Disaster : notre reportage à Tokyo


Particulièrement discret durant tout son processus de production, Disaster : Day of Crisis a tenu à se livrer à nous avant sa sortie imminente dans les bacs européens. Cette coproduction signée Nintendo et Monolith Software nous a ainsi été décrite et expliquée par six des membres de l'équipe de développement lors d'un reportage tourné dans les locaux tokyoïte de la firme au plombier moustachu.

Pour cet entretien en compagnie de l'équipe de développement de Disaster : Day of Crisis, nous vous proposons deux choix de lecture : l'interview écrite classique ou l'interview vidéo. La première est plus longue et plus complète car retranscrite dans sa totalité alors que la seconde est plus agréable à regarder. Précisons que l'interview est téléchargeable dans sa version HD 720p. Durée de la vidéo : 8 minutes. Faites votre choix. 


INTERVIEW NINTENDO / MONOLITH SOFTWARE

DISASTER : DAY OF CRISIS (Wii)


JeuxActu : Disaster : Day of Crisis a été dévoilé lors de l’E3 2006, en même temps que la première vague de jeux Wii, puis a été initialement annoncé pour le printemps 2007, pour n’arriver que cet automne. Comment expliquez-vous un temps de gestation si important ?

Hitoshi Yamagami : Ce retard est dû à un problème dans la production du jeu. Disaster : Day of Crisis est le premier jeu développé de concert par Monolith Software et Nintendo. Du coté de Monolith Software, il a été le premier projet d’envergure à ne pas être un RPG, et à être développé de manière aussi complète tant du coté des thèmes abordés que du coté visuel. Etant donné leur inexpérience dans le jeu d’action, de nombreux problèmes de conception se sont accumulés, ce qui nous a amené à retarder la sortie du jeu. Chez Nintendo, nous avons l’habitude d’en développer, et nous savions ce qui était bon de faire et de ne pas faire, mais ne nous sommes pas rendus compte de ce manque d’expérience chez Monolith Software, ce qui a entraîné dès le départ une incompréhension qui a eu du mal à se dissiper. De plus, les scènes cinématiques font parties des premiers éléments à avoir été réalisées pour le jeu, et nous tenions à ce que les joueurs profitent de ce travail préliminaire que nous trouvions impressionnant et auquel nous croyions. C’est pourquoi, nous avons été amené à réorganiser les plannings et les équipes des deux côtés afin de retravailler conjointement les nombreux éléments à modifier. Voilà pourquoi le jeu est sorti si tardivement en septembre dernier au Japon.

Avant que la Wii ne devienne un phénomène social mondial, Nintendo avait présenté votre titre comme une preuve de sa volonté à toucher les gamers, au même titre que Project H.A.M.M.E.R. aujourd’hui disparu. Pensez-vous l’explosion du casual gaming a obligé Nintendo à remobiliser ses ressources vers des projets aptes à toucher un public plus large ?

Hitoshi Yamagami : L’idée initiale n’était pas de faire un jeu destiné aux hardcore gamers, mais il est vrai que la direction artistique, qui était assez proche de Project H.A.M.M.E.R. et d’un certain nombre de jeux plus matures, a entraîné une certaine confusion. Mais depuis le départ, l’idée était de faire un jeu cinématographique afin de plaire aux amateurs de films d’action américains. D’ailleurs, nous n’avons pas changé d’orientation en cours de route, le produit final est destiné au même public que celui que nous visions à l’origine.

Votre état d’esprit au moment de lancer le projet était donc de faire un jeu fun, grand public. Vous n’avez jamais eu l’idée de faire du titre une killer ap’, un titre capable d’attirer des joueurs plus matures ?

Hitoshi Yamagami : Ce n’est pas tout à fait un jeu uniquement destiné aux casual gamers. Le but est qu’il plaise vraiment aux deux publics. Effectivement, si l’on s’arrête au mode scénario il peut y avoir une impression de regarder un film qui plaira à monsieur et madame tout le monde, mais nous avons tout de même travaillé sur quelques aspects du jeu afin de le rendre plus profond, plus dense, avec pas mal de choses à débloquer, de nouveaux costumes ou encore un système de customisation qui devrait plaire davantage aux gamers, à ceux qui désirent se plonger dans le jeu pour le finir dans tous les sens. L’idée est de parler aux deux audiences, donc de plaire à tout le monde.

Est-ce pour cela que le jeu offre un scénario assez simple, bourré de clichés, très intense d’un point de vue du rythme ? Pourquoi ne pas avoir développé une trame plus profonde, surtout que Monolith Software a l’habitude de constituer des backgrounds conséquents pour ses RPG ?

Kiichi Ono : Notre volonté était de faire un jeu le plus grand public possible, avec un scénario pouvant s’adresser au plus grand nombre, ce qui explique effectivement sa relative simplicité. Nous tenions vraiment à ne pas faire quelque chose de compliqué pour ne pas perdre le joueur dans des choses inutiles.

J’entends bien, mais pensez-vous que l’élaboration d’un jeu grand public et d’un scénario recherché soit incompatible ?

Tadashi Nomura : Tout dépend des jeux. En comparaison, nos précédents travaux disposaient effectivement d’un background assez travaillé. Dans la mesure où l’on proposait des jeux avec des voyages dans l’espace, nous étions amenés à créer toute une partie technique et politique. De la même manière, nos précédentes productions qui comprenaient d’anciennes divinités nous obligeaient à inventer des religions et à les faire cohabiter dans un monde cohérent et travaillé. Pour le cas de Disaster : Day of Crisis, d’une part le scénario prend place dans un monde réel et contemporain, et d’autre part le soft joue sur cette notion d’urgence, d’immédiateté, avec un volcan qui entre subitement en éruption face à nous, puis avec ces tsunami et tremblement de terre qui nous frappent. Personne, ni le héros ni le joueur, n’a le temps de réfléchir, de discuter de ces évènements. S’arrêter de courir pour se demander qui fait quoi et dans quel but aurait cassé le rythme et n’aurait rien apporté au jeu, c’est pourquoi nous avons fait le choix de garder un scénario assez simple.

Est-ce dans cette idée que vous que vous avez multiplié les phases de jeu, avec de nombreux gameplay différents, afin d’imposé un rythme et une intensité continue ?

Hitoshi Yamagami : Le thème abordé étant assez cinématographique, nous avons tenu à varier un maximum les situations rencontrées afin d’offrir des séquences très visuelles, autant pour faire plaisir aux joueurs que pour les surprendre, les garder sous tension et qu’ils se demandent ce qu’il leur arriverait par la suite.

Cette variété était-elle prévue à l’origine, ou bien est-ce les capacités de la Wiimote qui vous ont poussé à réfléchir sur les différentes utilisations possibles ?

Kiichi Ono : Le projet et le concept ont démarré avant que les spécificités de la Wii ne soient connues, mais effectivement, lorsque la Wiimote est arrivée, de nouvelles idées nous sont apparues et nous avons dû opérer quelques changements afin de les intégrer au mieux.

Pensez-vous qu’elle puisse encore apporté quelque chose de neuf au niveau de la créativité et du plaisir de jeu, ou serons-nous cantonnés à des séquences certainement fun et immersives, plutôt qu'une utilisation très pointue dans un game design qui lui serait adapté ?

Kiichi Ono : En ce qui nous concerne, nous avons utilisé toutes des particularités de la Wiimote : le pointeur, la détection de mouvement et le micro.

Genki Yokota : Vu que les possibilités sont assez nombreuses, pour toutes les exploiter, il faut un jeu varié comme le nôtre, mais il y a déjà eu des jeux qui n’utilisaient qu’une fonctionnalité, d’autres éditeurs ont par exemple fait des jeux de shoot qui n’utilisaient que le pointeur. Mais pour tout utiliser, il est peut être plus pratique d’opter pour un gameplay plus varié.

Admettons que vous développiez une suite. Comment ferez vous pour renouveler le gameplay dans la mesure où vous avez utilisé la Wiimote sous toutes ses formes ? Comment comptez-vous étonner le joueur ? Pensez-vous que le Wii MotionPlus soit capable d’apporter quelque chose au gameplay ?

Hitoshi Yamagami : Il est encore beaucoup trop tôt pour parler d’une suite, et les facteurs sont nombreux pour qu’elle se mette en route, mais il est important de noter que le cœur du jeu n’est pas tant d’utiliser la Wiimote dans des tas de situations improbables, mais plutôt de placer le joueur dans des positions inconfortables dans lesquelles il interagit avec la Wiimote. C’est dans ce sens là que la réflexion est menée. Donc s’il y a une suite, nous essaierons de le confronter à d’autres situations, à d’autres catastrophes pour le surprendre. En fonction de cela, nous réfléchirons à d’éventuelles nouvelles façons d’utiliser la Wiimote. Nous privilégions le côté cinématographique.

Vous semblez tendre vers le film interactif. Dans un autre genre, peut-être moins explosif et plus émotionnel, que pensez-vous du travail des Français de Quantic Dreams et de leur jeu Heavy Rain qui a été présenté à la Games Convention de Leipzig ?

Hitoshi Yamagami : Désolé, mais nous ne connaissons pas ce titre. Le projet de base n’était pas de faire un film interactif, mais plutôt de faire une histoire dans laquelle le joueur serait réellement impliqué. Au final, il se trouve que c’est à cette forme-là que nous sommes arrivés, mais à l’origine, avec toute cette influence venue du cinéma, nous tenions vraiment à apporter quelques chose que ce média ne peut pas faire, à savoir intégrer le joueur dans l’action, qu’il ait vraiment l’impression que ce soit lui qui est confronté à tous ces événements. C’est pourquoi nous avons multiplié les phases de gameplay au milieu des scènes purement cinématographiques. Elles sont d’ailleurs le cœur du jeu et permettent à celui-ci de ne pas devenir un simple film où il suffirait d’appuyer sur un bouton.

Vous êtes arrivé à cette forme de film interactif au cours du scénario, cela signifie-t-il que le scénario était déjà achevé ? Comment procédez-vous lors de l’élaboration du gameplay, est-ce que l’histoire à une influence sur ses mécaniques, est-ce l’inverse, ou bien sont-ils développés de manière dissociée ?

Kiichi Ono : Nous avons débuté par l’écriture du scénario, puis nous avons réfléchi entre nous à la fois pour savoir comment l’intégrer de la meilleure des manières aux phases de jeu, et pour d’éventuelles modifications afin que les deux s’emboîtent au mieux.

Mais vous en tant que scénariste, n’aimeriez-vous pas que votre script reste intact jusqu’à la commercialisation du produit ?

Kiichi Ono : Le concept que nous avions imaginé à la base n’a absolument pas bougé depuis sa création, et il se trouve que le scénario qui a été écrit lui convenait parfaitement, ce qui tombe bien, car nous ne tenions pas à dévier de la ligne que nous nous étions fixée. Les seuls ajustements apportés ont trait à des questions de rythme, ou d’intensité lors de séquences bien précises, mais aucun changement n’a été apporté dans le fond. Il n’y a eu aucune modification, aucun ajout, aucune coupure, donc nous pouvons dire que c’est le scénario tel qu’il a été écrit qui se retrouve dans le jeu.

Les histoires de catastrophes naturelles ont toujours été présentes dans le cinéma (Twister, Le jour d’après), un peu moins dans le jeu vidéo où l’on retient surtout la série Zettai Zetsumei Toshi (S.O.S : The Final Escape). Avez-vous été influencé les titres d’Irem, ou par un quelconque blockbuster américain ?

Kiichi Ono : En ce qui concerne les influences cinématographiques, nous nous sommes inspirés de tout les disaster movies. Pour les Zettai Zetsumei Toshi, nous y avons évidemment beaucoup pensé, mais plutôt que de s’en inspirer, nous avons réfléchi au moyen de nous en détacher au maximum, aux choses qui n’ont pas été faites, aussi bien au niveau de l’action que des catastrophes qui avaient été employées.

C’est pour cela que vous avez intégré le système des poumons à assainir ? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Kiichi Ono : Effectivement, le système de respiration est un des éléments de gameplay caractéristiques du jeu qui nous indique le héros se trouve dans un endroit enfumé ou rempli de gaz toxique. Naturellement, il ne faut pas qu’il y reste enfermé, et après avoir pour regagner un environnement sain, il devra purifier ses poumons en prenant de grandes bouffées d’air.

Pour finir, j’aimerais poser une question au personnel de Monolith Software : dans un avenir proche, allez-vous retourner vers le RPG, ou comptez-vous vous diversifier davantage ?

Tadashi Nomura : Nous avons conscience du fait que les Français sont très attachés à certaines choses que nous avons réalisées, aux histoires que nous avons créées, peut-être même plus que les joueurs japonais. Evidemment, nous comptons bien ne pas les décevoir et répondre à leurs attentes.

Merci beaucoup.

Propos recueillis par Hung Nguyen




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Hung Nguyen

le mercredi 22 octobre 2008, 17:51




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