Dead Rising 2 : Interview Keiji Inafune


Dead Rising 2 : Interview Keiji InafuneQuelques semaines avant le coup d'envoi du Tokyo Game Show 2010 et bien avant la sortie de Dead Rising 2, Keiji Inafune s'est rendu à Paris pour venir faire la promotion de son jeu. JEUXACTU a pu rencontrer le créateur de Mega Man est aujourd'hui à la tête du pôle Recherche et Développement chez Capcom pour un entretien en toute honnêteté et sans langue de bois.

Pour cette interview en compagnie de Keiji Inafune, producteur de Dead Rising 2, nous vous proposons deux choix de lecture : l'interview écrite classique ou l'interview vidéo. Durée de la vidéo : 5"37 minutes. Faites votre sélection. A noter que la vidéo est accessible en streaming via le lecteur flash, en téléchargement aux formats SD et HD 720p, mais aussi aux formats iPod et PSP pour les spectateurs nomades.

Crédits photos : Maxime Chao


JEUXACTU : Vous avez récemment été promu à la tête de la branche Recherche & Développement chez Capcom, qu’est-ce qui a changé pour vous et pour Capcom ?

Keiji Inafune : J’occupe mon nouveau poste avec un grand plaisir, mais c’est un rôle qui est très fatiguant également… Je supervise en effet toutes les productions Capcom et je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait des choses qui ne fonctionnaient qu’aux Etats-Unis. De même que d’autres jeux ne pouvaient qu’avoir du succès en Europe ou au Japon. Cela a donc été très difficile de faire avancer tout le monde dans la même direction au départ, car chaque continent a ses propres particularités. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on est enfin parvenu à prendre la même direction, d’avoir la même philosophie. Toutes les forces se canalisent désormais dans la même direction. Ça a été très dur pour moi au début, et je pense qu’on est enfin arrivé à un rythme de travail beaucoup plus fluide.

 

JEUXACTU : A quel moment, Capcom a-t-il décidé de changer de politique et de se tourner davantage vers l’international et s’adapter aux besoins des joueurs occidentaux ?

Keiji Inafune : Mon rôle de producteur m’a permis de voyager un peu partout dans le monde et c’est lors de ces voyages que je me suis aperçu que les créateurs et les producteurs de jeux étaient traités différemment d’un pays à l’autre. C’est quelque chose qui m’a fait beaucoup réfléchir, et je me suis dit que si finalement les créateurs n’avaient pas le même traitement, c’est peut-être parce que les besoins dans chaque pays ne sont pas les mêmes. Il était donc évident pour moi de cibler chaque marché puisqu’ils ont des particularités distinctes. Ce qui est curieux et c’est peut-être qu’une simple coïncidence, mais lorsque j’ai pensé à cette évolution, les ventes de jeux au Japon ont commencé à chuter par rapport au reste du monde. Je me suis dit que j’avais peut-être raison de m’engager dans cette voie et j’ai commencé à militer dans ce sens et aujourd’hui, nous sommes persuadés d’avoir pris la bonne décision.

 

JEUXACTU : N’était-ce pas un challenge d’imposer cette nouvelle directive au sein de Capcom, de faire comprendre qu’il ne fallait plus seulement développer pour le marché japonais ? Comment cela a-t-il été perçu au sein de Capcom ? De plus, pensez-vous vraiment que le jeu vidéo japonais soit vraiment en difficulté ?

Keiji Inafune : Bien sûr, c’était très difficile ! Car vous savez, pour la plupart des employés de Capcom, les marchés occidentaux sont des terres inconnues, sans compter que les Japonais ont une mentalité très nationaliste, ils sont très centrés sur eux-mêmes. C’est assez logique dans le sens où nous habitons sur une île et ça été très difficile de convaincre tous les gens qui bossaient avec moi, aussi bien les gestionnaires que les développeurs. Alors, c’est vrai que je me suis souvent froissés avec eux mais je savais que c’était la bonne décision et que ces conflits étaient quelque part nécessaires à l’évolution de la société. Il a donc fallu que les employés prennent conscience de cela et ça m’a beaucoup fatigué…

 

JEUXACTU : Lors de la soirée Capcom pré-Tokyo Game Show 2009, vous avez eu des propos très acerbes à l’égard du salon. Comment voyez-vous l’évolution de ce salon et cette édition 2010 ?

Keiji Inafune : Effectivement, je n’ai pas été tendre avec le TGS l’année dernière. Mais cette année, vous allez voir que Capcom aura un très beau stand avec beaucoup de jeux afin de satisfaire tous les fans. Mais pour revenir à ce que j’ai dis en 2009 sur le TGS, il faut savoir que c’est pour faire avancer les choses que je tiens de tels propos. J’espère que d’ici quelques années, les gens se souviendront de ces paroles et se diront "il avait raison !" Quoiqu’il arrive, je pense que les développeurs japonais commencent à comprendre que l’avenir économique du jeu vidéo japonais n’est pas qu’au Japon. Je pense autrement que le Tokyo Game Show va montrer cette année l’envie de s’élargir aux autres continents…

 

JEUXACTU : On le sait, Dead Rising 2 a été développé par un studio canadien : Blue Castle Games. Toutefois, lorsqu’on joue au jeu, on a comme l’impression qu’il a toujours une saveur japonaise. J’imagine qu’ils avaient des directives bien précises de votre part et qu’ils n’ont pas eu beaucoup de liberté dans le développement ?

Keiji Inafune : Pas vraiment. Vous savez, si nous avons choisi Blue Castle Games, c’est aussi parce qu’ils ont réussi à nous convaincre. Lorsque nous les avons rencontré, ils nous ont parlé de leur envie de développer le jeu, la fait qu’ils étaient déjà fan du premier épisode. De plus, c’est un studio qui a un certain savoir-faire et qui comprend la façon dont travaillent les Japonais. Alors, croyez-le ou non, mais ce n’est pas Capcom qui a imposé à Blue Castle Games une façon de travailler mais eux qui se sont adaptés à nos habitudes. On leur a juste donné quelques conseils ici et là et rien d’autre.

 

Généralement, quand un jeu se vend bien, les éditeurs n’attendent pas trop longtemps pour lancer la production d’une suite. Pourquoi avoir attendu quatre ans pour Dead Rising 2 ?

Keiji Inafune : Tout d’abord, je tiens à m’excuser auprès des fans parce qu’il est vrai qu’on a pris notre temps pour leur offrir cette suite. Mais il y a une raison pour cela et elle est toute simple. Lorsque nous avons commencé à développer le premier Dead Rising, chez Capcom personne n’y croyait, que ce soit les équipes de développement que les commerciaux. C’est pourquoi, une fois le jeu terminé, l’équipe à l’origine de Dead Rising a été dispersé dans d’autres projets. Mais voilà, le jeu s’est bien vendu aux Etats-Unis et en Angleterre et du coup, Capcom a décidé de lancer la production de la suite. Manque de bol, il n’y avait plus d’équipe et je me suis dit que j’allais le faire moi-même. Je suis donc parti à la recherche d’un studio externe, Blue Castle Games en l’occurrence, et de reprendre tout depuis le départ. C’est pour cela qu’on a pris autant de temps car on a aussi modifié le moteur graphique, ce qui nous a ralenti. Au total, il a fallu trois ans pour faire le jeu, plus un an pour dénicher un nouveau studio, ce qui fait quatre ans.

 

JEUXACTU : Changer de personnage principal dans une suite, c’est assez inhabituel. Pourquoi avoir remplacé Frank West par Chuck Greene ?

Keiji Inafune : En réalité, les héros de Dead Rising ne sont ni Chuck ni Frank, mais les zombies tout simplement. L’histoire de Dead Rising, se résume à l’arrivée d’une épidémie qui entraîne l’apparition de zombies qui va changer la vie de plusieurs personnes différentes. Pour chaque nouvel épisode, on va donc suivre l’histoire d’une personne en particulier. Dans le premier Dead Rising, c’était Frank et dans le second, c’est Chuck. Vous savez, si on s’était limité à Frank, on aurait eu « Les Aventures de Frank dans Dead Rising 1, Les Aventures de Frank dans Dead Rising 2, et ça aurait énormément réduit notre liberté narrative. Ce n’était clairement pas mon but. Les héros, ce sont les zombies et c’est dans cette intention là que Dead Rising 2 à été construit.

 

JEUXACTU : Pouvez-vous me donner votre dernier coup de cœur et dernière déception en matière de jeux vidéo ?

Keiji Inafune : Le dernier jeu qui m’a vraiment pris aux tripes, c’est Heavy Rain. Il n’est pas très récent mais il m’a bien marqué. A l’inverse, le jeu qui m’a le plus déçu récemment et je pense m’exposer à des problèmes en le disant, mais tant pis, je l’assume : c’est Lost Planet 2 ! Malgré ses grandes qualités, on n’a pas réussi à captiver l’attention des joueurs et leur faire comprendre ce qu’on souhaitait faire avec ce titre, c’est-à-dire partager une expérience, jouer en coopération… On aurait peut-être dû prévoir que les gens auraient préféré faire l’aventure seul plutôt qu’à plusieurs. C’est là qu’est notre erreur, mais nous allons essayer de corriger le tir à l’avenir…

 

JEUXACTU : Capcom est très prolixe ces dernières années avec les jeux de baston. C’est une bonne chose car je suis un grand fan du genre, mais n’avez-vous pas peur d’inonder le marché en sortant un jeu de baston tous les six mois ? Vous n’avez pas l’impression de faire la même erreur que par le passé ?

Keiji Inafune : Je pense que la situation est différente de celle des années 90/2000. Avant, les bons jeux étaient uniquement les jeux de baston. Or aujourd’hui, il y a énormément de bons titres et qui ne sont pas uniquement des jeux de baston. Les fans de jeux de baston n’auront donc pas le sentiment d’être noyé par le genre puisqu’ils vont pouvoir s’amuser avec d’autres titres, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Rappelez-vous de cette époque où chaque éditeur développait son jeu de combat, en délaissant les autres genres. Cette époque est révolu, bien heureusement.

 

Monsieur Keiji Inafune, je vous remercie !

Propos recueillis par Maxime Chao




Réagir à cet article Réagir à cet article


Autres articles

Dead Rising : voici les premières images des trois remasters, un Triple Pack en approche C'est sur la boutique officielle Xbox qu'il est possible d'apercevoir les premières images des remasters de Dead Rising, Dead Rising 2 et Dead Rising 2 : Off the Record. 2 | 25/07/2016, 12:43
Dead Rising : ce n'est pas un mais trois portages que prépare Capcom sur PS4, Xbox One et PC Suite aux rumeurs qui circulaient ces dernières heures sur la Toile, Capcom a décidé d'officialiser le portage de trois jeux Dead Rising sur Xbox One, PC et PS4. On vous explique tout juste là. 19/07/2016, 08:54