Forspoken : on y a joué et ça manque toujours autant de conviction (Preview)
C’est la dernière ligne droite pour Forspoken, qui ne passera peut-être pas les fêtes au pied du sapin, mais fera partie des AAA à débarquer dès la fin du mois de janvier. Annoncé sous le nom Project Athia en juin 2020, le jeu avait également pour ambition de nous prouver tout le talent et le savoir-faire des studios Luminous Productions, une filiale de Square Enix, déjà responsable de Final Fantasy XV. Si le premier teaser il y a deux ans avait laissé entrevoir un jeu impressionnant visuellement, de l’eau a beaucoup coulé sous les ponts depuis. On se souvient notamment que les premières previews en décembre 2021 avaient laissé place à de gros doutes, notamment en termes d’open world et de gameplay. Après plusieurs mois de report, Square Enix revient avec une nouvelle copie, réajustée, mais malheureusement pas bien lunée non plus. On vous explique.
Il y a plusieurs raisons au rejet qu’ont les joueurs pour Forspoken, jouable par ailleurs à la dernière Paris Games Week et dont les retours utilisateurs n’ont été guère enthousiasmants non plus. Avant d’évoquer le gameplay et l’usage maladroit de l’open world, on se rend surtout compte que le principal problème du jeu provient de son histoire, mais aussi de ses personnages. Frey Holland et son air un peu désinvolte, qui verse bien trop souvent dans la comédie ne séduisent pas. Sans doute que Luminous Productions s’est inspiré de Spider-Man dans le ton employé, mais Peter Parker possède au moins l’avantage d’être un personnage ancré dans la pop culture depuis 60 ans. Jeune newyorkaise d’une vingtaine d’années un peu rebelle, Frey Holland se retrouve catapultée dans le monde d’Athia, en proie à une force obscure : la Brume. Et inutile de vous faire un dessin, c’est Frey qui est donc l’élue, seule capable de délivrer ce monde d’un festin funeste. Puisque notre jeune femme ne sait pas vraiment comment elle a atterri dans cet univers empreint de fantaisie et de magie, elle va obtenir l’aide de Krav, un bracelet doué de conscience, un peu trop bavard d’ailleurs, et dont le comportement – mais aussi le timbre de voix, du moins en VO – rappelle beaucoup le Jarvis de Iron Man. Marvel et le MCU ont beaucoup inspiré Square Enix et ce Forspoken, dont les personnages ont bien du mal à être attachants. Avec son jean slim, sa chemise à carreaux, ses sneakers usés et ses cheveux emmêlés, Frey tranche radicalement avec le monde d’Athia dans lequel elle a été propulsée. Un choix volontaire de la part des développeurs, qui ne parviennent malheureusement pas à imposer ce style décalé (c’est du mauvais Isekai) et qui jure même dès lors que les conversations avec Krav (le bracelet) s’enclenchent, laissant place à des échanges maladroits, parfois à la limite de la gêne. L’osmose entre les deux personnages ne prend pas, et les punchlines tombent souvent à plat. En plus de 3 heures de jeu, la complicité forcée des deux protagonistes a littéralement saboté notre immersion, ce qui nous laisse craindre le pire pour le reste de l’aventure.
ÇA SPOKE FORT EN EFFET
Mais il n’y a pas que dans son univers et ses personnages que Forspoken déçoit, en termes de rendu visuel, ce n’est pas non plus la claque annoncée. Pour commencer, on est assez loin des premières images révélées lors du teaser en juin 2020, qui laissait entrevoir un jeu aux graphismes next gen. La réalité est tout autre, et Forspoken fait même moins bien que certains jeux sortis sur la gen précédente, eux aussi en open world. Et il ne s’agit pas seulement de son open world terne, générique, souvent vide et à la structure peu engageante, mais aussi dans la modélisation de ses personnages. Ces derniers manquent de charisme évident, les expressions ne sont pas non plus très convaincantes et surtout, on ne parvient jamais à s’attacher à qui que ce soit. Autant vous dire que dans les séquences où les émotions doivent être palpables, on se contrefout pas mal au sort réservé aux personnages. C’est dommage car il y a une volonté de mettre en place une narration, avec des séquences travaillées pour nous plonger dans ce monde inconnu. Le vrai souci, c’est que cette association d’un monde actuel avec celui d’un univers fantaisiste ne fonctionne jamais. On pourrait alors jeter son dévolu sur le gameplay, basé sur du Parkour et des combats censés être dynamiques, mais là aussi, Forspoken peine encore à convaincre…
Mais il n’y a pas que dans son univers et ses personnages que Forspoken déçoit, en termes de rendu visuel, ce n’est pas non plus la claque annoncée. Pour commencer, on est assez loin des premières images révélées lors du teaser en juin 2020, qui laissait entrevoir un jeu aux graphismes next gen. La réalité est tout autre...
Popularisé fin des années 90, début 2000 au cinéma avec les Yamakasi, le Parkour s’est aussi étendu dans le jeu vidéo, avec notamment la licence Assassin’s Creed qui en a fait sa grande spécialité. Si la saga d’Ubisoft a délaissé ces déplacements de ninja urbain pour une approche plus darksoulienne dans les derniers épisodes, c’est bien parce que le Parkour est devenu un phénomène un peu has-been. Visiblement pas conscient de cet état de fait, les développeurs de Luminous Productions ont embrassé le projet à 2000% pour faire de Frey la nouvelle égérie d’un mouvement qui a marqué son temps. D’ailleurs, pour notre héroïne qui débarque de son New York natal sans la moindre notion de galipettes et autres pirouettes, la voir devenir une spécialiste de l’art du déplacement en deux leçons express met aussi en lumière les soucis de narration du jeu. On n’en voudra pas aux développeurs, obligés de faire évoluer son personnage le plus rapidement possible, afin qu’elle puisse devenir intéressante assez rapidement. Parce qu’on ne va pas vous le cacher, la découverte du Parkour dans le jeu est assez fastidieux, et débloquer chacune des compétences avant de pouvoir se déplacer correctement dans l’open world est une vraie tanné. Il faut apprendre à courir, à sauter, à grimper sur les murs, « tisser sa toile » pour se déplacer convenablement et commencer à prendre du plaisir. Un apprentissage poussif qui s’accompagne de tous les poncifs qu’on retrouve dans les open world classiques depuis plus de 15 ans. Forspoken n’innove en rien, et se contente même de reprendre une formule usée jusqu’à la moelle, ce qui jure pas mal après le passage d’Elden Ring.
FEMME-ARAIGNÉE
Là où le titre de Square Enix se montre plus intéressant, c’est dans l’usage des sorts de magie et la combinaison des trois pouvoirs : Attaque, Soutien et Afflux, qui sont en quelque sorte des frappes respectivement courte, moyenne et longue portée. C’est la combinaison des trois qui rend les combats plutôt dynamiques, offrant de nombreuses possibilités de gameplay. Entre l’invocation de boucliers de protection (capable de libérer des éclats par la suite), la possibilité de ralentir le temps (pour laisser le temps au joueur de choisir une autre compétence dans la roue des compétences) ou bien encore invoquer l’environnement en guise de soutien. Clairement, dans ses affrontements, Forspoken veut en mettre plein la vue, peut-être même un peu trop, avec des effets visuels dans tous les sens qui ont tendance à inonder l’écran et rendre par la même occasion les combats un peu brouillon. On a connu pire cependant avec la série des Bayonetta, mais au moins, le jeu de PlatinumGames avait le bon goût de ne pas afficher les points de santé de chaque ennemi. Encore un choix contestable de la part de Luminous Productions.
On aurait aimé être séduit par Forspoken, un titre loin d’être développé par des novices en la matière. Pourtant, le jeu donne le sentiment d’enchaîner les maladresses d’une production débutante. Qu’il s’agisse de son histoire peu emballante, de ses personnages qui manquent de charme et de charisme évident, de son open world vide (et bardé de poncifs) et d’un gameplay vraiment poussif, on a du mal à croire qu’il s’agit de la même équipe que Final Fantasy XV qui est derrière ce titre. D’un autre côté, on se rappelle que ce dernier avait lui aussi enchaîné les bévues avec une structure de jeu incohérente. Espérons que Forspoken en a encore sous la pédale pour nous surprendre le 24 janvier 2023, car pour le moment, c’est un peu la douche froide.