Les jeux violents interdits en Suisse ?
Alors que la question semble évoluer en Australie, le "problème" des jeux catalogués comme violents revient dans l'actualité en Suisse. Selon le site Les Ecrans, via l'article de Andréa Fradin, le Conseil des Etats a en effet adopté deux motions dans le but d'interdire les jeux "violents". Visant visiblement les titres catalogués comme interdits aux personnes de moins de 16 et 18 ans, cette décision est l'évolution d'une politique de limitation de l'accès à ce genre de produits entamée d'une part en juin dernier, mais qui couvait déjà depuis Mai 2008 si l'on en croit les déclarations de Nicolas Akladios, Président du Swiss Gamers Network, militant pour une attitude responsable vis à vis du medium jeu video. Il indiquait que "l'industrie du jeu vidéo est plus importante que celle du cinéma, et pourtant on continue à caricaturer grossièrement l'univers vidéoludique, voire à le diaboliser", suite à l'affaire Grand Theft Auto IV, qui avait causé un sorte de délire collectif des médias d'une part français mais également suisses. Une promptitude à s'alarmer découlant directement d'une méconnaissance du sujet et effectivement d'une diabolisation réduisant drastiquement l'attitude critique.
Le problème de fond n'a en revanche jamais été soulevé. Que ce soit au niveau politique ou médiatique, la moindre allusion à la violence dans le jeu vidéo donne lieu à deux réactions de base : la peur et le rejet de cette peur. D'un côté les médias et les politiques font appel à des psychologues, des "spécialistes" en jeu vidéo dont les conclusions sont partiellement ignorées, lorsqu'elles ne sont pas simplement à charge a priori. De l'autre côté, une partie plus ou moins grande de joueurs pour qui le fait de remettre en cause leur loisir est automatiquement une agression. Mais rares sont les observateurs, acteurs de l'industrie ou même philosophes à tenter de traiter enfin le sujet comme une réflexion de fond et non seulement comme une mise en quarantaine "dans le doute". Car ce n'est pas la parlementaire suisse, Géraldine Savary qui permettra une réfléxion de fond en déclarant que "le doute [est] trop grand pour ne pas poser la question […]" mais que paradoxalement "même si j’ai des doutes sur une interdiction pure et simple, je préfère laisser cette possibilité au gouvernement". Plutôt prévenir que guérir en somme, ce qui n'empêche pas de réfléchir une fois la censure appliquée. Un traitement de la question en sens inverse qui éloigne le débat de ce qu'est justement un jeu violent et surtout de la notion de violence dans la virtualité. Dans le même temps il est légitime de se demander quel impact a une certaine violence visuelle sur le comportement, pour saisir pleinement les tenants et les aboutissants d'une réflexion préalable.
Ce qui n'empêche pas de se fier pour le moment à la classification PEGI, suffisamment claire pour aiguiller les parents dans leur choix et les vendeurs dans leur obligation de conseil. Tout du moins sur "le terrain". Car adopter une interdiction totale des jeux obtenus par internet , en sachant qu'ils représentent aujourd’hui 20% des jeux achetés, selon Nikos Akladios est une utopie. Reste à savoir comment la Suisse légiférera finalement sur le sujet, car une interdiction totale de la commercialisation de ces titres, outre causer un soulèvement des joueurs, nécessitera des moyens colossaux, surtout concernant internet. Une nouvelle fois, la violence aperçue, ressentie, ou même ignorée des jeux vidéo devra devenir une interrogation de fond, afin de trouver des moyens autres que la disparition pour en définir les limites. Car la Suisse en faisant un grand pas vers l'interdiction avoue simplement son impuissance face à quelque chose qu'elle ne comprend pas. Le plus simple est encore d'essayer.
Sources : Les Ecrans, Le Temps, La Tribune de Genève