Syberia The World Before : on y a joué en avant-première, nos impressions
Décédé en mai dernier, Benoît Sokal aura marqué de son empreinte à la fois le neuvième et le dixième art. Du côté de la bande dessinée, Les Enquêtes de l’inspecteur Canardo resteront sans conteste son plus grand succès, tandis que le monde des jeux vidéo se souviendra surtout de lui pour la saga Syberia, même si L'Amerzone, Paradise ou L'Île noyée parleront également à certains joueurs. A un mois de sa sortie, nous avons eu la chance de pouvoir parcourir les deux premières heures de Syberia : The World Before, l'ultime création vidéoludique de l'auteur.
L'aventure débute au printemps 1937, alors qu'une jeune fille nommée Dana Roze cherche à se rendre sur la place principale de la ville de Vaghen. La saga Syberia aurait-elle abandonné son héroïne habituelle ? Il n'en est heureusement rien. Le jeu alterne en réalité des séquences du passé où l'on incarne ce nouveau personnage, et d'autres plus contemporaines où l'on reprend la main sur Kate Walker. Cette double temporalité a l'avantage de varier les situations et d'enrichir l'univers uchronique de Benoît Sokal, qui se montre d'ailleurs à la fois étrange et familier. Les tramways et cafés de Vaghen évoquent clairement les villes d'Europe centrale et de l'est, mais les conducteurs automates et les ordinateurs cathodiques aux faux airs de postes de radio d'antan indiquent quant à eux que nous avons bel et bien affaire à un univers parallèle. The World Before détourne également l'Histoire, puisque les séquences se déroulant dans le passé nous placent face à l'Ombre Brune, un parti national-socialiste dont le logo rouge blanc et noir vous rappellera forcément quelque chose. Il faudra vérifier lors du test final si ce scénario ne tombe pas trop dans les clichés mais, en attendant, on peut d'ores et déjà tirer notre chapeau aux développeurs pour le travail effectué sur les décors.
Extrêmement élégante, la direction artistique met en valeur une architecture riche et convaincante. Le tout premier chapitre du jeu s'achève d'ailleurs sur une séquence musicale qui ne manque pas de classe. Gigantesque piano d'inspiration steampunk, automates musiciens jouant sur divers instruments à cordes et à vent, oiseaux mécaniques sortant des bâtiments et simulant leur envol, et grande et belle place entourée d'immeubles et de monuments détaillés participent au plaisir des yeux et des oreilles. Cependant soyez prévenus que les graphismes ne brillent pas en permanence. Si les décors s'en sortent avec les honneurs (pour des raisons artistiques plus que techniques d'ailleurs), la modélisation et l'animation des personnages paraissent assez vieillottes. Et certains plans de caméra commettent quelques faux pas, en se rapprochant à l'excès de certaines textures trop peu détaillées pour être vues d'aussi près.
BON FOND ET PETITE FORME ?
C'est donc sur le fond plus que sur la forme que le jeu peut espérer marquer des points. Outre le chapitre d'introduction évoqué plus haut, cette version preview nous a également permis de découvrir une Kate Walker prisonnière d'une vraie-fausse mine de sel, qui couvre en réalité des opérations de recherche de vestiges néo-nazis. Ce petit passage en l'année 2004 était suivi d'un retour en 1937 auprès de Dana Roze, puis de plusieurs séquences centrés sur Kate, cette dernière réussissant à s'évader puis à se rendre à Vaghen à l'automne 2005, afin de retrouver les traces de Dana dont elle possède un portrait. Ces allers-retours et ces destins croisés devraient constituer un point fort du jeu, puisqu'ils semblent rythmer efficacement la progression et la narration. Quant aux quelques énigmes que nous avons du résoudre, elles nous ont paru plutôt plaisantes. De manière relativement classique, cette partie "réflexion" fait la part belle aux objets à observer et aux mécanismes à déclencher. Mais ce dernier point qui peut paraître artificiel et incongru dans d'autres jeux d'aventure s'avère ici pertinent et cohérent, puisque nous sommes dans un monde peuplé d'automates. Il est donc logique que certaines énigmes nous placent face à des dispositifs aux multiples rouages et tiroirs cachés.
Syberia The World Before se dote par ailleurs d'objectifs secondaires totalement optionnels, qui incitent à l'exploration. Pour les atteindre il faut généralement regarder l'ensemble des décors au lieu de foncer sur l'objectif principal. Voilà qui invite à la découverte et pourra rallonger un peu la durée de vie pour ceux qui souhaiteraient tout découvrir. Reste l'épineuse questions du système de déplacements, celui de Syberia 3 nous ayant particulièrement déçu il y a cinq ans. Cette fois les développeurs ont essayé de ménager la chèvre et le chou, c'est à dire de proposer un système convenant aussi bien à la manette qu'à la souris. Aucune des deux options ne nous semble encore parfaite pour le moment, mais l'ensemble reste tout de même au dessus de Syberia 3. Surtout, les adeptes des point and click les plus classiques seront heureux d'apprendre qu'il est désormais possible d'utiliser la souris de manière traditionnelle. Comprenez par là qu'un clic suffit pour se déplacer à l'endroit désigné tandis qu'un double clic accélère les déplacements, la caméra se chargeant alors de tourner par elle-même lorsqu'on s'approche d'un virage ou recoin... au prix de quelques approximations parfois. Nous vous préciserons naturellement lors du test si ces déplacements à la souris, ainsi que les contrôles à la manette, restent (légèrement) problématiques sur le long terme, ou si l'on finit par s'y faire pleinement.
A la fois suite et préquelle des précédents épisodes, Syberia The World Before semble bien parti pour ravir les fans de la saga, qui retrouveront avec plaisir son ambiance si particulière. A coups d'automates et de villes fictives, l'univers uchronique arrive à la fois à nous dépayser totalement et à évoquer notre histoire et notre géographie bien réelles. Dans ce quatrième épisode, l'architecture des superbes décors s'inspire plus que jamais des pays d'Europe Centrale, tandis que la possibilité de jouer dans deux époques différentes renforce l'intérêt de l'aventure tout en faisant écho aux événements de la seconde guerre mondiale. La réalisation reste tout de même relativement datée en ce qui concerne la modélisation et l'animation des personnages, tandis que le système de déplacements se cherche encore un peu. Rendez-vous le mois prochain pour savoir si les qualités fondamentales du jeu arriveront ou non à faire oublier ses quelques probables défauts techniques.