Call of Duty Modern Warfare : on a vu le reboot, hyper réaliste, limite dérangeant, nos infos
Quoique l’on dise des Call of Duty, difficile de nier l’efficacité hors-norme de chacun des seize opus publiés jusqu’à présent. Pourtant, si l’on ne devait en retenir qu’un, sans doute le quatrième chapitre Modern Warfare est celui qui reviendrait le plus souvent en tête de liste : c’est bien simple, sans lui, la saga n’aurait jamais connu un tel essor, et Activision non plus. En posant un cadre moderne dans une période où la Seconde Guerre Mondiale prédominait, le jeu d’Infinity Ward n’a pas juste séduit son audience, il a littéralement bousculé les codes du FPS grand public. Trois Modern Warfare et presque 76 millions de ventes plus tard, le studio californien s’est alors attelé à deux autres sous-franchises, Ghosts et Infinite Warfare, clairement les petits vilains canards de la série malgré des scores époustouflants. Pour 2019, la firme revient enfin aux sources, à ses amours, et compte bien repartir en pole position devant Treyarch et Sledghammer : Call of Duty Modern Warfare est un reboot ultra-prometteur, et il nous a été présenté en toute intimité à Los Angeles. Premier verdict.
D’innombrables rumeurs fleurissaient, cette dernière année, sur le prochain volet de Call of Duty. De façon plus que probable, on savait que la marque Modern Warfare allait enfin faire son grand retour après pas moins de huit ans d’absence : en revanche, nous étions loin de nous douter qu’Infinity Ward allait opter pour un reboot audacieux, et non pas pour le très présumé MW4. La surprise fut ainsi totale quand les développeurs nous présentèrent le projet, directement dans leurs locaux, dans un cinéma privé parmi quelques élus journalistes. D’ailleurs, pour ces créateurs historiques de Call of Duty, il s’agit plus d’une sorte de "ré-imagination" : plusieurs termes se bousculent au portillon mais, si l’on peut bien vous confirmer quelque chose, c’est que ce nouveau Modern Warfare n’est pas un remake. De la même façon que Call of Duty 4 avait pu surprendre le marché, les Américains comptent bien, ici, réitérer l’exploit. Et pour ce faire, le jeu s’oriente de façon surprenante dans un réalisme et une authenticité encore jamais produite dans la saga. C’est assez couillu… et exactement ce dont avait besoin la franchise.
ON EFFACE (PRESQUE) TOUT ET ON RECOMMENCE
De façon assez remarquable, les Modern Warfare avait codifié (sans mauvais jeux de mots) beaucoup des mécaniques FPS de la génération précédente. On se souvient des campagnes complètement abracadabrantes, alimentées de scènes hollywoodiennes, de musiques épiques – Hans Zimmer avait même réalisé l’OST de Modern Warfare 2 – et d’une intensité ébouriffante. Pour ce nouvel opus, ne vous attendez pas nécessairement à de telles directives. Tout d’abord, et il semble important de le préciser après l’absence de solo dans Black Ops 4, oui, Modern Warfare disposera bel et bien d’un mode carrière en bonne et due forme. À vrai dire, durant la présentation privée de plusieurs heures à laquelle nous avons eu droit, l’accent était même majoritairement mis sur cette campagne intrépide. Dave Stohl et Pat Kelly, les deux dirigeants de la société ; Joel Emsli, le directeur artistique ; Stephen Miller, l’Audio Director ou encore Taylor Kurosaki, le Directeur Narratif avec lequel nous avons pu nous entretenir longuement seul à seul : tous se sont succédés pour nous présenter le jeu dans les moindres détails.
RÉINVENTER LES COD
Ainsi, n’espérez pas à une suite mais bel bien à une histoire totalement originale, plantée dans un contexte moderne avec toutefois certains des mêmes protagonistes (coucou Casino Royale), comme ce bon vieux Captain Price. Ce choix de redémarrer la série est en réalité tout à fait légitime : le monde d’aujourd’hui, le vrai, s’est particulièrement complexifié depuis la sortie du premier titre MW, en 2007. De nouvelles tensions géopolitiques sont apparues, la technologie a évolué, les nations ont bougé. Difficile alors de tenir le terme « Modern Warfare » dans une suite aux trois premiers jeux, d’autant plus qu’après les événements scénaristiques qui s’y sont produits, l’univers est particulièrement dévasté. En rebootant Modern Warfare, Infinity Ward peut alors donner son interprétation du monde militaire de 2019 (tout en gardant l’apport marketing de la marque) et, selon les développeurs, ce nouveau jeu se devait d’être plus sérieux, plus mature, plus impactant. Lors des deux missions qui nous furent présentées, nous avons alors assisté à un Call of Duty revu à la hausse, endossant l’étonnant parti-pris du réalisme. Comme ils nous l’ont souvent répété, la guerre n’est jamais blanche ou noire : elle est toujours grise. En cela, la campagne nous fera voir le meilleur et (souvent) le pire des conflits, en retranscrivant des scènes parfois borderlines mais jamais gratuites, le but étant de dénoncer certains faits de la vraie vie, et surtout en respectant les malheureux qui en ont fait les frais.
CALL OF CHARLIE
La première séquence dévoilée mettait directement dans le bain. Direction la capitale anglaise, au sein des forces spéciales londoniennes. Après un attentat dévastateur à la bombe ultra-sauvage, dont la déflagration et les cris désespérés qui s’en suivirent n’ont pas manqué d’instaurer quelques frissons tristement nostalgiques, le but donné était simple : démanteler le réseau terroriste responsable, caché dans un immeuble. Pour ce faire, on incarne alors un membre d’une squad surentraînée, investissant les lieux de force et stratégiquement. Après avoir coupé l’électricité en pleine nuit, l’opération commence dans le noir et surprend : nous ne sommes plus dans la surenchère habituelle des Call of Duty, mais bel et bien au sein d’une attaque organisée minutieusement, où chaque geste est décisif et chaque tir son importance. À l’aide de lunettes à vision nocturne et du pointeur laser, l’assaut, mené à travers des couloirs sinueux et contre des hommes retranchés dans les différentes pièces du bâtiment, s’est avéré étonnamment brute de décoffrage… et de pragmatisme. La sècheresse et l’impact des kills révèlent alors la dimension réaliste de ce nouveau Call of Duty, faisant directement échos aux divers événements tragiques vécus en Europe, ou pour faire un parallèle cinématographique, à la scène phare de Zero Dark Thirty. L’impact précis des balles sur les corps, leur chute lourde sur le sol, les visages tétanisés, saisis par la mort, affichent un véritable travail technique et de mise en scène.
Après un attentat dévastateur à la bombe ultra-sauvage, dont la déflagration et les cris désespérés qui s’en suivirent n’ont pas manqué d’instaurer quelques frissons tristement nostalgiques, le but donné était simple : démanteler le réseau terroriste responsable, caché dans un immeuble.
Dans la salle de projection, certains journalistes n’étaient d’ailleurs pas à leurs aises devant cette action si terre à terre. L’assaut ne demandait pas de tirer non plus sur tout ce qui bouge : une femme était par exemple inoffensive, prenant son bébé dans les bras pour se protéger ; une autre non, feintant les soldats en se jetant désespérément sur une arme à la volée… pour finir, elle aussi, avec du plomb dans la tête. Très clairement, on sent la volonté des développeurs d’apporter un facteur humain aux différentes situations, de faire en sorte que le joueur se sente impliqué au travers des personnages qu’il incarnera. Cette séance de jeu permettait également de mettre en lumière de nouvelles mécaniques de jeu : désormais, il est possible d’ouvrir les portes à plus ou moins fort degré, voire de les enfoncer, pour gérer la situation à sa guise, de tirer de côté au coin d’un couloir ou bien de se mettre à couvert. Le système de pénétration balistique des surfaces est lui toujours d’actualité, permettant d’atteindre un ennemi planqué derrière un mur : qu’on se le dise, il y avait un peu de Rainbow Six Siege dans cette démo… et ce n’était pas pour nous déplaire, loin de là.
DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA GUERRE
La seconde mission présentée, pour le coup, n’avait rien à voir avec la précédente mais continuait de contraster avec ce que l’on connaissait de Call of Duty. Cette fois-ci, l’action prenait place dans les yeux d’une rebelle dans un pays fictif du Moyen-Orient, ayant choisi de prendre les armes pour combattre le fléau terroriste… mais dans un flash-back remontant à une vingtaine d’années. Ainsi, on se retrouve dans la peau d’une fillette, haute comme trois pommes avec peut-être six ou sept ans à son actif, en pleine invasion russe de son village natal. Les premières minutes donnent le ton : ensevelie sous les décombres, le cadavre de notre présumée mère à nos côtés, nous recevons la douce lumière de la surface sur notre visage, gagnant du terrain au fil des pierres enlevées à la sueur des hommes qui tentent, activement, de nous sauver. Finalement dans les bras de notre père, on assiste alors, impuissante, au débarquement d’une escouade soviétique, exterminant la population locale. Très vite, on se retrouve confrontée à la mort de notre père, puis à son meurtrier dans une partie de chat et de la souris où l’on se doit de ramper, de se cacher et d’assaillir notre ennemi prudemment à l’aide d’objets de fortune. La phase qui s’en suit n’est pas non plus très joviale puisque l’on doit faire face dans une phase d’infiltration aux retombées dramatiques d’une attaque au gaz, à l’exécution des civils ou des animaux encore vivants, convulsant au sol, à la totale merci des forces militaires ennemies.
Cette fois-ci, l’action prenait place dans les yeux d’une rebelle dans un pays fictif du Moyen-Orient, ayant choisi de prendre les armes pour combattre le fléau terroriste…
Si l’on se souvient évidemment de la scène polémique « Pas de russe » de Modern Warfare 2, force est de constater que cet opus là aura, lui aussi, ses propres phases choc. Mais au contraire des anciens jeux, le souhait d’Infinity Ward est ici davantage dénonciateur, moral. Taylor Kurosaki, le Directeur Narratif du studio, nous a avoué en privé qu’il était très important, pour lui et son équipe, de faire ressentir toute la difficulté des choix (ainsi que leurs conséquences) commis par tous les acteurs de la guerre. Et parce que « chaque combattant de la liberté est le terroriste de quelqu’un d’autre », Modern Warfare devrait alors aussi s’aventurer du côté des méchants, en essayant de nous faire comprendre les motivations des grands vilains qui, même s’ils essaient de parvenir à leurs fins par des moyens terribles, sont convaincus par leurs idéaux. Cette prise de maturité dans la narration et dans les propos, totalement inhabituelle dans la saga, s’explique peut-être aussi par la venue de plusieurs développeurs talentueux ces derniers temps. Effectivement, Infinity Ward a récemment accueilli en son sein quelques ex-effectifs de Naughty Dog, et ceux-ci auraient apporté tout leur savoir faire de mise en scène et d’écriture pour ce mode solo. De ce qui nous a été montré, l’influence est réelle. Le HUD, alors épuré et affichant des icones d’interaction, fait alors directement écho à Uncharted 4 ; le duel de la fillette et du militaire, quant à lui, suivait le même schéma que le cruel affrontement d’Ellie et David dans The Last of Us. D’un point de vue artistique, les inspirations voguent aussi du côté de films comme Sicario, Du Sang et des Larmes, American Sniper. Les thématiques de l’adversité, de la détermination, de la cruauté semblent de mise et s’appuient sur des tons sableux, secs, bruts. Ces deux missions sont tout ce que nous ont montré les concepteurs californiens, et autant dire qu’il y a un fossé avec ce que l’on s’attendait à voir. Pour autant, on nous a confirmé que le titre garderait de grands pans de Call of Duty : on ira visiter de nombreux endroits du monde et des batailles plus larges (entendez par-là, « plus mainstream ») seront heureusement toujours de la partie. Mais Modern Warfare compte bien faire avancer la série et l’on croise tous les doigts possibles pour que les promesses soient tenues.
ON REFAIT LA VITRINE
Si ce reboot étonnant parait aussi percutant, c’est bel et bien aussi parce qu’Infinity Ward a mis un véritable coup de coller sur la technique. Pour ainsi dire, la firme a carrément ouvert un autre studio, en Pologne, afin de prêter main forte sur cet aspect-là et ce tout au long des trois ans de développement. Le moteur du jeu se voit alors drastiquement amélioré, notamment sur la physique des objets – un gros travail a par exemple été fait pour que les sacoches ou les vêtements bougent en temps réel sur les personnages ; les balles, elles, ricochent désormais sur les armes ou les parties métalliques mineures – et des corps humains, qui bénéficient enfin d’un véritable ragdoll. De même, la photogrammétrie fut un des éléments essentiels à la réalisation du titre, permettant alors un rendu ultraréaliste des environnements et des modèles 3D humains comme matériels. Rajoutez à cela une lumière entièrement volumétrique et même du Ray Tracing pour sa gestion et vous avez clairement le plus joli Call of Duty jamais réalisé. Cerise sur le gâteau, plus de 90 micros ont été nécessaires à l’enregistrement des différents bruits d’armes à feu pour un verdict sans appel : entièrement dynamique et évolutif, le sound design de ce Modern Warfare un réel délice et permet, ENFIN, d’apporter une véritable profondeur dans les fusillades. Call of Duty semble avoir appris de beaucoup de ses erreurs et le meilleur, dans tout cela, c’est que les sensations de jeu n’en sont que plus abouties.
Le recul des armes, plus impactant, s’est aussi rendu plus maniable pour ne pas en subir les frais ; il est désormais possible de lever son arme en l’air pour courir encore plus vite et, mieux encore, on peut maintenant recharger en tirant presque sans temps mort.
Si nous n’avons malheureusement pas pu poser nos mains sur la campagne solo, il était en revanche possible de voir plusieurs développeurs s'atteler à certaines démonstrations, juste devant nous et nous nous en tiendrons « simplement » à nous attarder sur un gameplay particulièrement jouissif : avec tout cette authenticité, le risque aurait été clairement de s’enfoncer dans une jouabilité plus terre à terre et finalement moins porteuse de l’ADN Call of Duty. Heureusement, les bases sont bien là et grâce des animations plus nombreuses, à des déplacements moins robotiques et surtout grâce à l’énorme renfort technique, rarement le feeling n’aura été aussi bon dans la franchise. Chaque frag est un plaisir de volupté, de fluidité mais aussi de nervosité. Pour ceux que cette nouvelle orientation globale inquiéterait, sachez que le dynamisme traditionnel de la saga n’est en rien affecté et qu’il s’agit plutôt d’un retour aux sources largement rénové, abandonnant définitivement les possibilités fantaisistes abordées dans les précédents softs (doubles sauts, courses murales, capacités des Spécialistes, et l’on en passe). Le recul des armes, plus impactant, s’est aussi rendu plus maniable pour ne pas en subir les frais ; il est désormais possible de lever son arme en l’air pour courir encore plus vite et, mieux encore, on peut maintenant recharger en tirant presque sans temps mort. En soi, du tout bon et nous voilà parfaitement réconciliés, du moins pour le moment, avec une saga dont le dernier jeu en date manquait un peu de panache pour nous surprendre. A priori, Call of Duty Modern Warfare devrait sortir sur PC, PlayStation 4 et Xbox One pour le mois d’octobre ou novembre – la date reste encore à confirmer – mais il semble bien parti pour remettre les anciens au pied de guerre tout en touchant un nouveau public, n’ayant pas eu la chance de faire ses armes sur les premiers Modern Warfare.
On ne s’y attendait franchement pas, mais ce reboot de la franchise Modern Warfare semble bien disposer de suffisamment d’audace pour marquer les esprits au fer rouge. C’est bien simple, de ce qui nous a été montré, il s’agit assurément du Call of Duty le plus réaliste, le plus mature et le plus authentique jamais réalisé à ce jour. Grâce à une nouvelle branche ouverte en Pologne il y a trois ans et en s’appuyant sur l’expertise d’ex-développeurs de Naughty Dog recrutés pour l’occasion, une véritable marche technique a enfin été franchie, permettant alors à la mise en scène, à l’écriture et à certains pans du level design de relever d’une intensité plus qu’appréciable. On espère juste que son parti pris décidément pertinent, souhaitant nous confronter à toutes les horreurs morales des conflits modernes, ne versera pas trop dans le patriotisme américain et dans une écriture aux grosses ficelles. Difficile de prédire si le titre saura impacter tout autant que Call of Duty 4 à son époque – a priori, il est tout de même peu probable qu’il refaçonne les codes du FPS comme le premier Modern Warfare avait su le faire – mais son histoire toute neuve, son gameplay au feeling étincelant et sa réalisation solide, sound design acéré à l’appui, promettent finalement une petite révolution dans la saga.