Outriders : Square Enix lance son Gears of War, est-il à la hauteur ?
La Pologne abrite décidément une poignée de développeurs reluisants, bien plus qu’on ne le pense. Parmi eux, on peut citer aisément CD Projekt RED, à qui l’on doit The Witcher ; Techland, derrière le talenteux Dying Light ou même 11 Bit, firme indépendante à l’origine du dramatique mais réaliste This War of Mine. Puis, il y a aussi la grosse machine People Can Fly, passé un moment sous le giron d’Epic Games, ayant accouché du sombre Painkiller en 2004, bossé sur de nombreux Gears of War et sculpté de toute pièce le génial Bulletstorm. Aujourd’hui, la firme est non seulement basée à Varsovie mais également à Rzeszów, autre ville nationale, ainsi qu’en Angleterre et à New-York : bref, son expansion est bluffante et tout ce beau monde planche actuellement sur un nouveau TPS coopératif du nom d’Outriders, avec le soutien du géant Square Enix. Chouette nouvelle, nous avons fait le déplacement jusqu’à la capitale polonaise pour y jouer plusieurs heures et vous livrer notre avis passionné.
À vrai dire, l’annonce d’Outriders n’est pas récente. Son premier trailer remonte même à sept mois, lors de la conférence Square Enix : seulement voilà, hormis de très jolis environnements a priori extraterrestres, voire carrément post-apocalyptique et le design de quelques personnages en CGI, difficile de cerner la prochaine production de People Can Fly. Notre session de gameplay de plusieurs heures, effectuée lors d’une immense présentation accueillant la presse internationale à Varsovie, était donc tout à fait inédite. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les concepteurs ont mis le paquet sur leur nouveau projet, un shooter particulièrement bourrin à la troisième personne empruntant beaucoup à Gears of War…ainsi qu’aux standards actuels.
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Bienvenue en 2159, dans une ère où l’humanité vit sa plus grande galère jamais connue. Et encore, c’est peu dire : la Terre est complètement dézinguée suite aux guerres et autres changements climatiques, conduisant l’espèce humaine à s’abriter aux tréfonds de l’espace, coûte que coûte. Après 80 ans de voyage en cryogénisation, seul un vaisseau des deux colonies humaines envoyées atterrit sur Enoch, une mystérieuse planète colorée abritant un signal énigmatique. Évidemment, une fois sur place, un événement imprévisible se déroule : une tempête aux propriétés surnaturelles, nommée l’Anomalie, ballait tout sur son passage, vous y compris. C’est là que l’histoire débute véritablement après un bref tutoriel. Votre personnage, un Outrider que vous constituerez via un éditeur dédié, se réveillera trente ans plus tard, renforcé miraculeusement par les pouvoirs de l’Anomalie : Enoch est devenu un joyeux bordel, rongé par le climat et les populations déglinguées du bulbe qui ne vivent que par le sang versé.
Des combats efficaces donc, mais aussi particulièrement répétitifs. C’est l'un des problèmes repérés jusque-là dans notre périple : les armes, qui peuvent être achetées ou récupérées par terre, ne varient que très peu, tout comme le bestiaire implémenté.
Autant dire que la situation est gravissime. Non seulement les espoirs de colonisation sont a priori anéantis, mais il advient aussi de survivre par tous les moyens possibles : le monde d’Outriders s’avère impitoyable et, en vérité, particulièrement post-apo dans l’esprit. Peut-être même un peu trop. Bidonvilles métalliques, tranchées militaires sableuses, usines désaffectées grisâtres… C’est très bourrin dans l’âme – ceci dit en totale adéquation avec le game design que nous vous détaillerons plus tard – mais malheureusement pas très voyageur, beaucoup moins que ne le laissait présager l’introduction et ses paysages séduisants. Durant nos quelques heures de jeu, la direction artistique s’est donc avérée assez plate, peu renouvelée et surtout, si l’on veut comparer, moins inspirée et grandiose que pouvait l’être celle de Gears of War Judgement, précédent titre du studio. On espère que le reste de l’aventure saura vraiment se renouveler, l’univers en a pourtant le potentiel.
TPS coopératif jouable jusqu’à trois, le titre demande, au début de l’aventure, de créer votre propre Outriders. L’éditeur de personnage est plutôt complet mais mise surtout sur le choix d’une classe parmi les quatre proposées : si une reste encore à dévoiler, les autres ont déjà été mises en avant dans cette preview, chacune permettant des pouvoirs différents sur le terrain. La première catégorie, Trickster, est à la fois offensive et défensive, permettant de ralentir le temps dans une zone proche ou de se téléporter. La seconde, le Dévastateur, porte bien son nom en usant de la gravité pour exploser l’environnement ; enfin, le Pyromane joue, sans surprise, avec le feu en recouvrant le terrain de ses flammes dévastatrices. Des capacités très classiques, plutôt efficaces, mais qui ont surtout le mérite de se compléter lors d’une session multijoueur. Malgré tout, difficile d’en relever une véritable originalité, un problème assez récurent dans Outriders.
C'EST DE BONNE GEARS
Après avoir bossé sur plusieurs Gears, People Can Fly a eu l’occasion de travailler encore plus concrètement sur Gears of War Judgment en 2013. Pour cette nouvelle franchise, l’inspiration de la célèbre saga de Microsoft est plus qu’évidente. À vrai dire, le gameplay et le level design d’Outriders s’articulent exactement de la même manière : des niveaux linéaires – il est possible de naviguer entre les zones proposées, un hub étant disponible - d’innombrables ennemis armés jusqu’aux dents et des dizaines de couvertures possibles avec lesquelles il faudra jongler pour échapper et contrer les tirs adverses. Clairement, le soft mérite complètement son surnom de Gears-like et s’avère très efficace dans ses phases d’action particulièrement sanglantes, brutalement jouissives à certains moments. Les explosions d’hémoglobines et autres animations réfèrent directement aux aventures de Marcus Phoenix, toutefois, il faut l’avouer, sans leur caractère épique, parfois grandiose. Bien sûr, People Can Fly ne dispose certainement pas du même budget non plus – forcément, il s’agit de réaliser un jeu avec les moyens accordés.
On ne savait pas trop quoi attendre d’Outriders, voici notre lanterne bien éclaircie : il s’agit d’un Gears-like efficacement bourrin qui saura certainement contenter les aficionados de défouloirs bêtes et méchants.
Des combats efficaces, donc, mais aussi particulièrement répétitifs. C’est un des problèmes repérés jusque-là dans notre périple : les armes, qui peuvent être achetées ou récupérées par terre, ne varient que très peu tout comme le bestiaire implémenté. Véritables sacs à PV, tous intégrant un niveau et une barre de vie, seule une poignée de types d’ennemis se sont opposés à nous tout du long… et sans vraiment bousculer nos stratégies d’attaque. Des affrontements un poil bêtes et méchants, assez plats dans leur fonctionnement qui peuvent déboucher, à la longue, sur une lassitude évidente. De plus, certains rouages « à la mode », comme du loot assez futile, donne cette impression d’intégrer des mécaniques populaires juste pour se mettre à la page, sans réelle pertinence. Une formule qui manque d’âme, en soi, heureusement balancée un tant soit peu par la technique et la narration.
PEOPLE CAN KILL
Bien que l’on crée notre propre bonhomme, celui-ci est néanmoins très mis en avant dans de nombreuses cinématiques, choix de dialogues à l’appui, plutôt bien réalisées. La promesse d’exploration d’une planète sauvage et inconnue, possible trésor à la clé, est alléchante et la facette badass de notre héros/héroïne est réussi : une écriture assez classique mais certainement pas mise de côté, qui pourrait faire mouche, en tout cas on l’espère, lors de la sortie du jeu final. Prévu sur PC, PlayStation 4 et Xbox One (et très probablement sur PS5 et Series X), Outriders s’en sort plutôt bien malgré le frein de sa direction artistique peu originale. À savoir que nous jouions sur PC en ultra – le rendu sur consoles de salon reste un mystère – affichant une fluidité honnête, primordiale pour ce genre de jeu d’action nerveux : on croise donc les doigts pour que les 60FPS soit infaillible sur les autres plateformes. Côté bande-son, le jeu semble s’en sortir avec les honneurs avec une OST rock et plutôt sombre, tout à fait adaptée aux différents gunfights. Il est d’ailleurs de même pour le sound design qui ne casse certainement pas trois pattes à un canard mais qui s’inscrit dans l’efficacité… C’est un peu tout le problème et la force d’Outriders pour qui les risques ne semblent pas faire partie de sa politique.
On ne savait pas trop quoi attendre d’Outriders, voici notre lanterne bien éclaircie : il s’agit d’un Gears-like efficacement bourrin qui saura certainement contenter les aficionados de défouloirs bêtes et méchants. Si, une fois manette en mains, la formule (déjà connue) fonctionne plutôt bien grâce à un système de tir et de couverture qui a fait ses preuves il y a de nombreuses années, difficile toutefois de trouver au nouveau titre de People Can Fly une âme bien définie. Sa direction artistique post-apo ne le met pas vraiment en valeur, son level design s’annonce particulièrement plat et certaines de ses mécaniques occasionnent une véritable répétitivité. Néanmoins, son aspect narratif et sa facette coopérative devraient alléger la recette pour une aventure certainement pas mauvaise, pas peut-être un peu trop ordinaire.