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Couillu, c’est le bon qualificatif pour le dernier projet de Ganbarion. Une héroïne qui souffre d’une maladie dégénérescente et mange de la chair crue, un héros muet qui massacre sans broncher des monstres pour le coup presque innocents, des musiques de boss teintées de grandes œuvres de la musique classique, un style Dungeon RPG sans concession, certains y verraient du Cavia de la grande époque. Malheureusement, Pandora’s Tower, malgré ce menu à la fois sanglant et appétissant, semble tout faire pour ne pas apporter de confort de jeu. Si les éléments de RPG apportent une certaine profondeur et que l’utilisation variée de la chaîne reste une excellente idée, la caméra sans cesse aux fraises et les problèmes de précisions jouent contre le plaisir ludique. De multiples fins justifient pourtant l’implication, tout comme le destin romantique des deux héros, mais les nombreux clous semés sur les pas du joueurs arrêteront les plus résistants. Pas une mauvaise expérience, loin de là, mais une pièce de Liszt jouée sur un piano mal accordé.
Retrouvez plus bas la suite de notre test de Pandora's Tower
- Original dans son concept
- Une direction artistique réussie
- Une histoire prenante
- L’utilisation bien sentie de la chaîne
- Le travail sur l’émotion
- Les boss qui offrent un challenge intelligent
- Liszt, Verdi, Caccini à la bande-son
- Enfin un jeu bien pensé pour la Wiimote…
- …mais imprécis
- La gestion bien lourde des objets
- Des problèmes pénibles de caméra
- Techniquement faible
- Le Monster-Design raté
- Les interactions avec Elena basiques
Présent à la moindre évocation des mots One Piece, Ganbarion a donné de sa personne dans de nombreuses adaptations de cette série qui brave la notion même de longévité, mais surtout dans les cross-over Jump Super Stars et Jump Ultimate Stars. Sortes de Smash Bros moins bourrins et un tantinet plus évolués dans leur principe des jeux, ces deux titres ont fourni au studio japonais des bases solides dans tout ce qui se rapproche de près ou de loin à de la tatane. Pour cette entrée dans le monde merveilleux des nouvelles licences sans bases externes, Ganbarion peut donc théoriquement compter sur cette expérience pour fournir quelques passes d’armes nerveuses. Le problème étant que le RPG, pour le coup orienté action, implique également une vraie construction d’univers et un scénario accrocheur. Un apprentissage en live dont le résultat surprend. Dans quel sens ? Réponse dans notre test de Pandora’s Tower.
Comme bien d’autres titres, films, romans avant lui, Pandora’s Tower réutilise les bases de l’histoire dramatique qui ne cesse de vouloir séparer deux cœurs différents, un soldat d’un empire rival et une jeune fille d’un pays en guerre, un militaire et une civile, un homme fier et battant, une femme affaiblie par une malédiction. Un couple maudit dès les premiers instants qui ne trouve de rapprochement que dans la quête d’Aeron pour empêcher sa frêle Elena de se transformer en un monstre grouillant aux tentacules hideuses. Et au lieu de lui offrir directement son cœur, celui-ci va devoir arracher ceux de créatures hantant 12 tours, afin de les lui faire manger encore palpitants. Une relation soumise à la fatalité et par conséquent aux dieux qui renvoie à certaines légendes grecques ou scandinaves autant dans les thématiques que dans le choix du traitement. Avec ses monstres mythologiques affrontés sur fond de thèmes musicaux classiques majeurs, Pandora’s Tower ressemble souvent à un Nibelungen version 2.0. Une atmosphère de romantisme sanglant qui accroche dans sa cruauté basée sur la répétition de scènes peu ragoûtantes où Elena avale de grands lambeaux de chair. Un côté hypnotique issu de l’obligation de rapporter très souvent de la viande crue à Elena, sa maladie dégradant son corps régulièrement. Si les premiers donjons peuvent s’effectuer d’une traite, la majeure partie d’entre eux nécessitent de revenir au moins une fois à l’Observatoire, hub mélancolique où réside la belle éphémère. Le but est de la guérir partiellement, afin d’avoir le temps nécessaire pour briser les chaînes retenant les portes des boss de chaque zone. Un rythme imposé qui ajoute une pression intéressante et un systématisme qui rappelle fortement Shadow of The Colossus, source d’inspiration très visible de Pandora’s Tower. Que ce soit dans la relation à la jeune fille, la structure même du jeu, le recours régulier à la mise en avant de la solitude qui accable le couple, ou bien sûr le travail sur l’émotion, le titre de Ganbarion se révèle étonnamment juste. Une recherche du sentiment louable, qui a laissé la place libre à un certain vide niveau finition et game design.
Tour par tour...
Comme dans un Zelda plongé dans un bain ténébreux, chaque donjon de Pandora’s Tower est un défi qui demande d’utiliser astucieusement les éléments en place. De manière d’autant plus intelligente que le level-design se montre en général plutôt malin, oscillant néanmoins entre les grosses redites et les phases originales, impliquant une découverte des potentialités cachées de la vraie héroïne du jeu, la chaîne. Présente depuis le début de l’aventure, cette dernière n’évolue jamais, mais la progression du jeu oblige le joueur à en voir lentement les talents subtils. Par petites touches, le gameplay s’affine, utilisant différemment des mouvements pourtant déjà présents. Une évolution clés en main moins lourdaude que chez l’elfe au bonnet vert et surtout donnant au joueur le sentiment de s’améliorer et non d’avoir simplement des rajouts plus ou moins gadgets. Saucissonner un adversaire, le lancer sur un autre, enchaîner littéralement deux ennemis pour leur infliger des dégâts partagés, les possibilités offertes sont nombreuses et variées, lorgnant parfois vers la sauvagerie d’un certain Kratos. Notamment lors des arrachages de cœurs. Mais à la différence du chauve olympien, Pandora’s Tower n’a pas su négocier le virage de l’accessibilité. Handicapé par une caméra qui prend un malin plaisir à masquer les monstres et à empêcher parfois de distinguer clairement un élément important de l’environnement, le jeu souffre dans le même temps d’imprécisions pénibles, que ce soit à la wiimote ou à la manette classique. Le viseur peine à accrocher les zones interactives, et il faut parfois s’y reprendre à plusieurs fois pour agripper un adversaire à l’endroit voulu, ce qui occasionne un réel hoquet dans le rythme des combats. L’émotion est là, les combats de boss ingénieux sur du Verdi, l’exploration sur du Smetana aussi, mais Pandora’s Tower est bien trop maladroit ludiquement pour supporter le poids d’un ensemble qui a un sacré cran, mais ne parvient jamais réellement, et c’est un paradoxe, à sortir ses trippes.