Stormrise
Du passé, faisons table rase ! Seigneur de la stratégie sur PC, le second studio de The Creative Assembly se lance dans une aventure aussi inédite que dangereuse : le développement d’un RTS sur consoles. De passage à Paris, ils nous ont présenté, et laissé prendre en mains, le fruit de leurs efforts. Effrayant bricolage ou chef d’œuvre absolu, nous nous garderons bien de porter un jugement définitif à l’issue de ces quelques minutes de jeu. Mais ce Stormrise ne manque définitivement pas d’air…
Comme le faisait très justement remarquer un confrère à l’issue de la présentation de Stormrise, les constructeurs semblent de plus en plus s’agacer de l’absolue hégémonie du PC en matière de RTS, et multiplient les attaques contre ce solide bastion. Le poids du PC dans l’industrie tend à diminuer, mais la stratégie, comme les MMO et divers jeux de niche, permettent aux maniaques de la souris de survivre dans un monde qui voudrait bien les voir tous basculer sur de bonnes vieilles consoles. Si de géniaux commerciaux ont réussi à imposer l’idée délirante que les FPS, c’est mieux avec un pad, il est plus délicat de convaincre les extrémistes du clic d’aller jouer dans leur salon, ou de contraindre les adorateurs de la Xbox 360 ou de la PS3 de balader, à l’aide d’une manette, un curseur au milieu de centaines de petites unités entassées dans un coin de leur téléviseur. Depuis Dune II, pas une année n’est pourtant passée sans qu’un studio, petit ou très très gros, ne déclare avoir mis au point LE RTS console qui va tout changer. Inutile de dire que malgré les promesses, aucun n’y est parvenu. Certains s’acharnent pourtant. En ce début d’année, ce ne sont rien de moins que deux des grands spécialistes du genre sur PC qui s’attaquent aux machines de salon. Ensemble Studios, à l’origine de Age of Empire, sort un Halo Wars posthume, et The Creative Assembly, à qui l’on doit les Total War, prépare donc ce Stormrise. L’implication de ces adorateurs des bugs Windows dans un projet qui vise à tuer encore davantage le marché PC peut étonner. Mais qui mieux que les rois du genre pourrait développer un vrai RTS sur les machines de nouvelle génération ? Las de voir les portages réalisés à la va-vite ou les projets originaux mais mal-fichus se multiplier, les deux équipes se sont lancées à l’assaut de ces supports exotiques, simplement armées de tout leur savoir-faire.
Avis de tempête
Pour parvenir à leurs fins, les Australiens de The Creative Assembly ont choisi de bouleverser l’interface inhérente au genre. Première mesure : changer de perspective et opter pour une vue à la troisième personne digne d’un jeu d’action. Puis, pour répondre aux moult clics et autres déplacements de souris et raccourcis clavier nécessaires à l’accomplissements d’actions élémentaires sur PC, mettre au point une maniabilité vive et extrêmement simple, basée sur un concept novateur mais immédiatement compréhensible. Cette innovation, c’est le Whip Select, qui permet de passer instantanément d’une unité à l’autre. Chaque membre de votre armée est symbolisé par une icône qui apparaît sur l’écran, et il vous suffit d’une simple pression sur le stick droit dans la direction de la troupe ciblée pour que la caméra se déplace jusqu’à elle et que vous en preniez les commandes. Présenté par Vispi Bhopti, responsable des relations presse de l’équipe, le concept semble aussi intéressant que bien pensé. Les unités défilent à l’écran, chacune reçoit ses ordres, et toutes se déplacent dans un ballet merveilleusement réglé. Vient le moment où le journaliste intrigué prend les choses en main. Et là, consternation : impossible de savoir quoi faire et, surtout, comment le faire. Après quelques minutes de galère (en lan qui plus est, autant dire que la partie fut chaotique) et d’explications particulières, on finit par comprendre ce que l’équipe de Brisbane a voulu faire. Puis, d’un coup, miracle, ça marche, on s’y retrouve, on s’en sort. Moins bien évidemment que le très l’efficace Vispi, mais pas trop mal quand même, et surtout, on comprend où le studio veut en venir. Car passer quasi-instantanément d’une unité à l’autre, quelle que soit la distance et les obstacles qui les séparent, l’idée n’est pas pour déplaire aux stratèges que nous sommes. La formule ouvre de nouveaux horizons, puisqu’elle permet d’évoluer en trois – vraies – dimensions. Les PCistes vous le diront, l’usage de la 3D dans les RTS ne sert jamais à autre chose qu’à vous en mettre plein les mirettes, et Starcraft II, suite en 3D d’un jeu 2D vieux de onze ans, se jouera exactement comme son prédécesseur. En changeant de point de vue, Stormrise permet aux joueurs de mener simultanément ses unités dans des souterrains, sur les routes de surface et au sommet des immeubles, de combattre sur tous les fronts et de tendre des embuscades sans s’appuyer sur le seul brouillard de guerre.
Ciel couvert et éclaircies
La création australienne pourrait presque s’apparenter à un simple jeu d’action en 3D, si elle n’était pourvue de ce curieux système de sélection ainsi que de mécaniques typiques du genre, comme l’entraînement de troupes ou l’accumulation de ressources (ou plutôt d’une seule et unique matière première) ! Des points d’énergie sont en effet dispersés sur la carte, sur lesquels vous pouvez construire un node, structure multi-fonction, à la fois tourelle de défense et site d’extraction. Les points d’énergie amassés par ce biais vous permettent de créer de nouvelles unités dans le seul autre bâtiment dont vous disposez, une espèce de pod coloré qui vous sert de QG. Mieux vaut être prudent, car vous pouvez rapidement perdre votre emprise sur le terrain. Les différents nodes sont reliés entre eux pas des lignes de ravitaillement et pour peu que votre adversaire arrive à prendre un point de contrôle-clé, la partie peut basculer en sa faveur. De tels revirements ne manqueront pas de pimenter les parties multi, dans lesquelles les développeurs placent de grands espoirs. Il faut dire qu’avec sa réalisation assez moyenne, son univers pas franchement sexy, entre Mad Max et Fallout, ses héros têtes à claques et son intrigue bizarroïde, la campagne ne risque pas d’enflammer les foules. Pensée comme un simple apéritif avant le gros morceau online – en fait, un simple versus, de 2 à 8 participants – elle permettra essentiellement de se familiariser avec les commandes. Un choix étonnant de la part des auteurs de Medieval II Total War et de ses extensions, titres qui offraient une expérience solo d’une longueur et d’une richesse peu commune. Le studio de Brisbane préfère ici oublier ses acquis pour mieux reconstruire un genre sur des supports qu’il méconnaît. Un sacré pari, pour un résultat pas vraiment attrayant mais sacrément intrigant pour qui fait l’effort de comprendre son fonctionnement. Une chose est sûre : le vent de la nouveauté soufflera à la fin du mois de mars sur PC, PS3 et Xbox 360.