JOKER 2 : un bide énorme, à qui la faute ? Le nom de Christopher Nolan est cité...
Ça ne vous a pas échappé, Joker Folie à Deux est une suite qui se fait malmener. Commercialement déjà puisque le film est en train de bider au box office, mais aussi artistiquement puisque beaucoup de monde n'a pas adhéré à la proposition musicale, tandis que d'autres n'ont pas accepté la déconstruction du personnage. Arthur Fleck n'est pas le Joker et c'est quelque chose que le public n'accepte pas. Tout le monde parle de bide commercial, et même si le lancement est décevant, est-ce vraiment le cas ? En France par exemple, après une semaine d'exploitation, le film a déjà enregistré 602 000 entrées, c'est 1 million de moins que le premier Joker c'est sûr (qui avait attiré 1.6 million de personnes lors de sa semaine de sortie en 2019), mais on est quand même loin du flop annoncé. 602 000 entrées en France en une semaine, ça en fait même le film numéro 1 en France. Alors certes, il y a l'effet nouveauté, l'effet Joker, l'effet curiosité et il sera intéressant de voir si le bouche-à-oreille - catastrophique - du film va avoir un impact négatif sur les entrées lors des prochaines semaines. Je vous rappelle que le premier Joker avait terminé sa course à 5,61 millions d’entrées en France. Bien sûr, ce sera compliqué pour Joker 2 d'arriver aussi haut, mais c'est à surveiller quand même.
LA FOLIE DES GRANDEURS
Aux Etats-Unis, c'est à peu près le même topo, le film a ouvert son premier week-end à quasi 40 millions de dollars, alors que les prévisions tablaient sur 70 à 80 millions. 40 millions c'est pas mal si on prend le chiffre comme ça, surtout quand on se rappelle que le budget du premier Joker était de 55 millions de dollars. Sauf que pour cette suite, Warner a aligné la planche à billets, puisqu'il se dit que le film a coûté la coquette somme de 200 millions de dollars, soit le budget d'un gros blockbuster avec des tonnes d'effets spéciaux à produire. D'ailleurs, d'après Variety, si on ajoute les frais de promotion, il faut rajouter 100 millions de dollars supplémentaires, ce qui augmente le budget à 300 millions, c'est énorme. Mais on le sait, ce sont les artistes qui ont fait exploser la tirelire, puisque Joaquin Phoenix a pris 20 millions et Lady Gaga 12 millions. J'imagine que Todd Philipps a aussi pris un joli chèque, mais le montant de son salaire reste méconnu. Dans tous les cas, on est sur des montants importants et compte-tenu du départ catastrophique il y a peu de chances que le film rentre dans ses frais, surtout que le bouche-à-oreille est l'un des pires depuis un moment. Aux Etats-Unis, le film a obtenu la note de D, ce qui en fait le comic book movie le moins bien noté par les spectateurs. C'est inférieur à Madame Web, aux deux Shazam (ces horreurs oui), moins bien que The Marvels ou The Flash, je pense qu'on est dans l'abus et la mauvaise foi caractérisée. Car si Joker Folie à Deux se fait autant 'review-bomber', c'est en raison de sa proposition de comédie musicale, qui n'en est pas vraiment une d'ailleurs. Parce qu'encore une fois, le propos est loin d'être inintéressant, bien au contraire.
NOLAN, LE BOSS
Quant à Christopher Nolan, cinéaste le plus en vogue du moment, le nouveau Steven Spielberg pour certains, on apprend que ce dernier a eu le dernier mot quant à la fabrication du premier Joker. Dans un article consacré aux conséquences de l’échec commercial de Joker Folie à deux, le Hollywood Reporter a enquêté de son côté et a même pu interroger pas mal de personnes ayant travaillé sur le film, des personnes qui ont souhaité rester anonymes. Et on a apprend notamment grâce à l’une d’elles que la fin du premier Joker a été modifiée par Christopher Nolan, du temps où il bossait encore pour Warner Bros. et qui s'entendait encore avec eux. Selon le Hollywood Reporter, la première version du scénario avait envisagé qu'Arthur Fleck se taillade le visage devant cette foule venue l'acclamer à la fin du film. Mais Nolan a été contre cette idée dès le départ et a demandé qu'on change cette fin. Pour lui, il n'y a pas que son Joker à lui, joué donc par Heath Ledger qui avait le droit de se mutiler ainsi. C'est assez curieux comme décision parce que jamais dans The Dark Knight, on voit le Joker se taillader le visage. Il porte les cicatrices de cette mutilation et d'ailleurs, il en joue puisqu'à chaque fois, il raconte une histoire différente, histoire de brouiller les pistes sur son sourire de l'ange. Et donc finalement, quelque part, on a une réponse sur cette grande question de The Dark Knight. Le Joker de Heath Ledger s'est réellement tailladé le visage lui-même...
ARTHUR N'EST PAS LE JOKER
Etant donné que Christopher Nolan s'est brouillé avec Warner et qu'il est désormais parti voguer avec Universal (avec lequel il a sorti Oppenheimer), Todd Phillips a pu reprendre le concept qu'il avait imaginé au départ et c'est dans le Joker Folie à Deux que la scène a enfin lieu. J'en avais parlé dans la partie spoiler de ma critique, à la fin du film, Arthur Fleck se fait tuer par un co-détenu de l'asile d'Arkham. Un co-détenu qui a eu le droit à un gros plan à la moitié du film et qui suggérait déjà qu'il allait se passer quelque chose avec lui. Ça n'a pas manqué puisqu'on le voit se taillader le visage et principalement la bouche avec le couteau qu'il a utilisé pour tuer Arthur Fleck. On le voit au bord du cadre, en flou pendant que la caméra se rapproche du cadavre d'Arthur. Todd Phillips a d'ailleurs expliqué cette fin, que la vraie naissance du Joker est inspirée des actions d'Arthur Fleck.
D'après Todd Phillips, "Arthur Fleck a accepté le fait qu’il a toujours été Arthur Fleck. Il n’a jamais été cette chose, cette idée que les gens de Gotham lui ont collé. Fleck est une icône malgré lui. On lui a mis ça sur le dos, et il ne veut plus vivre avec cette fausse personnalité, il veut être qui il est." Tout le monde se fout d'Arthur Fleck, les gens ne s'intéressent qu'au Joker, notamment Lee, le personnage joué par Lady Gaga. Elle ne l'appelle jamais Arthur dans le film. La seule fois où elle le fait, c'est pour le larguer sur les marches rendues célèbres par le Joker de 2019. Difficile du coup de ne pas imaginer ce que Joker 2 aurait pu être si Christopher Nolan n'avait pas posé son véto sur cette scarification. Est-ce que Todd Philipps aurait embrasser l'idée que Arthur Fleck soit vraiment le Joker et non une figure idéalisée d'une révolte sociale ? La question mérite d'être posée.
Quoiqu'il arrive, même si Todd Philipps n'avait pas imaginé de suite, on apprend dans l'enquête de The Hollywood Reporter que s'il avait refusé, lui et les pontes de la Warner Michael De Luca et Pamela Abdy, ils seraient devenus la risée d’Hollywood, surtout après le milliard généré au box office. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévues et l'erreur des dirigeants de Warner et de Todd Philipps, c'est d'avoir refusé de faire des projections tests, sous prétexte d'éviter les spoilers. Une décision difficile à croire, car le film n’a pas une intrigue particulièrement riche en spoilers, et même des films comme Avengers Engdame ont eu plusieurs projections test. Après, quand tu génères 1 milliard de dollars quand ton film en coûte 55 millions, tu deviens tout de suite quelqu'un en qui on a entièrement confiance.
Qui sont donc les responsables de cet échec commercial alors ? Pour un producteur bien connu qui a préféré garder son anonymat, Joker 2 est « un échec collectif, mais c’était la bonne décision de faire ce film », car Todd Phillips est un réalisateur brillant qui a fait gagner des milliards à Warner entre le premier Joker et la trilogie Very Bad Trip. Et puis personne n’aurait refusé de faire une suite à un film qui a été à la fois un succès commercial et critique, d'autant qu'au moment de la prise de décision, les nouveaux boss de la Warner devaient remonter la pente après que toute la programmation de Warner ne passe sur le service de streaming HBO Max. Ce qui en ressort aussi de cette enquête, c'est que ni Todd Phillips ni Joaquin Phoenix ne voulaient faire de suite et, pendant un temps, ils ont même envisagé de monter un spectacle à Broadway à la place, avant de finalement s’engager dans cette suite, d’engager Lady Gaga. En fait, l’idée de la suite et de ce côté musical, ça vient de Joaquin Phoenix qui a pitché le film après un rêve qu'il ait fait. Ça rappelle James Cameron avec Terminator et Avatar, imaginés après des rêves, ce qui a poussé certaines personnes de l'industrie à dire que cette suite a été faite pour faire plaisir à Joaquin Phoenix. En tout cas, ce nouvel échec d'un film DC, même si on ne doit pas l'inclure dans l'univers que James Gunn est en train de préparer, met une presse supplémentaire au Superman de James Gunn. Rendez-vous en juillet 2025 pour savoir si le public sera réceptif...