Clair Obscur Expedition 33 : on a joué au J-RPG à la française, futur chef d'oeuvre ou déjà la douche froide ?

Quand on se rend sur le site officiel du studio Sandfall Interactive, on peut accéder au trombinoscope de l’équipe et se rendre compte qu’il s’agit d’une petite équipe. Petite peut-être, mais des gens qui ont déjà de l’expérience dans l’industrie du jeu vidéo, certains ayant travaillé sur des grosses franchises chez Ubisoft. Il y a aussi des développeurs juniors dont c’est le premier jeu, mais ce qu’il y a en commun entre toutes ces personnes, c’est l’amour pour les jeux de rôles et plus précisément pour les J-RPG. Conscients que le genre a du mal à évoluer avec son temps, les têtes pensantes du projet avaient aussi pour ambition d’insuffler du modernisme dans ces mécaniques de tour par tour souvent rejetées par le grand public. Et il est vrai que ça se ressent dans les premiers instants du jeu, avec ce tutoriel placé spécialement pour les besoins de cette preview.
META FORT
Première chose qu’on constate, c’est le dynamisme insufflé lors des séquences de combat, pourtant au tour par tour. Tout est fait justement pour ne jamais repousser le grand public et à l’inverse tenter de le séduire déjà par son interface vraiment stylisée et avec des angles de vue bien pêchus comme il faut. Certains penseront à Metaphor ReFantazio en termes d’interface et ils n’auront pas tout à fait tort, Clair Obscur Expedition 33 rappelle énormément le jeu d’Atlus dans énormément d’aspects visuels et contextuels. Il y a cependant une vraie réflexion sur l’apparition et l’emplacement des informations clefs pour lancer nos attaques et chaque menu et sous-menus nous permettent aussi de changer d’angles de vue. Ce n’est jamais figé, intelligemment pensé, et particulièrement dynamique sans sa réalisation. Il y a une vraie science de la mise en scène qui fait plaisir à voir et c’est vrai que ça change pas mal de choses.
Mais il n’y a pas que l’interface que Clair Obscur Expedition 33 tente de secouer, il y a aussi le gameplay et surtout les actions à entreprendre pendant ce tour par tour où il va falloir être très actif aussi. Vous le voyez sans doute sur ces images, mais dès lors qu’un ennemi vous attaque, vous devez réagir en conséquence pour rester debout. Notre personnage est capable d’esquiver, de parer et même de sauter pour se défendre correctement, sachant que chacune de ces actions est soumis à un timing précis. Un timing qui dépend de chaque attaque et selon l’ennemi qui vous attaque, ce qui signifie que vous devez rester alerte en permanence. De même, selon la défense pour laquelle vous aurez opté, là aussi, les patterns et les timings diffèrent, ce qui confère un vrai sens stratégique dans vos choix. Par exemple, faire un perfect parry permet de contre-attaquer immédiatement derrière, d’autant que les dégâts infligés sont assez conséquents, ce qui est du coup une mécanique de défense qu’on va tout de suite privilégier. Mais il n’y a pas que dans la défense où vous allez devoir gérer ces patterns, en attaque, c’est la même chose, puisque certaines de vos attaques demandent là aussi de réussir des QTE pour que les dégâts soient conséquents. En cas de mauvaise gestion du timing dans ces Quick Time Event, vous allez taper un peu dans le vide, encore plus si l’adversaire en face a sorti sa carte bouclier. Tout cela permet de dynamiser un système en tour par tour qui avait vraiment besoin d’un coup de Swifer.
BAGUETTE CROISSANT
Pour le reste, Clair Obscur Expedition 33 reprend des éléments plus classiques, avec un système de points d’action qu’il est possible de faire grossir selon les attaques, mais aussi via des bonus qu’on va pouvoir rajouter comme ces Pictos et ces Luminas qu’on va trouver dans les environnements. En gros, chaque personnage peut s’équiper de trois Pictos pour lui octroyer de meilleures statistiques et donc avoir plus de chances de s’en sortir face à des ennemis assez coriaces, toujours nombreux et ça c’est la surprise car on ne sait jamais combien il y a d’ennemis quand on les croise et on peut vite être débordé. Mais le jeu dispose de petites subtilités qui permet aussi de prendre l’avantage, comme le fait qu’une esquive parfaite permet d’obtenir un point d’action en plus. Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que ces points d’action peuvent aussi être dépensés dans les compétences de chaque personnage, qui dispose chacun de leur propre arbre d’amélioration. Dans la démo qu’on a eu, il n’y avait que trois personnages : Gustave, Lune et Maelle, chacun présentant un type de classe distinct. Gustave, c’est le guerrier avec aussi des compétences de voleur, Lune c’est la magicienne qui lévite les pieds nus et enfin Maelle, c’est une véritable guerrière qui a cette capacité de changer de posture selon les capacités que vous choisissez. Autre subtilité dans le système de combat de Clair Obscur Expedition 33, c’est la possibilité de faire usage d’un pistolet qui permet de cibler les parties du corps d’un ennemi, et tenter de trouver son point faible, ou carrément faire sauter son armure ou son champ protecteur.
En 5h de jeu, le système de combat de Clair Obscur Expedition 33 permet de constater qu’il s'agit de son atout majeur, avec cette envie de chambouler les codes. Bien sûr, le jeu a repiqué des ingrédients ici et là dans des J-RPG déjà existants, mais le titre de Sandfall Interactive a su les digérer pour en faire quelque chose d’homogène et particulièrement bien troussé, c'est évident. Ce que j’ai trouvé moins probant et moins spectaculaire en revanche, c’est la structure du jeu, assez dirigiste dans la démo qui nous a été proposée. La progression est en effet très linéaire, avec des zones un peu plus ouvertes par moments pour tenter de nous faire croire à une certaine exploration, mais ça reste assez mineure en vrai. Le manque d’interaction avec les environnements, les actions scriptées et non systémiques, avec parfois des éléments de décor qu’on peut grimper, d’autres non, parce que ça n’a pas été pensé par les devs, la grimpette qui manque de souplesse, on sent qu’il s’agit-là de transitions légères pour passer d’une zone à une autre dans un déroulé que j’ai trouvé très encadré. Par moments, Clair Obscur Expeditions 33 m’a rappelé les mauvais côtés de l’open world de Final Fantasy VII Rebirth d’ailleurs…
LA BELLE ÉPOQUE
Concernant l’aspect visuel et graphique, j’ai lu et entendu que Clair Obscur Expeditions 33 fait déjà partie des plus beaux jeux de cette génération. Je sais qu’on peut se laisser submerger par ces émotions et que le chauvinisme peut aussi jouer des tours, mais soyons honnêtes, si la direction artistique est réussie et fait mouche, techniquement, on ressent quelques faiblesses. Dans les animations par exemple lorsqu’on évolue dans les zones ouvertes, il y a des différences de traitement entre les personnages et leur stance. Gustave par exemple, qui n’est autre que Robert Pattison avec des cheveux frisés et une belle moustache, présente des animations de marche franchement pas terrible. Quand il court, ça va mieux, mais quand il grimpe, c’est moins stylé. Luna et Maelle ont bénéficié d’un meilleur traitement en revanche, ce qui n’est pas pour me déplaire. Non, là où Clair Obscur Expeditions 33 dépote, c’est dans son histoire, particulièrement originale avec cette entité mystérieuse, la Peintresse, capable de faire disparaître une génération de personnes d’un coup de pinceau selon l’âge qu’elle aura défini. C’est intriguant et ça capte l’intérêt d’emblée, surtout le chiffre 33 qui renvoie évidemment à l’âge du Christ quand il s’est fait crucifier.
Et puis, il y a aussi la direction artistique du jeu et le choix d’aborder une période de l’Histoire qui n’a pas été trop utilisée, la Belle Époque et le mouvement Art déco que le studio a mélangé avec de la fantasy et des peintures surréalistes. Il y a un vrai travail sur l’univers, les environnements ultra variés, le style vestimentaire qui fonctionne très bien. C’est d’ailleurs cette richesse visuelle qui donne le sentiment que Clair Obscur Expeditions 33 sonne comme un AAA alors qu’il ne l’est pas du tout, et c’est p’tet en cela que la pression est énorme. Dans tous les cas, le jeu de Sandfall Interactive a piqué ma curiosité, moins qui ne suis pas un adepte du tour par tour, j’ai bien apprécié la manière dont il aborde un système niche pour en faire quelque chose de plus digeste, plus compréhensif et plus moderne surtout. Maintenant j’attends le jeu sur sa structure, sur sa façon de narrer l’histoire, en espérant que les décors soient moins vides que ceux que j’ai parcouru. Parce que même si on a affaire à un AA, on est quand même en 2025…



