Thor Love & Thunder : Ragnarok en moins bien, mais un épisode filler qui se regarde (Critique)
Sur le papier, Thor Love & Thunder avait tous les ingrédients pour devenir un Thor Ragnarok bis, l’un des meilleurs films du MCU. Une ambiance 90’s incroyable, le retour de Nathalie Portman en Mighty Thor, Christian Bale dans le rôle de Gorr The Butcher, une bande-son de bon goût portée par la musique de Guns’n Roses et surtout un Taika Waititi de retour derrière et devant la caméra, tout était calibré pour que ça fonctionne une seconde fois. Sauf que cette fois-ci, il y a l’effet de surprise en moins, et ça, ça change pas mal de choses…
De tous les personnages du MCU, Thor est le tout premier super-héros à bénéficier de 4 films. Que ce soit Iron Man, Captain America, ou même Spider-Man, personne n’a eu pareil traitement de faveur au sein du Marvel Cinematic Universe. Sans doute parce que les leaders des Avengers se sont retirés il y a quelques années et qu’il faut désormais trouver de nouveaux chefs de file. Thor s’est donc imposé comme un personnage fort, il l’a toujours été car c’est l’un des plus puissants de tout le MCU, même si son parcours n’a pas été de tout repos. Il faut dire que le personnage et la licence reviennent de loin, notamment à cause de deux premiers épisodes moyennement appréciés par les spectateurs (ce sont les deux films les moins bien notés de tout le MCU), même s’ils possèdent quelques qualités indéniables qu'on continuera à défendre. Le premier qui était un vrai pari d’adaptation d’un personnage casse-gueule avec cette approche shakespearienne par Kenneth Branagh et le second, The Dark World, qui proposait une approche plus guerrière et plus sombre, mis en scène par Alan Taylor, un réalisateur rescapé de Game of Thrones. En fait, le problème des deux premiers Thor, c’est qu’ils avaient le cul vissé entre deux chaises, à savoir faire cohabiter de la fantaisie épique teintée de mythologie asgardienne avec son côté clownesque, avec des blagues parfois en décalage avec le sérieux du personnage. Un problème qui a été balayé d’un revers de phalanges en 2017 avec le troisième épisode, Thor Ragnarok, qui a enfin assumé son véritable statut de comédie burlesque, grâce au talent de Taika Waititi. En devenant une espèce de buddy-movie spatial sur fond d’ambiance pop-acidulé, Thor Ragnarok avait aussi l’intelligence de proposer des scènes d’action épiques qui avaient aussi l’avantage de remettre en avant un Hulk totalement sous-exploité.
TOO MUCH LOVE, TOO MUCH THUNDER
Puisque Thor Ragnarok est souvent considéré, à juste titre, comme l’un des meilleurs films du MCU, Marvel Studios et Taika Waititi ont décidé de réitérer l’exploit avec Love & Thunder, qui n’est autre que le 6ème film de la Phase 4 du MCU. Une Phase 4 qui se cherche encore et qui n’a pas encore établi la véritable menace qui permettra aux nouveaux Avengers de se réunir. Kevin Feige l’a d’ailleurs mentionné il y a quelques semaines, on en saura bientôt plus, sans doute pour la Phase 5 qui sera révélée lors de la Comic-Con de San Diego. En attendant, il faut en trouver des nouveaux méchants et celui de Thor Love & Thunder avait tout pour faire monter la hypomètre à son maximum. Gorr the God Butcher, ou littéralement l’un des super villains les plus charismatiques de l’univers Marvel, que Thor a pu affronter à plusieurs reprises et dont le visage extraterrestre met une pression de 10 tonnes rien qu’en le regardant. Alors forcément, quand les premières photos volées de tournage ont commencé à émerger sur Internet, on était plutôt inquiet, Christian Bale ressemblant davantage à la dame blanche ou aux statues humaines de rue qu’au massacreur de dieux des bandes dessinées. On a tous pensé que Marvel avait décidé de modifier son design pour qu’on puisse reconnaître Christian Bale, mais surtout qu’on puisse profiter de son jeu d’acteur et de ses expressions faciales. Finalement, on a appris lors d’une interview avec IGN.com que si son design n’est pas comic accurate, c’est tout simplement parce qu’il ressemble trop à Voldemort, vous savez le méchant de Harry Potter qui n’a pas de nez. Mouais…
GORR, AU BÛCHER
Toujours est-il que Taika Waititi a rappelé que c’est l’histoire du personnage qui compte avant le design. On n’est pas d’accord à 200%, mais je peux comprendre l’idée. Côté histoire, il est vrai que le Gorr de Thor Love & Thunder reprend pas mal d’éléments du comic. Il y a eu quelques réajustements scénaristiques, mais globalement c’est assez comic accurate. Si Christian Bale s’en sort assez bien, lui qui s’est inspiré d’Aphex Twin pour le rire de Gorr, le personnage est malheureusement sous-exploité. De même, déçu de l’usage de la Nécrolame qui n’apparait que sous une seule forme dans le film, alors qu’elle se modifie selon les combats et les humeurs de Gorr pour parfois faire corps avec lui dans les BD, lui qui a eu le bras coupé par Thor dans l’une de ses batailles face au dieu du tonnerre. Si Gorr arrive à être visuellement inquiétant dans certains passages, ses actes manquent cruellement de cruauté, surtout pour un type qui massacre du dieu depuis des millénaires. C’est d’autant plus rageant qu’il faut attendre la fin du film pour avoir un véritable affrontement qui tienne la route, la plupart du temps, Gorr faisant appel à ses berserkers de l’ombre pour faire le sale boulot, et disparaître dans les ténèbres à chaque fois.
Thor Love & Thunder compte beaucoup trop de nouveaux personnages à développer. Il faut en effet gérer l’introduction de Gorr, expliquer le retour de Jane Foster en Mighty Thor, présenter les dieux de l’Olympe avec un Zeus clairement décevant et au traitement comique qui risque de décevoir.
Cette construction beaucoup trop simpliste et classique du récit n’arrive jamais à faire honneur au personnage de Gorr et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que Thor Love & Thunder compte beaucoup trop de nouveaux personnages à développer. Il faut en effet gérer l’introduction de Gorr, expliquer le retour de Jane Foster en Mighty Thor, présenter les dieux de l’Olympe avec un Zeus clairement décevant et au traitement comique qui risque de décevoir. Et puis surtout, le film est beaucoup trop court pour développer tous ces sujets et personnages. 1h59, c’est l’un des films du MCU le plus court, sachant qu’on a appris récemment que des coupes importantes ont été faites dans le film. Peter Dinklage dans le rôle de Eitir, le nain géant, Jeff Goldblum dans celui de Grandmaster, qui était fantastique dans Ragnarok et enfin Lena Headey, qui n’est autre que Cersei Lannister de Game of Thrones n’apparaît pas non plus dans le film et qui est d’ailleurs poursuivie en justice par son agence pour commission impayée. Des grands acteurs, des personnages forts mais retirés du film à la dernière minute. Il y a de quoi être frustré.
Mais revenons un peu sur le cas de Gorr. Si le film démarre fort avec son introduction, qui est fidèle au comic-book et permet de placer les enjeux et surtout la menace qu’il va représenter, rapidement, on se rend compte que le côté sombre du personnage a du mal à coller à l’esprit très famille friendly développé par Taika Waititi. Compliqué du coup d’imposer une certaine stature à ce Gorr qui tue sans vergogne et sans pitié dans les comic-book, alors qu’il a du mal à être menaçant face aux enfants asgardiens. Et le moment où cette dramaturgie s’effondre c’est lors de la scène finale où de simples enfants boostés aux éclairs de Thor sont capables de tenir tête à Gorr et à son armée de berserkers, là on a compris que Thor Love & Thunder est avant tout un spectacle familial.
BIS REPETITA
Puisqu’on en est aux griefs, on peut également évoquer le fait que Taika Waititi ne parvient jamais à aller au-delà de ce qu’il avait fait avec Ragnarok, comme s’il avait besoin constamment de marcher sur ses propres plates-bandes, ou de cocher les cases d’un cahier des marchés méticuleusement repris de son précédent film. Tout ressemble à Ragnarok, tout est calibré comme tel, de la narration à la structure, en passant par les gags qui sont carrément réutilisés. Je pense notamment à cette scène de théâtre où Matt Damon joue Fake Loki, Sam Neil Fake Odin et Luke Hemsworth, le grand frère de Chris, le rôle de Fake Thor. Melissa McCarthy endosse d’ailleurs le rôle de Fake Hela dans une séquence qui fera sourire c’est certain, mais qui prouve une fois encore que Taika Waititi ne fait que singer la recette Ragnarok, sans jamais la transcender. Alors attention, comme je l’ai dit en début de vidéo, j’adore Thor Ragnarok, je le place même dans mon Top 5 des films du MCU, mais singer un film n’est jamais une bonne idée, surtout que l’effet de surprise n’y est plus, surtout 5 ans après.
C’est d’autant plus vrai que Thor Love & Thunder échoue également dans ses scènes d’action, beaucoup trop timides, beaucoup trop rares aussi et qui manquent surtout d’envergure. Ça se ressent visuellement avec une mise en scène n’a plus l’amplitude des premiers Marvel, avec des cadres plus resserrés et une profondeur de champ souvent absente, un peu comme dans les dernières productions Star Wars. Et ce ressenti est normal, puisque Thor Love & Thunder est le premier film du MCU a à utiliser la technologie du Volume, qui consiste à recréer des décors numériques à l’aide d’écrans géants qui entourent les acteurs. C’est un système qui permet de se passer des fonds verts ou bleus, afin que les acteurs puissent être immergés davantage dans des lieux qu’ils n’ont plus à imaginer. Pour eux, c’est certainement plus immersif, mais pour le spectateur, on ressent ce côté un peu synthétique dans l’image, et l’absence d’envergure visuelle surtout. Je pense que la technologie n’est pas encore mature et il faudra encore quelques années pour mieux la maîtriser.
JANE FOSTER, LA BONNE SURPRISE
Tout n’est pas déceptif dans Thor Love & Thunder, on passe même un plutôt bon moment, mais le film n’arrive jamais à décoller véritablement. A cause déjà d’enjeux inexistants, mais aussi parce que Gorr aurait gagné à être plus sombre et plus cruel. Là où le film surprend en revanche, c’est dans le personnage de Jane Foster, qui permet à Nathalie Portman de revenir quasiment 10 ans après son dernier passage dans le MCU. 2013, ouais, le temps file. L’actrice revient en Mighty Thor, ce qui n’était pas gagné. On a tous pensé que ça serait l’élément perturbateur du film, mais au final, on se rend compte que c’est elle qui s’en sort le mieux. Nathalie Portman arrive clairement à nous convaincre dans son rôle de Mighty Thor, ses scènes de bagarre sont plutôt bien fichus et surtout, le fait qu’elle manie ce nouveau Mjolnir capable de se décomposer pour frapper plusieurs ennemis à la fois lui permet d’assurer une certaine prestance à l’écran. En plus de cela, le personnage est totalement comic-accurate, et ça j’étais au courant depuis au moins 4 mois puisque des jouets avaient spoilé ce qui lui arrive dans le film. Mais je m’étais abstenu de vous faire une vidéo leak spoil en mars dernier… Autre élément appréciable : c’est la personnalisation des armes de Thor. Que ce soit Stormbreaker ou Mjolnir, il y a une incarnation de ces instruments de guerre qui sont désormais considérés comme des personnages à part entière. Et c’est vrai, ce sont des personnages à part entière, avec cette presque relation amoureuse triangulaire entre Thor, Stormbreaker et Mjolnir. C’est plutôt bien trouvé et assez bien amené.
On pourrait continuer à tergiverser longtemps encore, mais on va plutôt conclure et vous laisser vous faire votre propre avis dès le 13 juillet en France, le 7 dans la commune de Tonnerre et le 8 dans certains cinémas Pathé qui font des avant-premières, puisque le film sort le 8 aux Etats-Unis. En gros, si vous avez aimé Ragnarok, vous allez passer un très sympathique moment devant Love & Thunder, qui est un bel hommage aux années 90, aussi bien sur le plan visuel que côté sonore, avec des références dans tous les sens. Malheureusement, le film n’arrive pas à transcender la recette Ragnarok, sans doute parce que les enjeux ne sont pas suffisamment importants et surtout parce que le MCU n’a pas encore défini la prochaine grosse menace qui va faire assembler à nouveau les Avengers. En gros, Love & Thunder est une sorte d’épisode filler, mais un bon épisode filler, qu’on consomme sans se prendre la tête.
NOTRE NOTE : 5/10