Bientôt des jeux dématérialisés en occasion ?
La Cour de Justice européenne a parfois l'art de mettre les pieds dans le plat. Et cette fois-ci, la sauce a violemment éclaboussé les plus grand éditeurs mondiaux de jeu vidéo. Elle vient en effet de rendre un jugement qui pourrait faire jurisprudence dans le monde du numérique et qui légalise la revente de jeux dématérialisés.
C'est à la suite du procès entre Oracle, une société éditrice de logiciels, et UsedSoft, revendeur de licences en ligne, qui commercialisait les droits d'utilisation de logiciels d'Oracle dont les consommateurs ne voulaient plus, que le juge a rendu le verdict suivant : "Lorsqu'un ayant droit délivre à un consommateur une copie - tangible ou non - et conclut dans le même temps, en contrepartie d'un paiement, un contrat de licence donnant au consommateur le droit d'utiliser cette copie pour une période illimitée, cet ayant droit vend la copie au consommateur et épuise donc son droit exclusif de distribution. Une telle transaction implique un transfert de droit de propriété sur la copie. En conséquence, même si la licence interdit un futur transfert de droit, l'ayant droit ne peut plus s'opposer à la revente de cette copie".
Cette dernière phrase résume à elle seule le changement majeur qu'implique cette décision de justice : une fois la vente effectuée, l'éditeur ne peut plus, ne doit plus en aucune façon empêcher le consommateur/joueur de revendre son jeu, y compris dans une version dématérialisée. C'est un sérieux coup au moral des éditeurs qui voyaient dans les plateformes de téléchargement le moyen idéal de mettre un terme au marché toujours florissant de l'occasion. Mais derrière ce jugement se cache un certain nombre d'interrogations.
Tout d'abord, peut-on revendre son jeu en ayant accepté son EULA (End User Licence Agreement), son contrat de licence, qui interdit la plupart du temps sa revente? Théoriquement, un tel arrêt passe au-dessus de n'importe quel EULA et s'appliquera donc malgré son existence. La question de la rétroactivité reste toutefois en suspens. Le vide juridique ayant été comblé seulement aujourd'hui, on peut se demander si la loi sera applicable aux jeux achetés avant le 3 juillet.
Vient ensuite la question des structures : si les éditeurs ne peuvent plus interdire la revente des jeux dématérialisés, ils vont devoir la permettre techniquement, c'est-à-dire mettre en place un système de transfert de droit sur les jeux achetés. Sans quoi, tout passera par des intervenants tiers (comme UsedSoft dans le cas présent).
Troisièmement, qu'advient-il de Steam, dont le lien avec les jeux est plutôt particulier? En effet, quand un joueur achète un jeu sur Steam, il en installe certes le contenu sur son PC, mais son fonctionnement est intimement lié à la plateforme de Valve. L'un ne va pas sans l'autre et le titre ne peut être installé pour la première fois que via Steam. On est donc face à une sorte de "location". Idem pour les jeux téléchargés via le XBLA et le PS Store, qui sont liés d'une manière ou d'une autre à une console ou à un compte.
Enfin, ce jugement met en danger les velléités des constructeurs de consoles qui voudraient brider techniquement leurs futures machines afin de bloquer l'utilisation de jeux d'occasion... Si rien ne l'interdit (encore), ce serait un obstacle à la revente des jeux et donc à la pleine exploitation de sa copie. Pour plus d'informations, voici l'arrêt complet et en français.