Dante's Inferno
Une œuvre et un jeu à succès produit par un concurrent : tels sont les deux ingrédients désormais indispensables à Visceral Games pour produire un titre inédit. Après avoir réuni le meilleur d’Alien (le film) et de Resident Evil (le jeu) dans un Dead Space dont la simple évocation suffit à coller le frisson à bien des joueurs, le studio interne d’Electronic Arts s’empare aujourd’hui de l’âme de Devil May Cry et la plonge dans le chaudron bouillonnant de la Divine Comédie. Furieusement gothique et sacrément flamboyant, Dante’s Inferno s’est laissé dompter durant quelques minutes sur PS3.
Bayonetta le 8 janvier, Dante's Inferno le 12 février, God of War III en mars (ou en avril, ou en mai), les amateurs d’action brutale ne vont plus savoir où donner de leur grosse épée dans les prochains mois. Si la nouvelle aventure de Kratos ne manquera pas de remporter un franc succès, les deux outsiders semblent avoir suffisamment de répondant pour se faire une petite place dans le palpitant des apprentis meurtriers. A commencer donc par ce Dante’s Inferno irradiant de sauvagerie.
La Divine Boucherie
Le titre de Visceral Games prend évidemment quelques distances avec l’œuvre de Dante Alighieri, le poète florentin n’ayant pas jugé bon d’intégrer le massacre d’âmes damnées à coups de faux monumentale dans son chef d’œuvre littéraire. Le héros lui-même n’a plus grand-chose à voir avec le Dante fictif qui traversait l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, en compagnie de Virgile, puis de Béatrice et de Saint Bernard. Musculeux et nerveux, le personnage principal est ici un ancien croisé hanté par son passé, un homme qui a largement fauté et semble amplement mériter son CDD au cœur de l’horreur. Décidé à expier tous ses péchés sans en omettre aucun, Dante s’est carrément préparé un mémorandum sous la forme d’une tapisserie représentant ses – très – mauvaises actions. Afin de ne pas perdre le précieux pense-bête, il a même eu la présence d’esprit de se le coudre à même la chair. Le résultat sied fort bien à ce caractère délicat, qui joue donc à l’Ankou au pays des morts, maniant à la fois une monstrueuse faux au design extrêmement agressif, mais également un lourd crucifix. Les deux armes ont une utilité différente : la première sert naturellement à charcuter, trancher, éviscérer et autres joyeusetés, tandis que la seconde permet, grâce à l’énergie divine qui s’en dégage, de repousser ou de neutraliser temporairement ses adversaires. Dante connaît ses classiques, et son grand jeu va bien sûr consister à multiplier les combos exploitant les possibilités offertes par ces deux accessoires : coups de faux en série, puis étourdissement, avant de finir sur une belle moisson de tripes. Une telle barbarie n’ouvre néanmoins pas les portes du Paradis, et vous serez parfois invité à faire preuve de clémence. Après les avoir estourbis, vous pourrez choisir parmi deux options pour achever vos ennemis : la voie du sang, avec un finish dans l’esprit de Mortal Kombat, ou l’absolution, une libération toute aussi définitive mais moins cruelle.
Devil will cry
Calqué sur ses petits concurrents, Dante’s Inferno offre donc de belles séquences d’action furieuse. La prise en main est très simple et les enchaînements mêlant coups de lame et pouvoirs spirituels s’exécutent sans difficulté. La production d’Electronic Arts ne se limite néanmoins pas à un simple carnage souterrain. Chaque niveau a ses propres caractéristiques : certains, tel le Cercle des coléreux, sont purement orientés baston, d’autres s’annoncent plus complexes et aériens, comme le Cercle des prodigues et des avares. Divers mécanismes sont répartis tout au long de l’aventure, et de menues énigmes attendent les intrépides. La courte démo présentée au Festival du Jeu Vidéo, puis à Londres dans le cadre du showcase hivernal d’EA, permettait de découvrir les deux aspects de la partie dans le cadre du Cercle des luxurieux. Rien à redire sur l’action, mais les quelques minutes passées à actionner des leviers et à manipuler des blocs de pierre pour les placer au bon endroit ne nous ont pas particulièrement convaincu. Les manœuvres à effectuer ne sont pas forcément évidentes – la faute à un level design pas toujours nickel – et brisent le rythme de la partie. L’échantillon présenté n’était toutefois pas forcément représentatif d’un jeu qui a bénéficié de longs mois d’efforts de la part d’une équipe expérimentée. Les quelques baisses de tension enregistrées sur la démo nous ont d’ailleurs permis de mieux observer le brillant travail visuel réalisé par les développeurs, qui ont su créer un univers à la démesure de leur sujet. Le bestiaire proprement répugnant et les environnements aussi réfléchis que dérangeants témoignent d’une volonté de faire de cet enfer virtuel le lieu le plus inhospitalier qui soit. Visceral Games a d’ailleurs embauché l’un des illustrateurs les plus sérieusement barrés de ces dernières années pour l’assister dans son œuvre. Wayne Barlowe, notamment connu pour son travail sur les deux films Hellboy, a largement mérité son salaire tant ses créatures impressionnent. Bien que largement édulcorée pour des raisons commerciales, sa vision de Cléopâtre en reine géante du Cercle des luxurieux demeure assez saisissante. Boss du niveau, la très dénudée souveraine d’Egypte rejette, dans des gerbes verdâtres, des chérubins cadavériques par ses tétons malades. Le flot est intarissable, et pour venir à bout du colossal ennemi, vous devrez jouer au mieux des spécificités du décor. C’est parfaitement dégueulasse, mais également très rigolo, et si tous les généraux de Satan sont du même acabit, nous irons volontiers au diable en compagnie de Dante en février sur Xbox 360 et PS3.