Test Return to Monkey Island : un retour gagnant et une très belle conclusion pour la saga
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Moderne, accessible et bien écrit, Return to Monkey Island est un très bon jeu d'aventures qui plaira à coup sûr aux amateurs du genre et qui pourra même, comme les deux premiers épisodes en leur temps, initier efficacement les novices. Mais au delà de ces qualités objectives, cette pépite signée Ron Gilbert himself est surtout une incroyable madeleine de Proust pour tous ceux qui ont découvert les péripéties de Guybrush Threepwood au siècle dernier. Du mini twist de début de jeu jusqu'à la fin méta et douce-amère, en passant par l'aventure principale qui joue à fond la carte de la nostalgie, ce retour sur l'île aux singes devient alors un régal de tous les instants, capable de redonner durant une dizaine d'heures une seconde jeunesse aux plus de quarante ans. Et si c'était cela, le véritable secret de Monkey Island ?
- Une madeleine de Proust implacable pour les vieux gamers
- Une bande-son irréprochable
- Des dialogues très bien écrits
- Des énigmes ni trop faciles ni trop tordues
- Un livre d'indices pour ne jamais se retrouver bloqué
- Du fan service intelligent
- Une fin multiple, méta, et magistrale... quand on y réfléchit
- Il faut un peu de temps pour s'habituer à la direction artistique
- Les nouveaux joueurs passeront à côté de beaucoup de références
- Une fin décevante… si on ne prend pas le temps d'y réfléchir
En termes de jeux d'aventure, il est difficile de faire plus culte que la saga des Monkey Island. Les deux premiers épisodes, The Secret of Monkey Island et Monkey Island 2 : LeChuck's Revenge sortis respectivement en 1990 et 1991, ont plus particulièrement marqué toute une génération. LucasArts était alors au meilleur de sa forme, tout comme Ron Gilbert qui nous avait déjà régalés avant cela avec Maniac Mansion, Zak McKracken, et Indiana Jones and the Last Crusade. Return to Monkey Island signe aujourd'hui le grand retour de l'auteur, qui n'avait participé ni à The Curse of Monkey Island (1997) ni à Escape from Monkey Island (2000), et très peu à Tales of Monkey Island (2009). Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le bougre n'a pas perdu la main.
Si Return to Monkey Island s'adresse en priorité aux vieux gamers ayant connu l'âge d'or du jeu d'aventures, la nouvelle génération reste la bienvenue. Ainsi, la section Album du menu principal résume rapidement les aventures précédentes, y compris celles qui n'ont pas été supervisées par Ron Gilbert. Nous conseillons à tout le monde d'y faire un tour avant de lancer une partie, mais il ne s'agit pas là de la seule précaution préliminaire à prendre. La section Texte et langue du menu Paramètres dissimule en effet une option "Version longue – plus de blabla, moins de rythme", étonnamment décochée par défaut. Il faut impérativement l'activer, car elle enrichit les dialogues et rajoute même quelques personnages ! De même, lorsque le choix entre le mode normal ou difficile vous sera présenté, nous vous conseillons fortement de choisir le second. Il rajoute quelques étapes à certaines énigmes, ce qui présente l'avantage de rallonger un peu la durée de vie et de titiller un peu plus nos neurones. Et que les débutants ou les simples d'esprit soient immédiatement rassurés : non seulement la difficulté générale reste très raisonnable dans tous les cas (sans être triviale non plus), mais en plus le jeu n'a pas oublié d'inclure tous les outils d'aide modernes. Nous disposons ainsi d'une commande permettant de mettre en évidence les zones interactives, de la possibilité de relire les dialogues passés, et même d'un livre d'indices progressif, qui donne à chaque consultation de plus en plus d'indications sur la manière de remplir les objectifs en cours. Ce système graduel est parfait pour débloquer le joueur en cas de besoin, tout en lui laissant le plaisir de la petite étincelle "Eurêka, j'ai trouvé !" puisque la solution ne lui est jamais donnée de but en blanc. D'autres petites options de qualité de vie sont également disponibles pour rendre l'expérience toujours plus agréable, qu'il s'agisse de la possibilité d'interrompre les dialogues, du double clic pour courir au lieu de marcher, ou encore des raccourcis permettant d'accéder immédiatement à différents écrans (carte maritime, liste de tâches, inventaire…).
ILS SONT VENUS, ILS SONT TOUS LÀ
Arrivés à ce stade du test, vous vous demandez peut-être pourquoi nous n'avons pas encore évoqué le scénario. Ne cherchez pas, c'est fait exprès ! Comme promis par Ron Gilbert, l'histoire prend la suite directe de la fin cultissime de Monkey Island 2 : LeChuck's Revenge, mais réserve une grosse surprise dès les premières minutes. Nous nous contenterons donc de vous dire que vous allez une nouvelle fois incarner l’irremplaçable Guybrush Threepwood, affronter l'incontournable pirate-zombie LeChuck, et partir une fois de plus à la recherche du secret de l'île aux singes, avec toujours beaucoup d'humour à la clé. L'écran d'ouverture du jeu, qui reprend à l'identique la vue nocturne sur l'île de mêlée et la police d'écriture du tout premier épisode, donne le ton : référentiel et nostalgique ! C'est bien simple, vous allez re-visiter bon nombre de lieux connus, refaire quelques duels d'insultes, et croiser quasiment tous les personnages majeurs, voire mineurs, de la saga d'origine. Elaine, Carla, Lady Vaudou, Stan, Otis, Wally, Murray, Herman Toothrot et même Cobb répondent à l'appel. Les connaisseurs apprécieront, tandis que les autres peuvent compter sur la pertinence des dialogues pour ne jamais être perdus. Ils louperont forcément quelques références et le plaisir des retrouvailles, mais comprendront toujours l'essentiel. Volontaire et assumée, cette ambiance nostalgique ne sent heureusement pas la naphtaline, et évite le piège de la simple redite ou du fan service bête et méchant. En l'occurrence on peut même parler de fan service intelligent, car pleinement justifié par le scénario général et la fabuleuse fin. Cette dernière pourra décevoir certains joueurs trop pressés pour réfléchir à toutes ses implications, mais elle dissimule en réalité un petit bijou d'écriture, comme si tout était déjà prévu il y a trente ans. En plus d'être divisée en plusieurs mini-conclusions possibles, elle propose une véritable réflexion méta et douce-amère capable d'alimenter de nombreuses discussions autour de la machine à café.
LA BEAUTÉ EST DANS LES YEUX DE CELUI QUI REGARDE
Reste maintenant à aborder l'épineuse question de la direction artistique, qui a tant fait parler d'elle depuis quelques mois. Signée par l'artiste Rex Crowle, ses trait extrêmement anguleux et caricaturaux piquent un peu les yeux au début, voire gênent la lisibilité de certaines scènes, il faut bien le reconnaître. Manifestement conscient de son audace visuelle et de la polémique que cette dernière a engendrée, le jeu s'amuse même à briser le quatrième mur en glissant lors d'une certaine séquence de retrouvailles le petit dialogue suivant : "Toi par contre, tu as l'air différent… Nouveau style graphique ?". Mais heureusement, il suffit de quelques minutes de jeu pour ne plus être gêné par cette direction artistique si particulière, et de quelques heures au maximum pour finir par l'apprécier sincèrement. Elle excelle même lors de certains gros plans. Parole de détracteur de la première heure ! Du côté de l'audio, tout le monde sera d'accord pour saluer dès les premières secondes la qualité des voix originales, et encore plus celle de la musique. Les différents morceaux retranscrivent à merveille l'ambiance des Caraïbes. Et une fois de plus, ces thèmes d'anthologie résonneront tout particulièrement auprès des connaisseurs de la saga, qui sont décidément vraiment gâtés par ce délicieux retour sur l'île aux singes.