Mindscape : 2011, l'année du changement
Connue pour sa production récente majoritairement basée sur des adaptations catastrophiques de licences télévisuelles ou cinématographiques comme Koh-Lanta, Intervilles ou encore Bienvenue Chez les Ch'tis : Le Jeu, l'entreprise Mindscape est encore auréolée de cette réputation d'éditeur spécialisé dans la production bas-de-gamme. Un état des lieux dont cette dernière n'est pas dupe et qui l'a poussé à réorganiser ses objectifs dans le but de s'orienter vers des produits plus ambitieux, via des nouvelles IP et surtout un studio interne nommé Punchers Impact. Nous nous sommes donc rendus dans les locaux français de l'éditeur pour jeter un œil à ce changement de cap.
La nouvelle direction prise par Mindscape pour tenter de se détacher de sa mauvaise réputation passe donc par des modifications profondes dans son catalogue et l'arrivée de titres orientés gamer afin de reconquérir un public lassé d'adaptations foireuses. Une mutation qui a connu une première étape, avec la mise en place d'un studio interne nommé Punchers Impact, spécifiquement dédié à la conception de jeux pas forcément grand spectacle, ni mis sur le marché à grands renforts de financements imposants, mais qui s'adressent à une cible bien définie. En effet avec Lucha Fury, un beat'em all à l'ancienne et Crasher, un jeu de type Defend of the Anciens, Punchers Impact cherche à s'orienter vers du jeu pour le jeu sans se poser d'obligations de coller aux modes du moment. Un choix radical qui illustre bien la volonté de Mindscape de repartir de zéro, aussi bien dans les esprits des joueurs, du média que de la presse. Un désir qui est loin d'être simple à mettre en œuvre comme le reconnaît Guillaume Descamps, Directeur Créatif et Producteur Exécutif chez Mindscape mais aussi Directeur de Punchers Impact, avec qui nous nous sommes entretenus.
L'impact du changement
Pour lui, ce changement d'image est compliqué, notamment à cause de la fraîcheur de l'intégration de Punchers Impact dans Mindscape et surtout des nombreux changement très souvent méconnus au sein de la société . Une grande partie des personnes présentes à l'époque des sorties de Pékin Express ou Koh-Lanta n'est plus dans l'entreprise et les nouveaux arrivants n'ont pour la plupart que simplement entendu parler de ces titres. De fait, une certaine frilosité se fait encore ressentir lors des sessions de présentation. Guillaume Descamps précise en effet que lors des premières démonstrations de Lucha Fury ou de Crasher, les journalistes présents s'attendaient justement à du Mindscape et "rigolaient" avant même de voir le jeu tourner. Une mise à mort injustifiée puisque la présente entreprise et son équivalent étaient "deux mondes totalement différents" il y a un ou deux ans. Le public et la presse ont en effet « une bonne image de Punchers mais continuent à détester Mindscape, alors que c'est une même entité ». Une situation brouillée qui tient à l'image encore très vivace accrochée à Mindscape qui risque également de nuire aux premières productions du studio. Selon Descamps, Lucha Fury et Crasher seront accueillis différemment avec un logo Mindscape, avec sans doute plus d'a priori : "Peut-être que ces premiers projets vont en pâtir un peu. On va perdre sans doute 1 ou 2 points sur beaucoup de sites. Mais si nous faisons bien notre travail et que les joueurs trouvent que les jeux sont sympas, peut-être pas les jeux de l'année mais qu'ils sont fun, il n'y a pas de raison que les journalistes nous renvoient encore en pleine face : c'est Mindscape. Parce qu'on ne va pas encore vivre 10 ans sur le passif de l'ancienne génération". Il va donc falloir du temps pour que s'opère la transition, avec les risques qui l'accompagnent, que ce soit au niveau de l'impact sur la critique et les ventes, ou celui du ressenti du public. Car Mindscape, via Punchers Impact, n'a pas pour vocation – et comme le souligne Guillaume Descamps – pas les moyens non plus de concurrencer Ubisoft ou Activision avec des titres tels que Assassin's Creed ou Call of Duty.
"On va perdre sans doute 1 ou 2 points sur beaucoup de sites. Mais si nous faisons bien notre travail et que les joueurs trouvent que les jeux sont sympas, peut-être pas les jeux de l'année mais qu'ils sont fun, il n'y a pas de raison que les journalistes nous renvoient encore en pleine face..."
Les projets à venir se baseront sur des idées et non sur des trains à prendre en marche, notamment dans le contexte d'une industrie jeune qui fonctionne sur la réutilisation de formules gagnantes : "Certains éditeurs se disent : si je suis deuxième ou troisième sur un Gears of War like, je peux prendre 20% du marché et je sais qu'au final, mon jeu sera rentable". Le pari de la nouveauté est certes risqué mais il trouve un certain garde-fou avec des objectifs de ventes relativement modestes pour espérer une rentabilité, ainsi qu'une utilisation du support dématérialisé. En effet, l'absence de pressage et de mise en magasin (qui peut se chiffrer à environ 900 000€ pour la distribution de 100 000 exemplaires, et ce sans prendre en compte les budgets de développement comme le précise Guillaume Descamps), permet d'une part de rassurer les financiers et d'autre part, d'être rentable à des limites de ventes bien moindres. D'autant plus qu'il n'y a pas réellement d'invendus et donc pas de remboursement sur les boîtes restantes. Les supports que sont les plates-formes de téléchargement peuvent en effet permettre à l'éditeur de proposer des jeux à 10/15€, sans forcément s'étaler sur des projets d'une douzaine d'heures de jeu. Le coût de développement peut donc être mieux réparti et donner la possibilité de fournir au joueur un jeu "HD", peut-être avec moins de contenu que des blockbusters, mais dans l'absolu de qualité et surtout plus à même d'augmenter les moyens alloués à la création chaque année. Ce qui n'empêche pas Mindscape de regarder également vers Kinect ou la prochaine Nintendo 3DS, mais pas dans une volonté unique d'exploiter cette future manne financière, simplement parce qu'un concept précis correspondait à la machine de Nintendo. Selon Guillaume Descamps, son but n'est pas de développer sur une console qui marche, sans bien évidemment se forcer à aller dans un domaine en déclin, mais à choisir la plate-forme selon ses forces et ce qu'elle peut apporter. Un peu comme le studio Ready at Dawn qui a choisi une PSP pourtant en retrait pour imposer un Daxter ainsi qu'un duo God of War : Chains of Olympus / God of War : Ghost of Sparta.
Moins de jeux mais plus gamer
Une modification d'objectifs qui implique dans le même temps une diminution du nombre de titres développés chaque année. Après la quarantaine de jeux mis sur le marché par an au cours des trois dernières années, le rythme va désormais se caler sur 1 ou 2 produits par trimestre. C'est sur ces derniers que va travailler Punchers Impact et sa quarantaine de salariés, dont la plupart a déjà officié sur des projets d'envergure pour le compte d'Electronic Arts ou encore d'Ubisoft. Les deux premiers de cette future série de parutions sont donc Lucha Fury et Crasher, que nous avons également pu essayer lors de cette visite chez Mindscape. Le premier est un beat'em all humoristique dans la veine d'un Castle Crashers (du studio The Behemoth) qui s'oriente vers la coopération offline. Un choix de conserver le jeu à quatre joueurs en local pour éviter les problèmes possibles de lag, qui pourraient poser problème à un titre basé sur des actions en teamplay au timing précis, si l’on en croit les dire des développeurs. Adoptant un style 2D détaillé et très coloré, Lucha Fury n'était terminé qu'à 70% lors de cette session d'essai, mais donnait déjà l'occasion de s'essayer à la collaboration selon un système de coups spéciaux réalisables à deux. Différents selon le personnage à l'origine de l'attaque, ces derniers nécessitent une bonne coordination entre les deux joueurs, l'un devant en effet faire appel à son coéquipier, afin que celui-ci appuie sur une touche pour entrer dans l'action et martyriser l'un des nombreux ennemis à disposition. Un principe assez classique mais qui dynamise bien un gameplay qui tire également parti du décor et offre des interactions sympathiques. Avec ses gros boss aux patterns assez originaux, Lucha Fury semble se profiler comme un jeu pop-corn qui colle bien à ses ambitions de divertissement convivial, malgré des problèmes de collision, de précision et de bugs graphiques dépendant de l'avancement du projet. Sa sortie n'est d'ailleurs pas prévue avant le premier trimestre 2011.
Les projets à venir se baseront sur des idées et non sur des trains à prendre en marche, notamment dans le contexte d'une industrie jeune qui fonctionne sur la réutilisation de formules gagnantes."
Crasher est quant à lui moins facile d'accès, appartenant au genre un peu plus fermé des MOBA (pour Multiplayer Online Battle Arena), comme Demigod ou encore League of Legends. Dans les faits, le jeu vous permet de contrôler divers véhicules dans des affrontements pouvant accueillir 10 joueurs maximum que ce soit en coopération ou en compétition. Répartis en classes comme le Tank, le Défenseur, le Constructor ou encore le Damage Dealer – nécessitant chacune une approche différente, plus ou moins proche du centre des combats –, ces unités mécaniques peuvent être customisées avant chaque affrontement avec une vingtaine d'armes différentes et un choix de capacités spéciales (limitées à 4) au sein d'une sélection assez classique. Les diverses manches se déroulent ensuite dans des arènes relativement ouvertes et pour certaines évolutives au sein desquelles il faudra se battre pour sa vie dans des Deathmatchs (Crasher Battle Arena) ou au cœur d'un système de contrôle de zone. Plutôt bien réalisé et fluide, Crasher trouve sa véritable originalité dans son principe de Situations Skills, à savoir des bonus génériques pour certains et spécifiques à une classe de véhicules pour d'autres, qui peuvent également être définis par avance. Ces derniers permettent, comme leur nom l'indique, de se sortir de moments délicats et se déclenchent après avoir remplis certaines conditions. Un principe intéressant qui apporte une dose de stratégie dans la préparation d'avant match et rend chacune des 6 classes de monstres mécaniques virtuellement unique. Le tout se montre bien plus dynamique que les MOBA classiques, les véhicules étant effectivement rapides et assez agiles sur les zones d'affrontements particulièrement chaotiques du jeu. Comme tout MOBA qui se respecte, Crasher possède également un système de gain d'XP, qui permet de débloquer des nouvelles compétences si l'on s'en tient à la progression d'expérience classique, mais aussi des Situations Skills grâce à certaines actions spécifiques. Bien évidemment, le tout devra reposer sur une communauté solide et un système de matchmaking efficace pour parler aux joueurs. La possibilité de mettre en place des serveurs dédiés est d'ailleurs à l'étude. Prévu sur PC d'ici au premier trimestre 2011, Crasher pourrait également voir le jour sur XBLA et PSN.
Une modification d'objectifs qui implique dans le même temps une diminution du nombre de titres développés chaque année. Après la quarantaine de jeux mis sur le marché par an au cours des trois dernières années, le rythme va désormais se caler sur 1 ou 2 produits par trimestre."
Un projet de niche, qui se montre pourtant très accessible et agréable à jouer et ce même s'il reste encore quelques réglages à effectuer, qui doivent d'ailleurs être dans la ligne de mire de la très récente bêta fermée. Reste à voir si l'univers choisi convaincra les amateurs de MOBA plus habitués à un univers heroic-fantasy. Lucha Fury et Crasher vont donc typiquement dans la nouvelle direction que souhaite adopter Mindscape, celle du jeu gamer sympathique qui ne tombe pas dans le hardcore avec des mécanismes de progression par l'échec, sans pour autant s'accrocher aux effets de mode inondant le marché. Une volonté louable dont la réussite est à jauger sur le long terme, la refonte de l'éditeur étant très récente et le marché pouvant rapidement changer, comme ce fut le cas avec l'arrivée de la Wii et de sa cohorte de jeux qui poussèrent nombre d'éditeurs à s'en servir pour financer leurs projets majeurs. Un type d'extrêmité à laquelle se refuse par principe Guillaume Descamps.