Test Haven : un jeu imparfait mais attachant, par les créateurs de Furi
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Si Haven emprunte à des genres assez différents (aventure, RPG, survie…), c'est sûrement parce que son propos compte plus que ses mécaniques de gameplay. Ces dernières fonctionnent très bien, notamment en ce qui concerne les combats et les déplacements, mais l'attachement au jeu s'effectue essentiellement à travers ses personnages. L'histoire de ce couple du futur réfugié sur une planète lointaine fonctionne plutôt bien, et se voit portée par une bande-son électro très chouette, des voix anglaises toujours justes, et une écriture de qualité. On pourra tout de même reprocher à cette dernière une tendance aux insinuations graveleuses bien trop systématique. Par ailleurs, le rythme de l'aventure aurait été bien plus fluide si des temps de chargement ne venaient pas le hacher à chaque changement d'îlot. En résumé : un jeu imparfait, mais attachant !
- La vie de couple, comme si vous y étiez
- Des voix anglaises parfaites
- Des combats plutôt intéressants
- Un système de vol agréable
- Une écriture de qualité
- Une bande-son réussie
- Un peu trop répétitif
- Trop d'allers-retours
- Trop de chargements
- Sous-entendus sexuels trop systématiques
- Pas de voix françaises
- Coop mal fichue (un comble...)
Comme son nom ne l'indique pas du tout, The Game Bakers est un studio français, basé à Montpellier et fondé en 2010 par d'anciens salariés d'Ubisoft. Son plus haut fait d'arme pour le moment date de 2016 et n'est autre que l'exigeant Furi, qui avait su ravir les amateurs de challenge élevé. Changement de cap avec Haven, qui abandonne totalement tout aspect "die & retry" et nous propose bien au contraire une aventure "chill", centrée sur la narration, l'exploration et… la vie de couple !
On ne sait pas trop si les amoureux Kay et Yu sont issus du futur, d'une dimension parallèle, ou d'une galaxie lointaine, mais une chose est sûre : il ne fait pas forcément bon vivre sur leur planète d'origine quand on est jeune et idéaliste. En effet, un "Appaireur" y choisit le meilleur compagnon possible pour chaque individu, et sa décision est naturellement irrévocable. Bien décidés à vivre ensemble coûte que coûte, et donc à ne pas se caser avec leurs compagnons officiels respectifs, Kay et Yu décident de s'enfuir. Après une séquence d'introduction animée de toute beauté, l'aventure commence sur la mystérieuse et lointaine planète Source, sur laquelle les amants rebelles viennent d'atterrir en urgence. En guise de planète, il s'agit plutôt de différents îlots qui flottent séparément dans l'espace, et qui se voient reliés entre eux par des sortes de ponts énergétiques appelés arcs d'onde. Grâce à leurs bottes high-tech, nos deux héros sont capables de survoler ces ponts, mais également de suivre des lignes d'onde présentes sur chaque îlot ou, plus simplement, de flotter légèrement au dessus des surfaces standards.
Tout cela débouche sur un système de déplacements très agréable, qui mise quasiment tout sur le vol, ou plutôt le survol. Il reste possible de marcher, mais la lenteur du procédé le réserve à quelques rares moments où l'on souhaite se poser ou se placer à un endroit précis. Par ailleurs, s'il est également possible de passer à volonté d'un personnage à l'autre, la manœuvre s'avère plus esthétique qu'autre chose, car le couple est inséparable et se déplace toujours en duo. Sur la plupart des îlots le survol sert également à nettoyer le terrain infesté de rouille, ce qui permet de ramasser des blocs de ressources au passage. Haven emprunte en effet quelques mécaniques aux jeux de survie, et il est important de récolter tout ce que l'on trouve, afin de pouvoir créer différents éléments, à commencer par de délicieuses recettes de cuisine ! Pommiels rôtis, banaches flambées ou boba laqué figurent ainsi au menu, le jeu ayant l'intelligence de nous proposer des ingrédients fictifs et donc forcément exotiques.
LE CALENDRIER DE L'HAVEN
Les phases de cuisine font partie des activités du quotidien sur lequel le jeu n'hésite pas à mettre l'accent. L'aventure a beau être futuro-spatiale, elle se concentre en réalité sur la vie de couple, dont certains principes semblent intemporels. On peut ainsi assister à des moments de complicité, des disputes, des séances de gym, des douches communes, des parties de cartes, des changements de côté dans le lit, et même des histoires de pieds froids ou de tâches humides sur les draps. Étonnamment, malgré leur aspect parfaitement ordinaire, tous ces moments ne paraissent jamais ennuyeux. C'est en grande partie du à la qualité de l'écriture, à la fois légère, amusante et contemporaine. On a même droit à quelques fulgurances, comme ces insultes fictives qui conviennent parfaitement à la jeunesse des protagonistes, mais nous épargnent toute vulgarité réelle. C'est glichement malin ! En revanche, les développeurs jouent clairement dans la team progressiste, façon Dontnod. Le garçon cuisine, la fille répare les moteurs, ils sont tous les deux vegan, ils échangent leurs corps suite à l'ingestion volontaire de champignons hallucinogènes (car se droguer c'est forcément cool, ami jeune toi-même tu sais), et on apprend au détour d'un ou deux dialogues qu'il est parfaitement normal d'avoir deux mères. Bref, on comprend bien l'intention (éviter les clichés séculaires du couple traditionnel), mais le résultat manque tout de même un peu de subtilité. Il en va de même pour les allusions sexuelles, qui amusent au début et ajoutent à la crédibilité du couple, mais finissent par lasser, voire agacer, tellement elles sont employées de manière systématique. En revanche, il n'y a absolument rien à reprocher au système de combat, bien plus satisfaisant que ce qu'on aurait pu imaginer pour une aventure qui ne place pas les affrontements au cœur de tout. Pas vraiment en temps réel mais pas vraiment au tour par tour non plus, les combats jouent de manière pertinente sur la dualité. La partie gauche de la manette est dédiée à Kay, tandis que les commandes de droite sont réservés à Yu.
L'EMPIRE VEGAN CONTRE-ATTAQUE
On peut ainsi alterner les coups ("impact" pour le corps à corps, "blast" pour le tir à distance) ou, au contraire, réaliser des "duo blasts" et "duo impacts" en synchronisant les deux héros. Une sorte de QTE impose alors de relâcher les commandes au bon moment, la zone de tolérance se réduisant au fur et à mesure que l'on charge l'attaque. Il est également possible de se protéger, ou de pacifier un ennemi dont la barre de vie est tombée à zéro (car on ne tue pas les créatures vivantes ici). Un système de consommables craftés à l'avance enrichit encore la tactique, puisqu'il donne accès à un baume de soins, un omni-blast, un omni-impact et, surtout, un tonifiant très utile qui réduit grandement le temps de charge de toutes les actions. Tout cela fonctionne franchement très bien. Remporter des combats permet de gagner quelques points d'expérience qui ne disent pas leur nom, et qui se dissimulent derrière un système de relation. Plus la complicité entre Kay et Yu grandit, et plus leur barre de vie et la puissance de leurs attaques augmentent. Voilà pour l'aspect RPG du jeu, qui s'avère au final aussi simple qu'efficace. Parmi les autres qualités de l'aventure, on peut citer la direction artistique, qui utilise brillamment les tons pastels et nous propose une faune particulière très agréable à côtoyer. Le seul reproche que l'on pourra faire aux graphisme provient du cel-shading, appliqué de manière un peu trop forte aux personnages qui, heureusement, sont bien plus détaillés sur les dessins qui accompagnent les dialogues.
Le défaut le plus important du jeu reste tout de même sa structure générale, qui impose de faire de nombreux allers-retours entre les différents îlots, alors même que passer de l'un à l'autre engendre un temps de chargement ! A l'heure où les open world sont devenus monnaie courante, ça fait un peu tâche, surtout que l'intégralité du jeu se déroule sur une surface finalement assez réduite. Les choix effectués pour le mode coop sont également contestables, puisque chaque joueur peut prendre la main sur la caméra et les déplacements des deux héros (indissociables l'un de l'autre, on le rappelle) à tout moment. En ligne c'est évidemment un enfer, et la notion de complicité entre les protagonistes en prend un sacré coup. On pourra également regretter l'absence de voix françaises pour un jeu pourtant développé dans l'hexagone. En revanche, il faut impérativement saluer la performance des acteurs anglais, qui nous offrent des voix absolument parfaites. La bande-son mérite également quelques louanges, les sonorités électro et légèrement synthwave composées par Danger, qui avait déjà travaillé sur Furi, collant parfaitement à l'aventure.