. […] Il n'y a pas d'histoire, pas de message. Ça peut être super beau mais tu sais pas où ça va. Moi à l'école, on m'a appris que la première chose à prendre en compte, c'était le message. Avant de prendre ton pinceau, tu veux dire quoi ? Et nos spécialistes, chaque fois qu'ils font une pièce, il y a quelques chose de lié au monde, des instants de vie que tu vas peut-être pas voir dans le jeu. Mais ça crée la narration visuelle ».
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C'est un équilibre difficile entre conserver les éléments du premier jeu et apporter suffisamment de nouveautés.
Alors, on pourrait craindre, pour une suite, de perdre l'alchimie d'un ensemble à l'équilibre si particulier. De voir Arkane verser dans quelque chose de peut-être plus convenu, maintenant que la marque Dishonored est bel et bien établie et qu'elle a trouvé son public. Mais la question ne s’est pas réellement posée, le focus étant d'abord sur la fidélité à l'esprit du premier opus. « On essaie de rester fidèles à nous-mêmes, c'est ce qui fait notre modèle. Avec un peu plus de moyens à chaque fois, mais toujours sur le même mode de fonctionnement. […] Je pense qu'on a une responsabilité avec cette licence. Beaucoup d'éditeurs et de développeurs essaient de développer de nouvelles IP et c'est très difficile. Donc forcément quand on a réussi à la faire une fois, on se dit essayons de la faire fructifier. On a une base super solide, qu'est-ce qu'on peut faire pour bâtir là-dessus ? C'est une responsabilité envers l'éditeur qui nous finance, déjà. Et surtout c'est une responsabilité envers les joueurs, envers les fans du premier. On arrêtait pas de se dire « Qu'est-ce que les fans attendraient d'une suite ? ». C'est un équilibre difficile entre conserver les éléments du premier jeu et apporter suffisamment de nouveautés, de profondeur pour pas que ce soit une suite un peu tiède. On a essayé en permanence de garder l'équilibre, tout en essayant d'être plus ambitieux », estime Romuald Capron.
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CAP AU SUD
Des binômes de level-designers et d'artistes qui travaillent main dans la main, sur la base d'une idée commune ou d'une envie de l'un ou l'autre, pour rendre le niveau fonctionnel, crédible et attirant en même temps.
D'ailleurs, Arkane veut épater le joueur avec le level-design de Dishonored 2, le surprendre. Le Manoir Mécanique, qui a déjà été largement détaillé en vidéos et en previews, n'est qu'un exemple, particulièrement criant certes, de cette volonté nouvelle de donner plus de caractère à chaque niveau de jeu. Christophe Carrier a ainsi évoqué celui où le joueur, privé de ses pouvoirs, devra utiliser un outil lui permettant de switcher entre le passé et le présent, l'un ayant un impact immédiat sur l'autre. « On voulait carrément que le fait de changer le passé fasse changer aussi les niveaux suivants ! Mais c'était trop compliqué, même si on l'a fait un petit peu sans trop en dévoiler », ajoute-t-il. Pour trouver de telles idées, et garder toujours la cohérence de l'univers, Arkane utilise une méthode particulière et à nouveau très organique : des binômes de level-designers et d'artistes qui travaillent main dans la main, sur la base d'une idée commune ou d'une envie de l'un ou l'autre, pour rendre le niveau fonctionnel, crédible et attirant en même temps : « Je pense que c'est une marque de fabrique chez nous, je crois pas avoir vu ça ailleurs. C'est ce qui fait qu'il y a cette polyvalence dans les chemins à emprunter et en même temps, on n'a pas l'impression que ça sort de nulle part […] On n'a pas envie qu'on identifie tel chemin en stealth, tel autre en action. On a envie que le joueur au fur et à mesure qu'il avance, fasse des choix stratégiques et tactiques en regardant l'environnement ».
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