All Points Bulletin
Il y a quelques années, votre serviteur eut l’honneur de visiter les studios de Realtime Worlds à Dundee, riante bourgade écossaise, notamment célèbre pour avoir accueilli la première ligne de production de Sinclair ZX Spectrum. A l’époque, le studio évoquait déjà son grand projet de MMO opposant flics et méchants et développait, dans le même temps et dans le plus grand secret, un certain Crackdown sur une machine encore inachevée : la Xbox 360. Cinq ans plus tard, la console de Microsoft vieillit lentement mais sûrement et All Points Bulletin, l’œuvre en ligne dont il était question, n’a toujours pas vu le jour.
Tous les gamins vous le diront, rien n’est plus simple que de jouer aux gendarmes et aux voleurs. Mais lorsqu’il s’agit de développer un titre massivement multijoueur autour de ce concept vieux comme la loi, les choses se corsent sérieusement. Equilibre de la partie, terrain de jeu adapté, challenges permanents afin de ne jamais donner aux participants le temps de souffler, Realtime Worlds n’a pas choisi la simplicité pour son projet au long cours.
Law & Disorder
Deux camps, divisés en gangs, des missions courtes et simples, un rythme de pur jeu d’action, la dernière création de David Jones, ne semble pas déborder d’idées. Game designer de talent, le (co)créateur de Lemmings et de GTA (excusez du peu !) a néanmoins largement démontré son aptitude à transformer un matériau en apparence rudimentaire en petit chef d’œuvre ludique. Nous ne doutions donc pas un instant que sa vision d’une distraction enfantine bouleverserait les codes du MMORPG et nous laisserait pantois d’admiration. La petite escapade londonienne concoctée par EA la semaine dernière fut hélas l’occasion d’une cruelle désillusion ! Les conditions n’étaient certes pas idéales pour goûter à un produit en ligne : trente minutes de jeu, un parachutage au cœur de la bêta et de ses armadas d’utilisateurs bien rodés au conflit bipartite avec pour seul bagage quelques vagues explications communiquées par des développeurs las, le titre n’était certainement pas présenté sous son meilleur jour. Hormis ces problèmes, davantage liés à des défauts organisationnels qu’à des failles ludiques, le nouvel étendard de la guerre en ligne faisait tout de même triste figure, avec sa réalisation fadasse et son lag incessant. Jeu d’action urbain dans la droite lignée d’un GTA, All Points Bulletin vous permet de vous déplacer à peu près librement dans une vaste cité, en usant vos semelles ou en fauchant une voiture. La physique des véhicules est hélas très peu convaincante, et le maniement des agents se révèle vite extrêmement pénible. Les contrôles du héros, qu’il soit flic ou voyou, sont un peu plus réussis, même si un peu plus de souplesse n’aurait guère fait de mal dans cet univers qui joue sur la verticalité. Mais si ce premier contact a tourné court, c’est surtout en raison du manque de clarté du titre. Présence de novices oblige, notre petite bande manquait cruellement de coordination, et quand bien même elle aurait réussi à agir de concert, les objectifs étaient abscons et les missions s’achevaient alors même que la plupart des participants n’avaient pas atteint le lieu où poser une bombe, ou le point de réception d’un objet à livrer plus loin.
Au pays de Barbie
Les développeurs présents sont toutefois parvenus à nous dévoiler l’énorme qualité d’All Points Bulletin : un niveau de customisation assez fabuleux. Trois outils extrêmement performants interpelleront la petite fille que vous avez un jour rêvé d’être ainsi que l’artiste qui se cache en vous. Très inspiré par certains logiciels produits par Adobe, un programme intégré vous autorise ainsi à créer à peu près tous les motifs et logos possibles. Vous pourrez ensuite positionner ceux-ci, en passant par la Garde-robe, sur des vêtements (ou des véhicules) dont vous choisirez les nuances au pourcentage près. Le top du top réside toutefois dans le Music Studio qui, du peu qu’il nous ait été donné d’en voir, tient quasiment de la suite d’édition musicale pour pros. Grâce à cette interface, vous composerez vos propres thèmes musicaux à partir d’une banque de sons (que vous pourrez certainement enrichir par vos propres moyens), et notamment votre Death Theme, soit la douce mélodie qui résonnera aux oreilles de vos victimes. Intéressant, et potentiellement enrichissant ! Toutes vos créations, même un pick-up rose couvert de fleurs ou des t-shirts barrés de logos obscènes sortis de votre esprit malade, pourront être revendus via un système d’enchères. Ces petites transactions rempliront vos poches, rapidement vidées pour acheter du matos plus performant, tandis que les meurtres et autres missions que vous enchaînerez augmenteront votre notoriété. Flic admiré de tous ou malfrat de légende, il vous reviendra de construire votre succès en vous appuyant sur vos compagnons de tuerie… et sur vos habits chamarrées. Mais des fringues et des flingues suffiront-ils à donner envie aux grands enfants que nous sommes de rejouer aux gendarmes et aux voleurs sur PC, le 1er juillet prochain ? Pas si sûr…