ITW Hiroyuki Kobayashi (DMC 4)
De passage à Paris la semaine dernière pour recevoir un prix d’honneur du Micromania Games Awards, Hiroyuki Kobayashi a en profité pour rencontrer une partie de la presse française du jeu vidéo. Une belle occasion pour nous de retrouver l’homme qui est à l’origine de Devil May Cry 4 mais aussi du cultissime Killer7. Nous avons donc répondu présent pour cet entretien où la langue de bois a été bannie. A cœur ouvert, il nous parle et nous donne les explications aux questions que l’on s’est posé en jouant au très bon Devil May Cry 4.
Pour cet entretien en compagnie de Hiroyuki Kobayashi, nous vous proposons deux choix de lecture : l'interview écrite classique ou l'interview vidéo. La première est plus longue et plus complète car retranscrite dans sa totalité alors que la seconde est plus agréable à regarder. Durée de la vidéo : 5 minutes. Faites votre choix.
Interview Hiroyuki Kobayashi / VERSION HD 720p (509 Mo)
INTERVIEW HIROYUKI KOBAYASHI
Producteur de Devil May Cry 4
JeuxActu : Dans Devil May Cry 4, c’est le personnage de Nero qui est catapulté au rang de nouveau héros du jeu, tandis que Dante est relégué au second plan. Vous en aviez marre de Dante ?
Hiroyuki Kobayashi : Non, rassurez-vous, nous aimons toujours autant le personnage de Dante mais je pense que si nous avions seulement gardé ce personnage, seuls les fans, ceux qui ont joué aux précédents volets de la série, auraient apprécié ce Devil May Cry 4. Le but étant de plaire à un grand nombre de joueur, on souhaitait faire découvrir ce jeu à de nouvelles personnes, et c’est pour cela que le personnage de Nero a été créé. Cela tombait bien car Devil May Cry 4 est le premier épisode à voir le jour sur PlayStation 3 et Xbox 360 et c’était l’occasion idéal pour faire découvrir le jeu à ces nouvelles personnes.
Les situations dans Devil May Cry 4 sont souvent grotesques, du moins de notre point de vue de joueurs européens, avec ce côté too much qui colle à la peau de la série depuis le troisième épisode. Avez-vous un goût prononcé pour les séries B ?
Effectivement, depuis Devil May Cry 3, que ce soit avec Monsieur Shimomura ou Monsieur Itsuno, le réalisateur de la série, la mise en scène a tendance à être exagérée. Le but est de rendre l'action amusante et plus attirante à jouer. Mais en ce qui me concerne, surtout si l'on compare Devil May Cry à Resident Evil, je ne trouve pas que ce côté grotesque que vous lui trouvez soit plus prononcé. On a surtout mis l'accent sur l'action afin de la rendre plus spectaculaire.
On avait reproché à Devil May Cry 3 des séquences un peu too much, à la limite même du ridicule, Devil May Cry 4 semble plus posé. Vous êtes vous rendus compte de quelque chose de votre côté ? Que vous aviez peut-être poussé le bouchon trop loin.
En ce qui concerne Dante, c'est peut être effectivement le cas, du moins pour un regard occidental. Pour l'humour, on se rapproche un peu sur tous les niveaux d'un personnage à l'américaine, c’est pour cela que Dante semblait être un peu grotesque de votre point de vue.
Il faut attendre la moitié du jeu environ pour prendre les commandes de Dante. C’est une très bonne idée mais toute la partie avec lui est en réalité un mode Reverse à peine caché. Panne d’inspiration ou contrainte de temps ?
Effectivement pour la phase de jeu avec Dante, vous êtes obligés de faire marche arrière et de retrouver les mêmes décors que ceux découverts avec Nero. La base du jeu est construite de cette manière dans la mesure où, scénaristiquement, Dante devait revenir sur les pas de Nero. Au fait, tout cela a été une volonté bien établie et bien évidemment on aurait pas eu le temps de refaire toute une nouvelle moitié de jeu supplémentaire, même si dans l’absolu, cela aurait été bien.
On reproche souvent au jeu vidéo de proposer des scénarios légers, pas à la hauteur de ce média qui aimerait être considéré comme un art. Comment fonctionnez-vous chez Capcom ? Est-ce l’idée d’un gameplay qui ouvre le chemin à un scénario ou l’inverse ?
C'est un développement qui est fait en simultané. Ce n’est pas le scénario qui entraîne la construction d’un gameplay ni même l’inversement. Les deux aspects de la production sont intimement liés. Par exemple, dans Devil May Cry 4, lorsqu’on a décidé que le personnage de Nero serait doté du Devil Bringer, cela a bien évidemment influencer sur le scénario. Ensuite, quand on a décidé de mettre une action en place, on se rend compte des conséquences et des répercussions sur le gameplay, mais aussi sur le scénario. Le gameplay et le scénario vont vraiment de paire assurément !
Devil May Cry 4 a été annoncé de prime abord comme étant une PlayStation 3 et finalement il est sorti sur Xbox 360 et bientôt sur PC. On a eu la même chose pour Lost Planet qui est sorti d’abord sur Xbox 360 puis ensuite sur PC et PS3. Est-ce inévitable de développer des jeux multi-supports aujourd’hui pour survivre ?
Cela varie en fonction de chaque titre, mais si l'on se met à réfléchir à une échelle mondiale et purement stratégique, je pense que le développement multi-support est assez inévitable. Evidemment, on peut développer des jeux spécialement pour une console mais cela est surtout une question de stratégie et de plan commercial. Pour Capcom, cela va devenir un standard de développer au moins sur Xbox 360 et PlayStation 3. Après, savoir si l’on doit adapter tous nos jeux sur Wii, PC et les autres consoles portables est un autre problème. Capcom ne pourra, de toutes les manières, pas satisfaire tous les constructeurs. En fait, tout cela dépend du jeu en question.
Depuis la sortie de God of War en 2005, on compare souvent Devil May Cry au jeu de Sony America pour ce qui est de son gameplay. Avez-vous eu l’occasion de jouer aux deux épisodes de la série ? Qu’en pensez-vous ?
On a souvent comparé Devil May Cry à God of War, surtout la presse américaine d’ailleurs... J'ai eu l'occasion de joueur au premier God of War et j’ai même pu rencontrer le créateur de la série (NDMaxime : Cory Barlog) lors de grands événements. Il m’a d’ailleurs avoué qu’il aimait beaucoup les productions Capcom comme Devil May Cry, et qu'il créait ses jeux en toute connaissance de cause. De là à ce qu'il soit influencé par mes jeux, je ne sais pas. Quant à Capcom et moi, on cherche vraiment à faire les jeux les plus attirants et amusants pour les joueurs. Mon but n’est pas de créer une quelconque compétition avec la série God of War. Je n'ai que mon projet en tête.
On vous connaît aussi pour avoir été le producteur de Killer7, un titre très controversé mais qui abordait le jeu vidéo d’une manière très fraîche et originale. Le jeu n’a pas fonctionné, commercialement parlant, tout comme Okami, un autre jeu Capcom qui sortait des sentiers battus. Suda51 a dû fonder sa propre boite pour créer No More Heroes, encore un jeu OVNI et les membres de Clover Studio sont eux aussi en train de monter leur studio. Pensez-vous qu’il y a encore de la place pour des jeux d’auteurs aujourd’hui dans des firmes telles que Capcom, qui ont des obligations de succès commerciaux ?
Je ne pourrais pas vous expliquer en détails les raisons de la fermeture de Clover Studio, en revanche en ce qui concerne Killer7, je peux davantage m’étaler dessus. En ce qui concerne ce dernier, si ne serait-ce qu’une infime partie du public a pu trouver ce jeu culte, au point de trouver le jeu presque parfait, je suis ravi ! D’un autre côté, j’ai bien conscience que concerne qu'un nombre restreint de joueurs. Si l'on veut avoir un gros hit dans une société telle que Capcom, c'est évident qu'il faut intégrer des éléments qui plairont au plus grand nombre. Par exemple, avec un jeu comme Okami, le fait que le héros soit un animal et non un Humain a dû quelque peu freiner la popularité du jeu. Quand à Killer7, la complexité du scénario et son système de jeu un peu spécial a dû aussi empêcher les joueurs d’adhérer au concept. Mais pour moi, cette barrière n'est pas rédhibitoire pour la création du même, même en tant que producteur. Je ne me soucie guère non plus des ventes du jeu. Il faut en fait que la création et le succès d’un jeu puissent cohabiter ensemble.
Est-ce que cela signifie que désormais chez Capcom, on va voir arriver des suites à n’en plus finir ou bien, il sera possible de voir d’autres titres au concept originaux, inédit ?
Derrière des créations comme Okami ou Killer7, il y avant un tout un créateur, une personnalité forte comme Suda51. Ce sont des personnes exigeantes, très pointues à la limite de l'obsession et soucieuses du détail, tout comme l'est une partie du public à qui est souvent destiné ces jeux-là. Et si il n'y a pas un maniaque du genre derrière ces créations, le jeu n'aura pas cette identité assez forte et n’intéressera donc pas ce public maniaque. Capcom ne voit pas les comme de cette manières. Le but est de créer des jeux qui plairont au plus large public, afin qu’il puisse se vendre aussi bien au Japon que dans le reste du monde.
Mr Kobayashi, je vous remercie.
Propos recueillis par Maxime Chao