GC 08 > Heavy Rain
A l’origine du projet Heavy Rain, on retrouve David Cage. Génial créateur de jeux vidéo pour certains, beau parleur affublé d’une arrogance exécrable pour d’autres (au même titre que Peter Molyneux), le papa de The Nomad Soul et le fondateur de la société Quantic Dream a bien du mal parfois à se contenter du jeu vidéo pour exprimer ses desideratas et surtout ses envies de cinéma. En perpétuelle recherche d’innovations, Cage a souvent souffert de sa personnalité au point de se mettre parfois à dos la presse française, jamais tendre lorsqu’il s’agit de fusiller l’un des siens sur la place publique. Ce fut le cas avec Fahrenheit, jeu d’aventure sorti sur PC, Xbox et PS2 en 2005 et qui avait tenté de changer la donne à sa manière. Si JeuxActu s’est épris d’amour pour le jeu, grâce à une expérience ludique proche du film interactif, Fahrenheit a beaucoup souffert de sa réalisation très critiquée – peut-être à juste titre – à son époque. Ne se laissant visiblement pas abattre par quelques fustiges critiques, David Cage a tout simplement attendu l’arrivée des consoles en haute définition pour mettre en œuvre sa dernière folie, baptisée Heavy Rain.
Fiction ou réalité ?
Avant de devenir le jeu d’aventure qu’il est à présent, Heavy Rain est passé par la case démo technologique. Cette démonstration de force, intitulée The Casting, permettait de montrer qu’il était désormais possible de retranscrire des émotions par le biais de personnages modélisés en 3D. Le résultat, déjà fort saisissant à l’époque, présageait du meilleur quant aux capacités techniques des nouvelles machines qui allaient débarquer sur le marché. Au fil des mois et des années, The Casting a pris la forme d’un véritable jeu d’aventure, ou plutôt d’investigation, devrait-on dire. Endossant le rôle d’une journaliste-enquêtrice, le joueur va se retrouver rapidement au milieu d’une affaire de serial-killer, où un taxidermiste fou s’amuse à empailler de nombreuses femmes pour en faire ses poupées de maison. Le scénario posé, le ton de Heavy Rain est donné. Histoire de donner encore plus d’amplitude à cette ambiance malsaine, on découvre un jeu à la réalisation graphique tout simplement époustouflante. Personnages plus vrais que nature, affichant des textures d’une rare finesse, où les effets d’ombre et de lumière sont gérés en temps réel, émotions palpables rien que par un simple regard et animations qui prouvent que la motion capture n’a de cesse d’évoluer chaque année, Heavy Rain est à l’heure actuelle le plus beau jeu vidéo de la planète, tous supports confondus ; n’ayons pas peur de le crier sur tous les toits.
Heavy Rain est à l’heure actuelle le plus beau jeu vidéo de la planète, tous supports confondus ; n’ayons pas peur de le crier sur tous les toits."
Non content de proposer une réalisation du tonnerre, le dernier jeu de David Cage se veut révolutionnaire. Rien que ça. Blasé par les productions actuelles qui empêchent le jeu vidéo d’accéder au rang d’art majeur, au même titre que la littérature et le cinéma, David Cage a bien l’intention de renverser la vapeur et de changer les codes du jeu vidéo de manière générale. Et avec Heavy Rain, ce Français n’a de limites que son imagination. Terminé les personnages qui avancent contre un mur bêtement sans la moindre réaction, ou qui montent les escaliers sans avoir à lever la jambe. Exit également l’absence d’interaction entre les protagonistes et les environnements, fini également les jeux qui ne se donnent pas le peine de proposer un scénario digne de ce nom, ou au mieux décent. Le mot d’ordre donné pour Heavy Rain n’est autre que "réalisme". Pour ce faire, le contrôle du personnage se doit d’être optimum et il ne faut pas être effrayé par les nouveautés apportées dans le jeu, au risque peut-être de changer les habitudes des joueurs que nous sommes. Dans Heavy Rain, on déplace son personnage comme on conduirait une voiture dans un jeu. Le bouton R2 pour avancer – en ligne droite –, le stick analogique gauche pour indiquer la direction, et l’utilisation des autres touches pour des événements ponctuels, la jouabilité dans Heavy Rain risque d’en dérouter plus d’un, c’est une certitude. Qu’importe, le titre de Quantic Dream n’est pas là pour faire comme les autres. Dans ce dernier, chaque action menée devient alors un sacerdoce, sacrifice requis pour avoir accès à la réalité virtuelle. Prenons l’exemple de la boîte aux lettres à ouvrir. Généralement, dans n’importe quel autre jeu d’aventure, il suffit d’appuyer sur un bouton pour que son personnage ouvre la mailbox, sans jamais faire le geste de tendre son bras d’ailleurs. Dans Heavy Rain, c’est l’inverse puisque le joueur peut contrôler le bras de son personnage vie le stick analogique droit. Grâce à l’analogie, il peut réaliser ce mouvement lentement ou à l’inverse avec plus de vélocité. Rassurez-vous, le stick analogie droit n’est pas là pour contrôler les membres de son personnage en pleine partie, mais permet de réaliser une action précise et distincte lors de focus comme tel. Il en va de même pour l’ouverture d’une porte où deux choix sont proposés au joueur. Frapper à la porte ou sonner ? Un cruel dilemme.
La French Touch
Vous l’avez compris, dans Heavy Rain, tout a été mis en œuvre pour que le joueur se déplace dans un environnement réaliste, où chaque objet peut-être utilisée comme bon nous semble. Avoir le choix, tel est l’autre leitmotiv de David Cage qui déteste être enfermé dans des manœuvres identiques et répétitives. A cela s’ajoute une relation de causes à effets qui ne fait qu’approfondir les possibilités monstrueuses du jeu. Chaque action réalisée entraîne des conséquences qui modifient le cours du jeu en temps réel. Casser une bouteille dans la maison du taxidermiste et vous êtes sûr d’éveiller ses soupçons au moment où celui-ci rentrera chez lui. Dans le cas échéant, il faut se préparer à une course-poursuite avec le tueur dans sa maison, mise en action par un split d’écran qui rappelle la série 24 ou bien encore Fahrenheit. Ainsi, le joueur peut voir l’action se dérouler en simultané sous deux angles différents et prendre une décision en fonction de la position du taxidermiste au moment de cette partie de cache-cache. Forcément, avec autant de références cinématographiques, Heavy Rain ne pouvait passer à côté des QTE qu’affectionne tout particulièrement David Cage. Ces derniers seront plus dynamiques et donc moins intrusives, et en cas d’échec, ce n’est pas le Game Over assuré. D’ailleurs, il n’existe pas de Game Over dans le jeu, même lorsque le personnage principal qu’on incarne doit mourir subitement. L’aventure se poursuit et l’histoire de Heavy Rain prend alors une nouvelle tournure. Etonnant, en effet.