Tales of Vesperia
Pan majeur du RPG japonais, la série des Tales of est en quelque sorte l'archétype de la production de masse en matière de jeu vidéo. Sortant au rythme affolant d'un titre tous les 6 mois, la saga de Namco peut s'enorgueillir de compter plus d'épisodes que l'autre grande fresque vidéoludique nippone, à savoir Final Fantasy. Connaissant sur leur terre natale un succès sans fluctuation, les Tales of oscillent toutefois au niveau qualitatif. En effet, avec de tels impératifs marketing, la série alterne entre bons et très mauvais épisodes, tournant souvent autour des mêmes thématiques et n'apportant que peu d'innovations. D'où une réputation de simple produit sans supplément d'âme. Dernier épisode en date, Tales of Vesperia semblait suivre une voie similaire. Et pourtant.
Respectant scrupuleusement le cahier des charges prison/évasion/sauvetage de princesse, les deux premières heures de Tales of Vesperia semblent sorties d'un logiciel de composition automatique de scénario, accumulant les clichés et les situations abracadabrantes. Entre une tentative d'évasion furtive, durant laquelle vous passerez le plus clair de votre temps à éliminer des gardes et des discussions avec la jeune Estellise, entouré en plus de chevaliers ne réagissant pas à votre "rapt" de noble damoiselle. Mais comme dans une sorte d'illumination ou de crise existentielle, le titre remet subitement en cause ses propres poncifs et sort de cette torpeur paresseuse avec un brio étonnant. Non que le scénario – assez classique – se métamorphose en une trame riche et complexe, mais les personnages, eux, gagnent très rapidement en épaisseur. Doté souvent de répliques très bien senties et surtout d'un doublage américain surprenant de justesse, le héros Yuri Lowell fait figure de leader charismatique naturel, loin d'un Lloyd Irving à peine sorti de l'adolescence ou d'un Senel Coolidge assez en retrait. Sans tomber dans la facilité du chef de groupe taciturne ou doté d'un hyper héroïsme, il est équilibré, attachant et très humain. Et si l'ensemble du casting fait assez figure de configuration imposée (la princesse, le jeune garçon tempétueux, la jeune fille tête-brûlée, l'elfe à la poitrine imposante, etc.), leur caractère s'avère suffisamment unique et travaillé pour convaincre. D'autant qu'un humour relativement fin et cynique vient relever les possibles stéréotypes pour en jouer de façon assez intelligente. Plus qu'un RPG de base, Tales of Vesperia est une sorte de Shônen interactif de qualité.
Linear Motion Battle quoi ?
Dans cette optique d'anime mâtiné d'action et de morceaux de bravoure, il était nécessaire de proposer un système de combat plutôt spectaculaire et dynamique. Reprenant donc les bases des Tales of précédents, ajouts récents y compris, Tales of Vesperia propose le EFR-LMBS, signifiant précisément : Evolved Flex-Range Linear Motion Battle System. Si les appellations de Namco semblent s'éloigner progressivement du monde des voyelles, cela n'influe aucunement sur la pertinence de ce système, se rapprochant d'une sorte de mélange entre Tales of The Abyss et Tales of Symphonia. Le premier pour le principe de déplacement en 3D libre sur le champ de bataille et pour la présence d'attaques prioritaires de l'ennemi, mélangeant les membres de votre groupe si vous êtes attaqué de l'arrière. Les deux pour la conservation de l'Over Limit, à savoir une jauge se remplissant au fur et à mesure des coups portés et reçus, qui permet de déclencher une sorte de frénésie chez votre personnage lorsqu’elle est à son maximum. Pendant un temps limité, vous pourrez enchaîner à volonté attaques de base et coups spéciaux sans transition. Très utile contre les boss particulièrement vicieux de cet épisode, ces instants de transe combattive confèrent aux combats de soudains accès de grand spectacle jouissifs, brisant quelque peu une certaine raideur dans les combinaisons de coups habituelles.
N'espérez donc pas retrouver la flexibilité d'un Star Ocean dans lequel il est possible de circuler entre les différents combattants, mais davantage l'approche d'un Radiata Stories auquel Tales of Vesperia renvoie souvent."
Un enchaînement d'attaques classique est limité et ce même s'il est suivi d'un coup spécial. Votre personnage se remet de ce fait en position neutre après chaque combo et cette animation s'étend sur un lap de temps non négligeable. Un frein dommageable au dynamisme des affrontements, qui nuit également quelque peu au mouvement de protection, le décalage entre la fin d'un coup porté et la mise en "garde" étant suffisant pour que l'ennemi en profite lâchement. Cependant, ces défauts n'empêchent aucunement de prendre un vrai plaisir durant les rixes, temps réel aidant. Très complet au niveau du réglage de l'I.A. de vos compagnons (le joueur étant limité à incarner un seul personnage à la fois), Tales of Vesperia utilise un système de stratégies. Prédéfinies par vos soins, ces dernières sont au nombre de quatre et s'activent par l'intermédiaire du menu accessible en combat. N'espérez donc pas retrouver la flexibilité d'un Star Ocean dans lequel il est possible de circuler entre les différents combattants, mais davantage l'approche d'un Radiata Stories auquel Tales of Vesperia renvoie souvent. Solide et sans accuser trop de prises de décisions arbitraires de vos coéquipiers, le système de combat du titre de Namco monte en puissance au fil du temps, proposant des affrontements réellement spectaculaires après une dizaine d'heures de jeu. Le tout associé à une liberté de placement souple et à de petites subtilités bienvenues comme les conditions secrètes présentes dans les duels contre les boss, vous permettant de remporter certains bonus si vous parvenez à les découvrir. Découverte qui est en un sens le moteur de ce Tales of Vesperia.
Eternal Sonata of Vesperia
Doté d'une réalisation de haut niveau, Tales of Vesperia met clairement en avant l'aspect contemplation, ses principaux protagonistes n'ayant jamais réellement exploré le monde les entourant. De ce fait, le titre fait clairement ressortir chaque paysage majeur par le biais d'un travail sur l'ambiance et une sorte de culte du "monumental", afin de donner au joueur ce sentiment de découverte. Une impression de "road movie" se dégage de l'aventure, celle-ci vous poussant à aller sans cesse de l'avant, autant pour échapper à la mise à prix de votre tête que pour le plaisir du voyage en lui-même. Un thème qui revient de nombreuses fois dans les discussions "secondaires" entre les personnages, qu'il est possible de déclencher à la vision d'un léger signal apparaissant après certains événements. Se rapprochant d'un Eternal Sonata dans son utilisation harmonieuse du cel-shading, Tales of Vesperia va même plus loin dans l'interpénétration animation / jeux vidéo en proposant des personnages encore plus fins – malgré une gestion des ombres absentes – et surtout plus expressifs. Chaque protagoniste, du principal au plus insignifiant villageois, possède une palette d'expressions étonnantes, tout du moins au niveau du visage, les animations étant assez raides. Le sentiment de participer à une série animée est véritablement prégnant et le travail sur l'immersion, tant au niveau des personnages que du monde les entourant, s'avère on ne peut plus probant, enrichissant encore cette impression. Très bonne surprise, Tales of Vesperia ne révolutionne pas la saga, poussant sur la même terre et se nourrissant des mêmes choses. Pourtant, malgré son statut de produit enfanté à la chaîne, il apporte une profondeur, une âme à une série qui semblait ne pouvoir évoluer que via son gameplay. Lorgnant sur bien des points du côté de Radiata Stories, ne serait-ce que pour l'humour, le scénario centré sur l'humain et la volonté de plonger le joueur dans un univers particulièrement vivant, Tales of Vesperia semble être l'épisode réconciliateur de la série et un concurrent inattendu et farouche au très attendu Star Ocean 4. A voir si les étoiles auront une attraction plus forte que ces terres accueillantes.