Test également disponible sur : DS

Test Phoenix Wright

Test Phoenix Wright
La Note
note Phoenix Wright : Ace Attorney 16 20

Phoenix Wright c’est la victoire totale de l’écriture sur la mise en scène tape à l’oeil, ainsi que la supériorité écrasante de la narration sur toutes formes de démonstration technique. Le plaisir est immédiat, permanent, et rémanent. Aucune hésitation possible mes amis, voici à ce jour l’un des meilleurs jeux disponibles sur Nintendo DS.


Les plus
  • Travail d’écriture formidable
  • Personnages définitivement attachants
  • Durée de vie correcte
  • Le procès inédit à débloquer
  • Motivant, accrocheur, ingénieux
Les moins
  • Linéaire comme un récit
  • Ou sont les opus 2 et 3 ?
  • Pas d’autres objections


Le Test

Se séparer de Phoenix Wright une fois le générique de fin consommé est une véritable déchirure sentimentale. Quels sont les ingrédients qui font que cette petite cartouche appartenant à ce genre très formel qu’est l’aventure textuelle, donc à priori un jeu qui ne va pas impliquer beaucoup le joueur d’un point de vue purement ludique, provoque un tel attachement ?


C’est la question que je pose. En premier lieu, nul doute que la réussite du jeu de Capcom réside dans sa galerie de personnages. Un trombinoscope ingénieusement mis en valeur par un déroulement sensationnel. On ne parlera pas de mise en scène puisque les séquences sont toutes plus ou moins statiques. La gamme d’expression des protagonistes repose sur quelques animations et mimiques, s’accordant toujours parfaitement aux circonstances. Le jeu entier baigne dans un jus humoristique et décalé, tout en sachant préserver assez de sens commun pour ne pas abîmer l’intensité des moments tragiquement cruciaux. N’empêche, la comédie prime et la bonne humeur et les sarcasmes l’emportent sur tout le reste. Et si le character design est évidemment de qualité, le reste de la réalisation ne dévoile aucun effort particulier, notamment en matière de son, où il suffit d’écouter le brouhaha de l’audience pour se croire de retour sur 8-bit. Pour autant l’accompagnement sonore fait mouche, avec des musiques en faible quantité mais identifiables. L’accélération progressive du thème pendant les témoignages, au fur et à mesure que le témoin est confondu, est aussi judicieuse que les multiples effets sonores qui illustrent les attitudes, désœuvrées ou non, de la troupe. L’attraction est totale, sans que le jeu n’ait recours à la moindre digitalisation vocale. Excepté bien entendu les trois interjections déjà cultes au Japon et bientôt dans le reste du monde, et que le joueur peut incanter de vive voix dans le micro de la DS : Hold It ! pour demander des précisions lors d’un témoignage, Objection ! pour mettre en évidence une contradiction et Take That ! lors de la présentation d’une preuve décisive. Les répliques des personnages sont dotées de tellement de génie et de vie qu’en les lisant on se projette instantanément leur voix, leur façon de parler, ou encore leurs tics vocaux dans notre esprit. Littéralement un pur tour de force narratif.

 

Igi ari !

 

Des personnages colorés au comportement parfois exagéré voire excessif, mais toujours dans le bon sens du terme. Elle est précisément ici la coupable de notre tristesse une fois le jeu achevé : les personnages incroyablement attachants ! Un attachement naïf, d’autant plus surprenant que le gameplay est plus que minimaliste, aussi bien votre choix se porte sur l’écran tactile ou sur les boutons. Cette empathie subtile est provoquée par l’attention soutenue que l’on doit porter à ce qui se déroule et à ce qui se dit sous nos yeux, enquêteur oblige. Nous devons tous être plus ou moins fasciné par le suspense d’une bonne enquête policière. Résoudre et dénouer un crime lorsque celui-ci est machiavéliquement échafaudé relève d’un fantasme classique du commun des mortels. Dans le cadre d’une sorte de glorification personnelle, on recherche à tester son sens de la déduction, à se prouver que l’on est capable de comprendre le cheminement de pensée et d’action d’un criminel. Votre lot sera aussi bien de rentrer en contact humainement que d’observer les lieux afin de démêler une intrigue avec pour seule arme votre perspicacité. Mais au-delà de ces occupations purement policières, il ne faut pas oublier que Phoenix Wright, ou Naruhodo Ryuichi de son nom original, est avocat de son état : l’inspection sur le terrain c’est bien beau, mais c’est au tribunal que tout se décide ! Passé la mise en place du postulat « crime/tueur/victime/suspect » on se retrouve à endosser le double rôle de détective - avocat. En parlant de détective, celui avec qui vous ferez connaissance dès le début du jeu s’avère un des personnages principaux les plus amusants qu’on retrouvera avec joie lors de chaque affaire. Un bon flic bien bourru comme on les aime, ce détective Gumshoe. La phase de recherche et de dialogue sert à défricher peu à peu tout ce qui englobe le crime. On y récolte les indispensables preuves avant le début du jugement. Les cinq affaires de Phoenix Wright : Ace Attorney sont de plus en plus longues et surtout de plus en plus ambitieuses ! Du tutorial jusqu’au chapitre inédit, spécialement pensé pour la DS, d’une longueur et d’une complexité qui force l’admiration.

 

Matta !

 

Les mécanismes de la phase judiciaire vous sont expliqués par votre mentor et patronne, la fort bien carrossée Mia Fey, lors de la simplissime première affaire du jeune Wright, dans laquelle est impliqué son vieil ami Larry Butz. Alors comment on fait pour sauver la vie de son client lorsqu’on n'est pas passé par la case Faculté de Droit ? Grosso modo, et outre les inévitables coups de théâtre chers à la série, le déroulement s’effectue comme suit : un témoin expose son récit, souvent accablant envers votre client, le tout sous la bienveillance de votre adversaire argumentatif : le procureur. Ce dernier sera principalement représenté par les traits du classieux Reiji Mitsurugi, ou plutôt Miles Edgeworh comme le veut une localisation patronymique dont on se serait aussi bien passé, même si elle tente de coller aux jeux de mots originaux. Commence ensuite le « cross examination » qui devrait si tout se passe bien devenir le « contre-interrogatoire » dans la version française. C’est là que toute votre verve va rentrer en jeu. Outre interrompre le témoin à chacun de ses propos pour presser un peu de jus et en faire sortir une info qui aurait été « oublié », il s’agit surtout de trouver une contradiction. La contradiction, c’est la base de votre fonction. Et votre spécialité, c’est au choix de taper sur le pupitre, de présenter un document accablant avec des petits yeux narquois, ou de montrer votre éloquence d’un doigt accusateur. Avocat, ça doit trop être la classe ! Sachez que vous disposez obligatoirement d’un certain nombre de preuves dans votre inventaire, puisque le tribunal ne commencera pas sans que vous ayez préalablement déniché absolument tout les éléments nécessaires, donc pas de panique, tout ce dont vous avez besoin se trouve à portée de main. Reste alors à déterminer quelle pièce utiliser et surtout à quel moment, pour démontrer que telle partie du témoignage est contradictoire, et donc que le témoin ment, ou au mieux se trompe. Et ainsi de suite, jusqu’à confondre publiquement le fourbe au point de le faire suer jusqu’à ce qu’il n’ait plus une goutte d’eau dans son corps de pêcheur.

 

Ailleurs, un tel principe aurait pu sombrer dans la rigidité cadavérique, mais on est ici dans un jeu de Capcom avec des vrais morceaux de Japonais talentueux dedans, comme Atsushi Inaba et Hideki Kamiya et avec lesquels rien n’est jamais sage ni tristement formel. Lorsque Phoenix brandit avec fierté sa grosse preuve irréfutable, l’effet sur la partie adverse équivaut à un Shô Ryu Ken bien placé, avec moults effets sonores et mimiques déconvenues. Bref, un vrai travail scénique, pour un festival de retournements de situations, mené par le doigt de la justice de Wright. Vous pouvez le voir sur les artworks, ce garçon a cette véritable manie de pointer du doigt tout ce qui bouge. Et mieux vaut pour ce brave orateur au service du faible de ne pas se laisser impressionner, car ses faces à faces sont multiples : il faut se montrer persuasif face au décisif juge, face au procureur sans scrupules dont le but est d’obtenir un verdict coupable, et face au témoin dont l’éventuelle mauvaise foi vous barrera plus ou moins la route de la vérité. Mais ne vous en faîtes pas trop non plus, Phoenix fera le gros du travail pour vous. Dès lors, quels sont les dangers et les enjeux encourus ? A quel moment se manifeste l’aspect « jeu » vidéo, avec des règles et des conditions à respecter sous peine d’être pénalisé ? En fait, établir une contradiction qui n’a pas lieu d’être vous fera perdre un point de crédibilité face au juge, et au bout de cinq erreurs, c’est la condamnation et donc le Game Over. La sauvegarde permanente permet cependant de ne pas se ronger les ongles et surtout d’éviter de revivre l’intégralité du plaidoyer en cas de défaite.

 

Kurae !

 

Car ils sont longs, délicieusement longs ces procès. Ils finissent par s’étaler joyeusement sur trois jours, avec autant de phases de recherches entre temps et un suspense toujours renouvelé. Phoenix Wright : Ace Attorney laisse indéniablement un impact fort au joueur, probablement parce qu’il nous captive comme peu de jeu vidéo le font. La recette du suspense est déjà connue, mais davantage dans d’autres médias. On est en effet bien plus proche d’une contemplation d’anime, ou d’une lecture de nouvelle, que dans une pratique vidéoludique classique. On lit ce qu’on nous raconte en ayant à l’esprit que l’on nous ment quelque part, la suspicion devient automatiquement votre seconde nature. Tout cela serait un jeu d’enfant si les histoires n’étaient pas écrites et amenées de façon bien complexes, au point qu’il faudra souvent contester à la limite du bluff, la situation peut devenir si critique qu’avancer à l’aveugle reste la seule solution pour gagner du temps avant qu’un verdict défavorable ne tombe. Les histoires sont tarabiscotées et l’écriture génialement sournoise. Notez d’ailleurs que ce test a été réalisé à partir d’une version US, et nous ne sommes donc pas en mesure de juger la future traduction française, de laquelle dépend pourtant une grande partie de la crédibilité du titre.

 

Phoenix Wright : Ace Attorney est génial. Absolument génial. Il l’est parce que ses scénarii, ses intrigues et ses personnages sont étudiés avec une rigueur et un humanisme sidérant. En plus d’être attachant visuellement, il faut vraiment lever le pouce pour saluer le travail accompli par les rédacteurs de Capcom. Née au Japon sur Game Boy Advance en 2001, la série Gyakuten Saiban compte aujourd’hui 3 épisodes, dont ce Phoenix Wright : Ace Attorney est le remake du premier, avec en bonus un épisode 5 inédit à débloquer et tirant parti des fonctionnalités tactiles de la DS. Problème, Gyakuten Saiban 2 et Gyakuten Saiban 3 ne sont actuellement nullement prévus pour être traduit dans notre langue, et penser que l’on passe à côté de tout ces procès génialement échafaudés à de quoi briser bien des cœurs. On se consolera donc, même si ce n’est qu’à moitié, avec l’annonce d’un Gyakuten Saiban 4, prochainement à venir sur Nintendo DS et qui mettra vraisemblablement en scène un tout nouvel avocat, peut-être pour le début d’une nouvelle trilogie ? La supériorité des Japonais pour nous raconter une histoire n’est plus à prouver, mais il en va de même pour la linéarité qui en découle parfois. A la lecture de ce test, vous aurez peut-être déjà deviné le point faible de Phoenix Wright. Le jeu est complètement, absolument, dramatiquement linéaire. De ce fait, on ne se voit pas y retourner rapidement, tout comme on ne regarde pas deux fois de suite un même film ou ne relit deux fois de suite un même livre.

 

Note : Ayant reçu récemment la version française du titre, un rapide coup d'oeil sur celle-ci nous permet de constater que la traduction ne semble pas souffrir de lacunes particulières et devrait conserver la saveur du titre intacte.





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Steeve Mambrucchi

le vendredi 31 mars 2006, 15:30




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